29 novembre 2008

Immobilier : prix en baisse, Coué en hausse

Quand on se promène dans Nantes, on voit de plus en plus de pancartes "A vendre". Pourtant, il y a quelques semaines encore, promoteurs et agences juraient leurs grands dieux que non, non, il n'y avait pas de crise de l'immobilier. Ailleurs peut-être, mais pas à Nantes. Aujourd'hui, dans Presse Océan, les responsables du Cina, club des professionnels de l'immobilier de Loire-Atlantique, avouent que "la chute de l'activité s'est vraiment fait ressentir à partir de mai". On nous aurait donc menti ? Heureusement, disent les mêmes "les prix ne dégringolent pas à Nantes". Et cette fois-ci, promis-juré, ils disent la vérité ? Ils admettent tout au plus 5 à 6 % de baisse. Mais les vitrines des quelques agences qui affichent en clair les baisses de prix (par exemple Acced Saint-Donatien, 1 rue Desaix) racontent une autre histoire : quand un prix affiché est réduit, ce serait plutôt 10, 15, voire 20 %... Et lemonde.fr assurait voici quelques jours que le prix des deux pièces a baissé à Nantes de 11,7 % entre janvier et octobre 2008. Se pourrait-il que la méthode Coué demeure en usage dans ce métier ?

11 novembre 2008

Les internautes moins séduits par Nantes

Le site L’internaute Magazine, fleuron du web 2.0, propose 255 avis sur Nantes, étalés d’août 2004 à novembre 2008 (http://www.linternaute.com/ville/ville/temoignage/527/nantes.shtml). On dispose ainsi d’une « verticale » sur quatre années.

Les avis ont-ils évolué dans ce laps de temps ? Oui : ils sont devenus plus élaborés, plus raisonnés, plus critiques aussi. En 2004, ils se bornaient en général à trois ou quatre lignes presque toujours élogieuses, typiquement : « Nantes est une ville très agréable dans laquelle il fait bon vivre ». Les rares bémols portaient sur le climat et la circulation. En 2008, les avis positifs restent largement majoritaires, heureusement, mais on voit se multiplier les critiques nettes et souvent argumentées contre l’urbanisme, l'insécurité, les aménagements publics et la mentalité des Nantais – ou peut-être surtout des néo-Nantais. Les Parisiens sont les plus sévères. L’un déplore « les anachronismes qui ont sacrifié à la mode, la rénovation de l'île et ses immeubles sans âme, la circulation nord-sud et le prix de l'immobilier qui monte qui monte », un autre « les Parisiens qui déménagent et s'installent sur l'île de Nantes, "rive gauche" en essayant de reproduire cette détestable ambiance bourgeoise parisienne », un troisième « les nouveaux habitants qui pensent habiter une ville avec des prétentions culturelles ».

Les avis de 2004 étaient pour la plupart nanto-nantais. Ceux de 2008 émanent surtout de gens qui ont habité plusieurs villes et peuvent établir des comparaisons. Ceux qui sont venus s’installer à Nantes sont rarement très déçus, mais ils trouvent que Nantes n’est pas vraiment à la hauteur de sa communication municipale. « Je n'aime pas l'écart entre l'image forgée par la ville et la réalité de la vie à Nantes », écrit ainsi un ancien Lillois.

09 novembre 2008

Pourquoi l’éléphant est foutu : (3) la mission

Le projet des Machines de l’île répondait à un objectif ambitieux. Nantes Métropole l’a exposé dans un dossier de presse du 18 juin 2004 : la communauté voulait lancer dans le cadre du projet Île de Nantes un projet touristique « qui puisse contribuer au renforcement de l’image de la métropole Nantes-Saint- Nazaire et au développement économique de l’agglomération ». Le projet retenu, ajoutait-elle, devait être « de grande qualité et capable d’attirer un public à la fois national et international ». Ces prémisses posées, la communauté sautait à une conclusion téléphonée : « De ce point de vue, Les Machines de l’île (…) répondent à cet objectif ». Répondant à l’appel, toutes les bonnes fées , y compris l’Union européenne, sont alors accourues au berceau du projet qualifié de « prioritaire et structurant au niveau régional ».

Pour signer avec les Machines de l’île, Nantes Métropole affirmait notamment que « ces grandes réalisations capitalisent le savoir-faire évènementiel de [leurs] deux concepteurs ». Dès l’origine, la communauté urbaine avait ainsi mis le doigt sans s'en apercevoir sur un facteur qui allait plomber les Machines : leurs concepteurs étaient des spécialistes de l’événementiel. Un événement, par définition, est ponctuel. Les animateurs des Machines savent fort bien monter des « coups » médiatiques, mobiliser la presse autour d’une manifestation, chauffer un public, mais tout cela doit rester exceptionnel, car la répétition engendre l’usure. La première sortie de l’éléphant, le 30 juin 2007, a été un énorme succès dont les retombées ont valu aux Machines une bonne fréquentation pendant tout l’été 2007. Puis cet effet s’est estompé, et les déclarations à forte teneur en superlatifs de M. Oréfice n’ont jamais pu relancer la machine. Les manifestations organisées au fil du temps – l’été indien, etc. – ont plus ou moins bien fonctionné mais en se répétant, elles prennent un air de réchauffé. En chargeant des saltimbanques, quel que soit leur talent, de créer une locomotive touristique destinée à défier le temps et l’espace, Nantes Métropole a commis une lourde erreur.

