28 décembre 2012

Royal de Luxe pourrait boire le Coca jusqu’à la lie

En portant sur le terrain judiciaire son conflit avec Coca-Cola, Royal de Luxe fait-il un pas de géant ou un pas de clerc ? Vu sa sèche réaction, le limonadier international ne semble pas disposé à faire amende honorable… ou à consentir une juteuse transaction.


« Catimini s'amuse. Pour ses 20 ans
Royal de Luxe imagine un carrousel
magique... »
(site web
www.catimini.com)
 Et Royal de Luxe va se heurter à ses propres contradictions. La compagnie est convaincue que le Père Noël/Santa Claus de Coca-Cola est inspiré de ses géants, mais comme tout créateur, elle a elle-même puisé une partie de son inspiration chez d’autres artistes, de Peter Schumann à Diego Rivera. Elle dit avoir « toujours refusé d’être au service d’une marque » mais oublie sa participation à la promotion de la gamme de cuisines Bulthaup chez IDM en 2011 ou de la marque de vêtements Catimini en 1992.

Et surtout, faisant appel à la loi, Royal de Luxe devrait veiller à être juridiquement irréprochable. Comme toute association percevant plus de 153.000 euros de dons ou de subventions par an, la compagnie est tenue de publier ses comptes annuels au Journal officiel. À ce jour, elle s’est toujours soustraite à cette obligation légale. Elle devrait désormais s’y soumettre, révélant ainsi, par exemple, le chiffre d’affaires de ses spectacles ou le montant de sa masse salariale.

Oui, enfin, peut-être… on peut toujours rêver... C’est à ça que sert Royal de Luxe, d’ailleurs.

26 décembre 2012

Royal de Luxe est contre le Père Noël, tout contre

Royal de Luxe va porter plainte contre Coca-Cola pour usurpation d’image, annonce Presse Océan. Car la ressemblance entre le Santa Claus de la multinationale et les géants nantais ne serait pas une coïncidence. « Coca-Cola nous avait contacté en mai dernier pour réaliser une publicité de Noël », assure en effet la compagnie.

Cette dernière a sans doute retrouvé la mémoire. Voici quinze jours, après avoir interrogé Gwenaëlle Raux, productrice-déléguée de Royal de Luxe, Presse Océan écrivait en effet : « Jamais la compagnie (…) n'a été contactée par la firme multinationale. »

On se demande si le fantôme de Diego Rivera compte porter plainte contre Royal de Luxe pour avoir imité ses murs peints. Et il pourrait faire des émules : de leur propre aveu, les Machines de l’île seraient inspirées par Léonard de Vinci et Jules Verne...

Royal de Luxe va tout de même devoir expliquer son réveil tardif. Car la marionnette géante de Coca-Cola est loin d'être unique. Le site www.royaldeluxe-fan.com en recense une douzaine d'autres, images à l’appui.  Parmi elles figure Violette, premier géant articulé du Nord. Son créateur, Gérard Tricart « assume la ressemblance de sa géante avec les constructions de Royal de Luxe, collectif nantais avec lequel il a travaillé », à en croire La Voix du Nord. Il y a aussi la poupée géante du confiseur australien Allen’s, qui se promène dans les rues de Brisbane et « ressemble à une marionnette géante similaire créée en 2006 par la compagnie de théâtre française Royal de Luxe »*, notait le journal professionnel de la publicité Adweek en 2009.

Ils ont quelque chose de spécial contre le Père Noël, chez Royal de Luxe ? Ou peut-être aimeraient-ils juste qu’il dépose un petit cadeau (ou un gros, géant oblige) dans leur sabot ?
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* « The doll, at least in its stature, resembles a similar giant puppet created in 2006 by French theater company Royal de Luxe. »

22 décembre 2012

Lobbying pour NDDL (2) : vers un rebondissement juridique ?

