Est-ce pour saluer l’arrivée très prochaine d’un nouveau directeur de la communication à Nantes Métropole que Presse Océan a posé sur deux pages entières, l’autre samedi, la question suivante : « Nantes a-t-elle cédé à la tentation de la pause ? »
Et de reprendre dès la première ligne la vieille scie de « la belle endormie réveillée au début des années 1990 […] par l’arrivée de Jean-Marc Ayrault (PS) aux affaires ». C’est deux fake news en une, et en plus on le sait depuis longtemps. « À partir de 1989, une majorité de gauche et de progrès réveilla Nantes, la belle endormie », affirmait en 2011 la page du Parti socialiste sur le site web de Nantes Métropole. En fait, c’était Bordeaux qu’on appelait depuis des décennies « la belle endormie ». Bien avant Nantes, il y avait d’autres candidates comme Aix-en-Provence, Metz, Reims et littéralement des dizaines d’autres. Le thème de la « belle endormie » est un cliché absolu.
Il n’a été appliqué à Nantes pour la première fois qu’en octobre 1992, dans L’Express. La métaphore a bien plu en haut lieu. Consciente ou pas de sa banalité, la communication de Nantes Métropole l’a abondamment utilisée dans les années 2000 et 2010. Puis elle s’est faite rare depuis quelques années. La sociologue Élisabeth Pasquier a même osé la qualifier de « mythe » dans un très sérieux mémoire universitaire.
Le coup de chapeau à la « majorité de gauche et de progrès » censée avoir présidé au réveil de 1989 est devenu un coup de pied de l’âne. Ladite majorité est aux commandes depuis bientôt trente-cinq ans – plus d’un tiers de siècle ! Après avoir réveillé la « belle endormie », l’aurait-elle laissée céder, la vilaine, à la « tentation de la pause » ? Ou même, lui aurait-elle débité des berceuses jusqu’à ce que la vieille assoupie finisse par céder à la tentation de la (méno)pause ? On aura beau incriminer le « Nantes bashing » pratiqué, assure Dominique Bloyet dans Presse Océan, par « une poignée de journalistes originaires de Nantes bien en vue dans la capitale » (prend ça dans les dents, Pascal Praud), on voit bien que Jean-Marc Ayrault et Johanna Rolland ont dû louper un tournant quelque part.
Gérard Brovelli, enseignant honoraire à la fac de droit de Nantes, croit savoir où : « Ce n’est pas d’un CHU dont l’île de Nantes avait besoin mais sans doute d’un monument emblématique, une sorte de phare sur le port ». Ferait-il partie des pigeons de l’Arbre aux Hérons ? Mais c’est faire peu de cas du Mémorial de l’abolition de l’esclavage, monument emblématique de Jean-Marc Ayrault sur le port ! Une sorte de phare de la pensée, comme on disait autrefois de Mao Tsé-Toung. Voilà bien un sujet qui devrait troubler le sommeil de la « belle », pourtant…
M. Brovelli incrimine aussi la situation du logement, due à une « absence de réserves foncières et de politique active sous Ayrault ». On dirait que la réputation de la Samoa, qui préside depuis 2003 à plus de 337 hectares d’aménagements urbains sur l’île de Nantes, sans parler du Pré-Gauchet et des 50 hectares d’Euronantes, n’est pas parvenue jusqu’à la fac de droit… Si la gauche universitaire se met à canarder à boulets rouges la gauche municipale, Marc Péron, qui s’apprête à devenir dircom de Nantes Métropole après avoir été celui de Nantes Université pendant douze ans, risque de vivre des moments difficiles. Pour ce qui est de la dégradation de l’image de Nantes, en tout cas, il va devoir trouver des excuses plus musclées.
Sven Jelure
La pause n'est peut-être pas tant sous le signe de la tentation que de l'obligation.
RépondreSupprimerA quand une étude sur les effets de l'annulation de NDDL sur l'aménagement urbain nantais ?
La réserve foncière, certes plus métropolitaine que nantaise, ne se trouvait-elle pas au sud de la Loire ?
Les coudées étant moins franches, on est forcément moins ambitieux.
Quand en prime ce qui devait relever du symbole, les manèges, ne convaint pas... (on regrettera ses amateurs qui ont longtemps porté un projet de nouveau pont transbordeur, sans doute pas assez dans le petit carnet du professeur d'allemand).
Quant à la dégradation de la qualité de vie, essentiellement sécuritaire, c'est particulièrement spectaculaire à Nantes (PO qui titre sur la mort du "dernier caïd nantais", il y aurait des choses à dire sur ce titre aussi peu innocent que son sujet), mais c'est une tendance nationale. Rennes (qui n'est pas port international et donc moins exposée) a de quoi alimenter les gros titres et vu l'allure à laquelle les trafics se développent dans les villes moyennes (Niort est un cas d'école), Angers devrait se dépêcher de profiter de sa mode, il y a un prix à payer à remporter le premier des classements du bonvivrensemble.
Enfin je n'irais pas jusqu'à défendre Ayrault comme je peux le faire de Rolland, lui a eu de l'or dans les mains quand elle a récupéré du plomb plaqué, mais si les critiques sont du niveau de l'universitaire, de Praud ou des oppositions (elles sont nombreuses, au sein même de la majorité d'ailleurs), ça n'augure pas grand chose de constructif.
Comme c'est malheureusement la tendance, on se soulagera de voir une clique peut-être enfin dégagée mais ce qui s'annonce à la place n'est pas bien fringant.