L’occasion gâchée est consternante quand on la regarde avec un peu de recul. Voici vingt ans, Bilbao, sixième ville espagnole, se trouvait dans une situation analogue à celle de Nantes à l’époque : la fermeture des chantiers navals plongeait la région dans la crise mais libérait de vastes terrains en pleine ville. Tandis que la nouvelle municipalité de Nantes élue en 1989 se lançait dans des réflexions qui allaient demander quinze ans (!) pour accoucher de l’éléphant, le gouvernement nationaliste basque agissait et réussissait dès 1991 à convaincre la Fondation Guggenheim d’installer son grand musée européen à Bilbao. L’effet d’entraînement a été colossal. En dix ans, la ville a été totalement redynamisée. La fréquentation touristique internationale a explosé. Le nombre de nuitées hôtelières a plus que doublé. Voit-on que les Machines aient l’amorce d’un tel effet à Nantes ? Au cours de l’été 2008, les étrangers n’ont pas représenté plus de 7 % de leurs visiteurs…

Le Guggenheim, l’éléphant : un cheval, une alouette ! Il est évident que le prestige international de Nantes exige davantage qu’une attraction pour chef-lieu de canton. Tôt ou tard, il faudra reconsidérer entièrement la vocation du site des Chantiers et lui trouver une vraie ambition.

08 novembre 2008

Pourquoi l’éléphant est foutu : (2) le business

Tout au long de leur premier semestre d’activité, de juin à décembre 2007, les Machines de l’île ont multiplié les communiqués de victoire. Et puis soudain, plus rien. En particulier, aucun bilan officiel au 30 juin 2008, un an après l’ouverture.

La raison en est simple : les ventes de billets sont en baisse. Même les cocoricos l'avouent entre les lignes : à la mi août 2007, selon Pierre Oréfice, le nombre de visiteurs dépassait de 100 % les prévisions. Fin 2007, selon Jean-François Retière, élu de Nantes Métropole chargé du tourisme (Presse Océan du 17 janvier 2008), le dépassement n’était plus que de 60 %. La tendance baissière s’est poursuivie, et l’été 2008 a été franchement mauvais : alors que la fréquentation touristique à Nantes a progressé de 14 % et que le nombre de places de l’éléphant a été discrètement poussé de 45 à 49, les ventes de billets ont chuté de 35 % d'un an sur l'autre !

À première vue, la baisse de forme des Machines est davantage imputable à la galerie qu’à l’éléphant : elle ne représente plus que 75 % de la fréquentation au lieu de 84 % à l’été 2007. Mais l’éléphant est un casse-tête économique : il manque beaucoup de ventes en période de pointe – car il est complet – et fonctionne souvent presque à vide en basse saison. Le problème est aggravé par la lenteur de la bête. Elle devait à l’origine effectuer le voyage aller-retour des Nefs à la grue jaune en 20 minutes. Les responsables ont attendu le jour de l’inauguration pour avouer que le parcours demanderait en réalité plus d'une heure. La cata ! Le trajet a donc été tronçonné en deux – mais au lieu de douze promenades par journée de six heures, l’éléphant n’en fait que huit. Si techniquement il avait tenu ses promesses, il réaliserait 50 % de recettes en plus ! Le potentiel perdu (à raison de quatre promenades x 49 passagers x 6 euros par billet) est de 1 176 euros par jour – tandis que les coûts sont alourdis par la location d'une passerelle d'aviation et par l'intervention d'un opérateur à chaque changement de passagers côté grue. Dans ces conditions, n’importe quel étudiant de première année d’école de commerce aurait conclu que le business plan de l’animal ne tenait pas la route.

Les responsables des Machines de l’île continuent pourtant à manifester en toute circonstance un optimisme qui laisse pantois. Pierre Oréfice déclarait cet été (Presse Océan du 13 août 2008) : « Nous remplissons quotidiennement plus de 100 % de nos capacités ». Plus de 100 % ? C’est ce qu’on appelle avoir les yeux plus gros que le ventre ! Et c’est surtout un gros mensonge, puisque le patron des Machines savait à cette date que la fréquentation reculait dramatiquement.

Nantes Métropole avait prévu de verser pour les premières années de fonctionnement des Machines une subvention d’exploitation de 800 000 euros, dont 500 000 euros en 2007. Ensuite, l’éléphant devait en principe acquérir son autonomie. Et pour longtemps : à son lancement, il était annoncé qu’il serait en fonction au moins jusqu’en 2020. Sauf généreuse intervention du contribuable, on peut désormais en douter.