Jacques Auxiette, indique Jérôme Jolivet dans Presse Océan ce matin, « déclare sans suite l’appel d’offres qu’il avait lancé la semaine dernière pour mener du lobbying » en faveur du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Raison invoquée : trois mille personnes auraient demandé un dossier de consultation « espérant ensuite obtenir la nullité de notre procédure ». Cette raison aux allures légèrement paranoïaques paraît plutôt spécieuse : la régularité de la procédure ne dépend pas du nombre de dossiers demandés. Et puis, il y a peut-être beaucoup d’aspirants lobbyistes, après tout…

Mais peut-on sur un coup de tête renoncer à un appel d’offres en cours ? Le Code des marchés publics prévoit en son article 59 que « à tout moment, la procédure peut être déclarée sans suite pour des motifs d'intérêt général ». Reste à savoir quels sont ces « motifs d’intérêt général ». Or, et c’est là que les choses deviennent intéressantes, Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, vient justement de les préciser, voici moins de deux mois, en réponse à la question d’une parlementaire.
Les motifs susceptibles d’être invoqués sont variés :
  •  « Raison budgétaire lorsque, à titre d'exemple, le coût estimé des travaux dépasse le budget pouvant être alloué par la collectivité ». On nous a toujours dit que le prix à payer était raisonnable.
  • « Insuffisance de concurrence ». Vu le nombre de demandes, on va plutôt vers une concurrence surabondante.
  • « Incertitudes ayant affecté la consultation des entreprises » ou « procédure entachée d’irrégularités ». M. Auxiette mettrait alors en cause ses propres services.
  • « Erreurs dans les exigences techniques des prestations ». Idem.
  • « Disparition du besoin de la personne publique ». Ce qui supposerait l’abandon du projet d’aéroport ! Intéressant…
 Le choix est vaste, mais aucun des motifs acceptables ne semble convenir en l'espèce. Or une chose est certaine : la décision de ne pas donner suite à un appel d’offre « doit être motivée. La motivation ne doit pas se limiter à une simple phrase générique invoquant l'intérêt général, mais doit également préciser les circonstances qui ont amené le pouvoir adjudicateur à prendre une telle décision. » Gribouille se jetait à l’eau pour éviter la pluie. Il serait cocasse que, pour éviter un risque de nullité très hypothétique, Jacques Auxiette ait pris une décision entachée de nullité !

Lobbying pour NDDL (1) : suite mais pas fin

« L’action se passe dans les Pays de la Loire, c’est-à-dire nulle part »
Sven Jelure, d’après Alfred Jarry, Ubu roi
Jacques Auxiette annonce le retrait du fameux appel d’offres pour des « prestations d’action de lobbying » au profit du Syndicat mixte aéroportuaire – autrement dit pour confier à des professionnels, aux frais des contribuables, la propagande du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Ce retrait a des allures de retraite. Le président de la région a l’air plutôt piteux. Serait-ce un début de lâchage de l’aéroport ? François Hollande vient de nommer Nicolas Hulot, adversaire déclaré du projet, « envoyé spécial du président pour la protection de la planète ». Dans le monde impitoyable de la politique, cela ressemble à un préavis de décès. Jean-Marc Ayrault doit commencer à se trouver très seul…

Mais il est plus probable que Jacques Auxiette n’a pas changé d’avis à propos de NDDL. On soupçonne d’ailleurs qu’il fait partie de ces gens qui ne changent jamais d’avis. En tout cas, il n’a sûrement pas renoncé à faire de la propagande.

D’ailleurs, fâcheuse coïncidence, le Bulletin officiel des avis de marchés publics (BOAMP) publie justement aujourd’hui un avis de marché portant sur la « diffusion de divers documents ou objets destinés à la communication de la Région des Pays de la Loire ». Au programme : diffusion de dépliants, d'affiches, de journaux et magazines, de sets de table, et autres en commerce de proximité et autres lieux, montage de PLV de comptoir, collage d'affiches sur les panneaux d'affichages libres, diffusion de flyers et magazines, etc.

On peut donc parier que la propagande sortie par la porte reviendra bientôt par la fenêtre. Jacques Auxiette veillera seulement à remplacer « lobbying » par « communication ».

18 décembre 2012

La culture à Nantes : (2) du gramscisme aux paillettes

Jean-Marc Ayrault n’a jamais prétendu être un homme très cultivé. Titulaire d’un simple Capes d’allemand, il n'a pas laissé à ses condisciples le souvenir d’un étudiant spécialement brillant. Ses responsabilités politiques cumulées l’ont vite empêché de parfaire ses humanités. Il dit lire San Antonio, ce qui est sans doute vrai, sans quoi il invoquerait plutôt La Chartreuse de Parme ou Le Discours de la méthode, si ce n’est le fameux « Zadig et Voltaire » ! Ou au minimum Jules Verne, pour faire couleur locale. Son blog n’a rien d’un chef d’œuvre littéraire. Il préfère les excursions en camping-car au grand trek des musées internationaux. Quand il pense à Depardieu, il fait rimer « minable » avec « contribuable » plutôt qu’« admirable » avec Les Misérables.

Bien entendu, être peu cultivé n’empêche pas d’aimer la culture, de même que palper 14.910 euros par mois comme Premier ministre n’empêche pas d’être socialiste. Mais tout de même, Jean-Marc Ayrault était peu qualifié personnellement pour guider une ville vers les hautes sphères intellectuelles et artistiques.

À en croire le storytelling municipal, il aurait néanmoins fait de la culture une priorité dès son arrivée à la mairie de Nantes. En réalité, la conception municipale de la culture a évolué. Au début, elle répondait à un objectif d’instrumentalisation politique. Elle poursuivait les escarmouches déjà engagées entre droite et gauche avec la création du CRDC par la municipalité Chenard et celle d’Espace 44, futur Grand T, par le conseil général de Cossé-Brissac. Elle était confiée à l’un des élus intellectuellement les plus « capés » de la municipalité, Yannick Guin, enseignant d’extrême-gauche qui se voulait émule de Gramsci.

Il a fallu des années pour que JMA comprenne l’avantage médiatique de la culture, thème plus porteur que l’état de la circulation à Nantes, l’alourdissement des impôts locaux ou la situation financière du CHU. La politique d’installation de commissaires politico-culturels a alors fait place à une démarche plus axée sur les paillettes. Guin a finalement été mis sur la touche et remplacé au conseil municipal par un artiste célèbre, Jean-Louis Jossic, mais surtout les clés du coffre ont été confiées à Jean Blaise.

Jean Blaise proclame que la culture à Nantes est l’œuvre des vingt dernières années. Mais il est là depuis trente ans. Cela souligne bien que la « culture » des débuts n’est pas celle d’aujourd’hui.

Retrouvez l’épisode précédent de
La culture à Nantes :
(1) On n’a pas attendu Jean-Marc Ayrault

14 décembre 2012

NDDL, après les matraques, le lobbying

On a rarement fait plus cynique en matière de communication politique : le syndicat mixte aéroportuaire, c’est-à-dire l’organisme officiel en faveur de la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, publie aujourd'hui au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) un avis de marché portant sur des « prestations d’actions de lobbying ».

Il comporte deux lots : « élaboration d'une stratégie de lobbying et mise en oeuvre dans les médias sociaux » et « élaboration et mise en oeuvre d'une stratégie presse ». En clair, notre establishment politique a tant de mal à défendre son projet qu’il veut confier sa propagande à des professionnels aux frais des contribuables.

Ce n’est pas vraiment une nouveauté. La nouveauté est qu’on l’affiche de manière aussi pataude, ce qui est d’ailleurs bien dans la ligne des récentes sorties de Jacques Auxiette ! Parmi les quelques milliers d’avis de marché de France et de Navarre en cours à ce jour, pas un seul autre, pas un, n’utilise le gros mot de « lobbying » !

12 décembre 2012

Le Père Noël est une meurtrissure

« Attendons-nous à voir le géant à Lhassa avec une chuba tibétaine, le géant à Helsinki avec la houppelande du Père Noël, le géant à Fukushima en kimono… », prophétisait ce blog il y a dix-huit mois. Le Père Noël, désormais, c’est fait… mais par Coca-Cola. Yo-ho-ho !

Royal de Luxe se dit « meurtri » par la nouvelle vidéo du géant du soda. Allons, allons, un peu de nerf !

Il y a trois-quarts de siècle que Coca-Cola, dans le monde entier, utilise le Père Noël, ou plus exactement Santa Claus, dans sa publicité à la période des fêtes (selon une légende urbaine, le personnage aurait même été créé par l’entreprise). La saga comprend un bon nombre de géants. Il fallait bien qu’un jour ce soit une marionnette. Et inévitablement, une marionnette géante ressemble aux géants de Royal de Luxe. Comme on l’a noté ici, la technique limite strictement le jeu scénique des « acteurs ». L’essentiel du scénario est dans le costume !