07 novembre 2008

Pourquoi l’éléphant est foutu : (1) la bête

« Il est mort, mais il ne le sait pas encore et personne n’ose le lui dire », chuchotait-on dans le dos de Clémenceau vers la fin de sa vie. Le Grand éléphant de l’île de Nantes est un peu dans le même état. En trois volets, voici pourquoi. Commençons par l’animal lui-même.

Esthétiquement, l’éléphant est plutôt un succès. Sa peau de tulipier, ses petits yeux mobiles, sa trompe souple, ses barrissements furieux sont évocateurs. Même les doubles portes-fenêtres de ses flancs, qui auraient pu être ridicules, sont traitées avec une certaine élégance. Quand on voit l’éléphant pour la première fois, donc, on est saisi par la majesté de la machine. Mais la psychologie cognitive conserve ses droits : quand on voit l’éléphant pour la dixième, la vingtième ou la centième fois, on le voit de plus en plus dans sa totalité, et l’on embrasse dans le même regard tout son environnement. Que voit-on alors ? La raideur mécanique du mouvement des pattes. Le gros moteur diesel bruyant et polluant qui propulse l’engin. Le malheureux conducteur prisonnier d'une cage de verre suspendue sous la trompe. La passerelle d’aviation qui permet de changer de passagers en bout de piste. Le conteneur rouillé qui sert de salle d’attente. Autant de détails moches qui gâtent l’ensemble. Bref, plus on voit l’éléphant, moins il séduit.

Peut-on remédier à ces défauts ? En partie, certainement. L’ajout de nouveaux détails pourrait même donner une nouvelle jeunesse à l’éléphant : on le verrait d’un œil renouvelé. La passerelle, en particulier, avait été présentée en juin 2007 comme un dispositif provisoire ; on s’étonne qu’elle n’ait pas encore été remplacée par quelque chose de plus en phase avec le décor. L’éléphant lui-même pose en revanche un problème plus ardu. On imagine bien que son moteur pourrait être dissimulé sous un capot quelconque, déguisé en char de parade ou en éléphanteau qui suit sa mère. Hélas, ses concepteurs ont toujours tenu à présenter leur machine-éléphant comme une œuvre d’art (la question des royalties n’y est peut-être pas étrangère). Or une œuvre d’art est intangible. Puisqu’on ne peut transformer l’éléphant sans l’adultérer, il est condamné à devenir de moins en moins beau aux yeux de ceux qui le voient souvent (et qui sont aussi ceux qui l’ont financé), les Nantais. Ils y seront de plus en plus indifférents.

Et pourtant, ce premier volet n’est rien à côté des deux autres, auxquels on reviendra plus tard…

05 novembre 2008

Quand "Le Monde" raille Nantes

Afin de scruter « la vie nouvelle de l’île de Nantes » Le Monde a dépêché sur place un « envoyé spécial », comme pour une élection présidentielle américaine ou un sommet du G7. Las, entre les lignes, le grand spécialiste de l’architecture qu’est Frédéric Edelmann multiplie les moqueries (n° du 24 octobre). L'Ile de Nantes, écrit-il impitoyablement, « est devenue l'un des projets urbains les plus célèbres d'Europe avec ceux de l'Emscher Park, dans la Ruhr (Allemagne), et ceux de Barcelone et de Bilbao (Espagne) ». Cruel rappel, puisque ces projets (du moins ceux de la Ruhr et de Bilbao), engagés eux aussi à la fin des années 1980, ont atteint leur maturité depuis déjà une dizaine d’années. L’île de Nantes, elle, reste un chantier incertain – un « urbanisme à mèche lente », ricane l’envoyé spécial.

Le palais de justice de Jean Nouvel est décrit comme « un édifice noir, équilibré, dessiné avec un rare souci de représentation ». Éloge bien minimaliste pour un bâtiment naguère couvert de lauriers par les pontifes de l’architecture contemporaine. Mais éloge appréciable quand même au regard du traitement réservé aux immeubles de logements, dont la qualité « n’est pas toujours proportionnelle à la renommée des auteurs » et qui voisinent avec « quelques mauvais souvenirs du temps des grands ensembles ». Au Hangar à bananes, « un rien d’Afrique et des Antilles est de retour » ; ce rien n’est vraiment pas grand chose mais contraste déjà avantageusement avec l’oubli total des anneaux de Buren, peut-être par charité. Le summum de la vacherie est pourtant réservé à l’école d’architecture : « Le choix d'en faire une sorte d'usine à cervelles a fait germer un édifice difficile à lire au premier coup d'œil ».

Jean-Marc Ayrault va devoir sérieusement redresser le tir s’il veut présenter d’ici la fin de son quatrième mandat un Grand Œuvre susceptible de trouver grâce aux yeux du journal officiel de l’establishment français.