« On retrouve l’écriture scénographique de Jean-Luc Courcoult », déclare à Presse Océan la productrice-déléguée de la troupe. « Comme le réveil, la façon dont il se lève, les yeux… Même le visage semble sculpté en bois. » Depuis toujours, le réveil fait partie intégrale du code narratif et publicitaire de Santa Claus, dont la visite prélude au matin de Noël. Il n’y a pas un grand nombre de variantes possibles à la façon de lever une marionnette et Santa Claus a toujours été représenté avec des yeux ! Il y a bien longtemps aussi qu’on met des yeux aux poupées et Royal de Luxe n’a pas innové avec ses géants. On dirait même que Coca-Cola a perfectionné la technique : les yeux de son Santa Claus sont particulièrement expressifs, avec le côté malicieux et bienveillant qui convient au personnage, dont le visage parcheminé obéit lui aussi à un code fixé depuis longtemps (en fait, c'est un autoportrait de son créateur). Chez Coca-Cola, en outre, le géant n'est pas manipulé par des serviteurs en livrée mais par la population enthousiaste. Une sorte de Père Noël 2.0.

« On croise même le regard d’un chien noir, lointain cousin de Xolo », notent Stéphane Pajot, Mickaël Haton et Cédric Blondeel dans Presse Océan. Un chien ! Cerise sur le gâteau de la contrefaçon ! Mais ce dogue débonnaire n’a pas grand chose de commun avec le chien chauve mexicain, et a-t-on jamais vu une vidéo américaine pour le grand public sans un chien quelque part ? (En fait, oui : des fois, il y a un chat.)

Que Royal de Luxe ait pu contribuer à inspirer les publicitaires de The Coca-Cola Company, c'est bien possible. Ce serait même plutôt flatteur. Les bonnes idées ne sont à personne et ne sont d’ailleurs pas brevetables. Après tout, Royal de Luxe a bien emprunté l’idée de sa fresque murale au peintre mexicain Diego Rivera. Le seul moyen pour ne pas être imité est d’innover sans cesse. Royal de Luxe l’a peut-être trop oublié depuis quelques années.

09 décembre 2012

Un fantôme hôtelier à Nantes

L'Hôtel de la Duchesse Anne est mort en 2004 (voir le post d'hier), mais son fantôme hante encore la ville. En mai 2010, un voyageur au moins a passé une "soirée étape sans aucun reproche" dans ce "grand hôtel vivant" (sic). Il s'en félicite sur Tripadvisor (dont il est même un "auteur chevronné" !) et trois personnes ont trouvé cet avis utile :

08 décembre 2012

Hauts-fourneaux et petites cuisines

La presse nationale n’en finit pas de s’étonner de la manière dont Jean-Marc Ayrault a traité l’affaire de Florange. Le texte de l’accord publié par Le Canard enchaîné mercredi dernier montre que le gouvernement a fait retraite sur pratiquement toute la ligne.

Le résultat contraste avec l’attitude de fermeté affichée par le Premier ministre. Mais à la lumière de vingt ans d’expérience municipale nantaise, personne ne devrait en être surpris. Jean-Marc Ayrault est plus cassant qu’énergique. Il sait imposer ses vues quand c’est lui qui commande. Mais s’il faut négocier, les choses se gâtent.

Témoin l’affaire de l’Hôtel de la Duchesse Anne. C’était autrefois une institution nantaise en vue. Il a brûlé en juin 2004 à la suite d’un feu de cuisine. Sa façade, rare exemple d’architecture Art Déco, œuvre de l'architecte nantais Ferdinand Ménard, se dresse encore face au château des Ducs de Bretagne. Plus pour longtemps sans doute : les intempéries finiront bien par avoir raison des ruines.

Les protagonistes du dossier ne parviennent pas à s’entendre. On aurait pu attendre du maire de la ville qu’il les réunisse autour d’une table pour les mettre d’accord. Qu’il manie la carotte et le bâton, le charme et la persuasion. Qu’il fasse acte de leadership, quoi. La question n’était pas grand chose à côté de Florange et l’interlocuteur n’était pas Mittal.

Qu’a fait Jean-Marc Ayrault pour sauver ce qui pouvait l’être ? Plus de sept ans après l’incendie, en septembre 2011, il a écrit une lettre (sic) aux propriétaires « pour leur demander de bouger ». Quinze mois plus tard, les ruines sont toujours dans le même état...

06 décembre 2012

Grrrand succès du Voyage à Nantes (8) : VANitas VANitatum

« Quand nous avons fait le bilan [de la politique culturelle nantaise], nous avons constaté que tout ce que nous avons investi depuis vingt ans pouvait aussi intéresser des visiteurs extérieurs, qu’ils soient français, européens ou autres étrangers », expliquait naguère Jean Blaise au webmagazine européen LabKultur. D’où la création du Voyage à Nantes, destiné à montrer le résultat de ces deux décennies d’investissement.

Si l’on fait le compte, en effet, ça doit faire un paquet. (Puisqu’il y avait tant à montrer, on se demande pourquoi Le Voyage à Nantes a finalement dû faire réaliser toutes sortes d’installations nouvelles. Mais passons…) Jean Blaise était apparemment persuadé que le monde urbain n'avait d'yeux que pour Nantes. « Je pense que toutes les autres grandes villes nous observent très attentivement », disait-il à LabKultur, ajoutant que la nomination de Jean-Marc Ayrault comme Premier ministre avait aussi braqué les projecteurs sur la ville, cadre de sa seule expérience pratique du pouvoir.

Le résultat objectif se lit dans les statistiques de Google Trends. Pour un pic de recherches sur « Le Voyage à Nantes » à 100 au mois de juin, l’intérêt est tombé à 6 en novembre et à 0 pour le moment en décembre. Mais le plus consternant concerne l’origine géographique des recherches, que voici :
Le Voyage à Nantes était censé attirer des touristes du monde entier pour la gloire de la ville et la prospérité de ses commerces. Hélas, hormis Paris, un tout petit peu, les marques d'intérêt des autres grandes villes n'atteignent même pas l'épaisseur du trait.

02 décembre 2012

Alors, on n’abolit plus ?

C’est aujourd’hui la Journée mondiale pour l’abolition de l’esclavage, patronnée par les Nations Unies. Le monde devrait avoir les yeux tournés vers le Mémorial de l’abolition de l’esclavage. Mais non, rien du tout. Épuisé sans doute par sa manifestation estivale, Le Voyage à Nantes, pourtant responsable du Mémorial et du tourisme à Nantes, n'a pas été capable de saisir l’occasion. Même le site web du Mémorial n’en dit rien. (En revanche, il annonce encore les Rencontres internationales du Mémorial, les 22, 23 et 24 mars… 2012.)

Aboli bibelot d'inanité budgétivore
La création du Mémorial, on l’a suffisamment dit ici, était une mauvaise idée. Sa réalisation a été problématique. Ses délais ont largement dérapé. Son budget a explosé. Le choix des textes affichés a été fait en dépit du bon sens. Le résultat est très médiocre. Et même son respect des libertés publiques laisse à désirer. Il aurait mieux valu ne pas le faire, mais enfin, puisqu’on l’a fait, autant essayer de l'utiliser.

Caen a fait de son Mémorial une référence incontournable sur la Seconde guerre mondiale et même plus généralement sur la guerre et la paix. Ses expositions tournent dans le monde entier. Il attire autour de 400.000 visiteurs payants par an, malgré un tarif d’entrée élevé (tarif normal : 18,30 euros, mais 5 euros seulement pour les Caennais). Il est le centre d’abondantes activités touristiques, scientifiques et culturelles. Le Mémorial de Caen est un moteur, celui de Nantes est un boulet.

Et qu’on ne dise pas que l’esclavage n’est pas un thème aussi porteur que la guerre : notre Mémorial le dit lui-même, en ce moment précis, 27 millions de personnes sont esclaves de par le monde. Il faut croire que l’équipe de Jean Blaise a la tête ailleurs.

25 novembre 2012

Le modèle foireux de NDDL

Sous le titre « Place au Rotterdam aérien », Stéphane Pajot rappelle utilement dans Presse Océan d’aujourd’hui que le coup d’envoi du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes date du début des années 1970. Le sénateur Michel Chauty, pas encore éjecté de la mairie de Saint-Herblain par Jean-Marc Ayrault, réclamait alors la construction d’un nouvel aéroport international qui ferait de Nantes-Saint-Nazaire un « Rotterdam aérien de l’Europe ».

L'idée n'était pas en avance sur son temps. Les Néerlandais, bien sûr, avaient déjà pensé à faire Rotterdam à Rotterdam*. Ouvert en 1956, l'aéroport de Rotterdam est rapidement devenu un pôle important, avec de grandes dessertes internationales. Mais au moment même où le sénateur Chauty le prenait en exemple, son trafic commençait à reculer. Au point que pendant un quart de siècle, jusqu’en 2001, sa fermeture a été envisagée.

L’an dernier, cet aéroport censé être un modèle pour Notre-Dame-des-Landes a vu passer officiellement 1.158.420 passagers. Nantes Atlantique, 3.246.226 passagers.

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* Et la République d'Irlande y avait pensé avant eux, tentant de faire de Shannon un grand hub européen dès le lendemain de la Seconde guerre mondiale.

23 novembre 2012

Le CHU de Nantes sous les projecteurs

Mercredi prochain, la Chambre régionale des comptes procédera à la lecture publique de son jugement des comptes publics du Centre hospitalier universitaire de Nantes (Loire-Atlantique). Le contenu ? Mystère, mais vu les critiques adressées au CHU par le dernier rapport de la Chambre, on peut imaginer qu’il y avait du grain à moudre.

Et vu les fonctions actuelles de l’ancien président du conseil d’administration de l’établissement, Jean-Marc Ayrault, on peut imaginer que la presse nationale en rendra compte !

Le CHU de Nantes a désormais renoncé à son conseil d’administration au profit d’une structure à directoire et conseil de surveillance, celui-ci étant présidé par Patrick Rimbert. Mais il semble avoir eu autant de mal à mettre à jour son site web qu’à boucler ses comptes. Voici comment il présente son conseil de surveillance :

Extrait de la page http://www.chu-nantes.fr/instances-conseil-de-surveillance-6421.kjsp?RH=1211794848133
copiée le 23 novembre 2012 à 16h00. Cliquer sur l'image pour agrandir.

On constate donc que « à la date du 28 juin 2010 » (sic), M. Rimbert, « marie » (sic) de Nantes, occupait un fauteuil auquel il n’a en réalité accédé que cette année (en 2010, il n’était bien sûr que premier adjoint), avec pour vice-président… M. Rimbert, se représentant lui-même (sic), tandis que M. Ayrault siège toujours parmi les représentants des collectivités locales !
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Mise à jour au 26 novembre :
Le CHU est peut-être un peu brouillon, mais il est réactif : dès ce matin, il a modifié la page de son site web consacrée à son conseil de surveillance. Enfin... sa date de validité, du moins. Elle se présente désormais ainsi :
Extrait de la page http://www.chu-nantes.fr/instances-conseil-de-surveillance-6421.kjsp?RH=1211794848133
copiée le 26 novembre 2012 à 10h00.
Cliquer sur l'image pour agrandir.

Plusieurs jours encore s'écouleront avant que M. Rimbert devienne « maire » de Nantes, que la vice-présidence soit correctement attribuée à Gilles Retière en tant que président de la communauté urbaine et que Jean-Marc Ayrault disparaisse de l'organigramme.

19 novembre 2012

Bolopoly (7) : joujou coûteux

S’il n’y a pas grand chose à attendre de la future monnaie complémentaire nantaise, peut-on au moins espérer qu’elle ne nous coûtera rien ? Hélas, l’addition n’est sûrement pas négligeable. Jean-Marc Ayrault, du temps où il était maire de Nantes et Pascal Bolo, adjoint au maire, ont consacré au projet de leur temps et de celui de leurs collaborateurs. Le projet a déjà fait couler une bonne dose d’encre et de salive, et donc, suppose-t-on, d’argent aussi à l’occasion de divers voyages d’étude, colloques et communiqués de presse.

« Le 7 mars dernier Jean-Marc Ayrault conviait les acteurs et partenaires potentiels de la monnaie de Nantes à Bâle, berceau du système WIR », relate ainsi le site www.unemonnaiepournantes.fr. MM. Pascal Bolo, adjoint au maire, Jean-François Gendron, président de la CCI, Joël Fourny, président de la Chambre des métiers et de l'artisanat, Yannick Ducleux, vice-président de la Chambre régionale de l'économie sociale et solidaire, et Jacques Stern, directeur général du Crédit municipal de Nantes ont accompagné l’alors maire en Suisse.

Toujours au chapitre voyages, Pascal Bolo, Jacques Stern et Patrick Forgeau, conseiller spécial du maire de Nantes, sont allés recueillir l'aval d'un des secrétaires nationaux du syndicat italien CGIL, Danilo Barbi, sûrement indispensable pour la création d'une monnaie locale à Nantes. On suppose que la réunion a eu lieu à Milan, puisque le site www.unemonnaiepournantes.fr  (sous le titre paradoxal « Ça se fabrique, ici et avec vous ») illustre l’information d’une photo de la galerie Victor-Emmanuel. Dommage qu'au lieu de se rendre en Italie en juillet ils n'aient pas profité du passage de Danilo Barbi à Nantes deux mois plus tôt, à l’occasion justement d’un colloque sur les monnaies locales organisé à l’École des Mines.

Le Crédit municipal va devoir créer une chambre de compensation dotée des équipements informatiques et du personnel ad hoc. D’ores et déjà il a créé le site web www.unemonnaiepournantes.fr dont l’hébergeur, le concepteur et le rédacteur, respectivement OVH, Scopic et Partie de campagne, n’ont sans doute pas travaillé que pour la gloire. On suppose aussi que les conseils du professeur Massimo Amato, inspirateur du système, ne sont pas gratuits. Bref, tout ça mis bout à bout finit sans doute par représenter un budget coquet.

18 novembre 2012

Bolopoly (6) : la monnaie du hamster

Le « nanto » est plein de bonnes intentions, mais justement, l’enfer en est pavé. Une monnaie locale est censée faire tourner l’économie locale. On se dit que c'est plutôt bien et qu'au pire ça ne mange pas de pain. Mais cette vertu commerciale découle d’un vice monétaire : la monnaie locale n'est utilisable que localement. Après avoir fait l’euro, on va faire l’inverse.

Une fois qu’on détiendra de la monnaie nantaise, on ne pourra la dépenser que chez les fournisseurs qui acceptent la monnaie nantaise, qui eux-mêmes ne pourront la dépenser que… : je te tiens, tu me tiens par la barbichette. Le site web www.unemonnaiepournantes.fr explique « Comment ça marche » en dix questions. Il est très clair : adhérer au système, c’est facile. Il suffira de quelques clics. En revanche, il ne dit pas du tout comment on pourrait en sortir. Et a priori, on ne pourra pas. Le WIR, modèle officiel de la future monnaie nantaise, n’est pas convertible. Le RES belge, qui l’a aussi inspirée, ne l’est pas non plus. Dans les deux cas, la présence de gens qui voudraient bien sortir du système en récupérant leurs francs ou leurs euros provoque une sorte de marché noir.

On devra donc garder sa monnaie locale ? Oui et non : en fait, on devra s’en débarrasser d'urgence pour faire tourner le commerce. « L'objectif de chaque adhérent est (…) d’utiliser au plus vite sa monnaie locale » explique le site www.unemonnaiepournantes.fr. Cela risque même de devenir une obligation… quoique les promoteurs du système préfèrent ne pas le dire pour le moment. « Je ne pense pas que nous allons attirer les entrepreneurs en leur expliquant tous les moyens coercitifs qui seront mis en place » admet Pascal Bolo dans un entretien avec Thomas Savage, du magazine Fragil. Si l'argent ne vous brûle pas les doigts, on saura bien vous brûler les orteils...

La découverte du mouvement perpétuel a toujours été un fantasme favori des zozos inventeurs. Les promoteurs du nanto, du bolopoly, ou quel que soit le nom qu’on lui donne, voudraient que leur monnaie tourne sans cesse à toute allure. Avec les Nantais dans le rôle du hamster.

17 novembre 2012

Bolopoly (5) : une idée éculée ?

« L'idée est de créer une monnaie d'échange, une unité de compte, qui compenserait la crise de liquidités que connaissent les acteurs en ce moment », expliquait Jean-Marc Ayrault en décembre dernier à propos du projet de monnaie locale nantaise. C’est tout à fait conforme à l’objectif du WIR, la monnaie locale suisse régulièrement prise en exemple par les promoteurs du projet. « S´inspirant des théories du libéralisme économique, ses fondateurs ont voulu faire face à la pénurie d´argent liquide » confirme la Banque WIR elle-même.

Voir Jean-Marc Ayrault se situer dans la droite ligne du libéralisme économique est piquant. Cela indique assez que l’idée de la monnaie locale n’est pas nouvelle. Elle est même très ancienne puisqu’elle vise à retrouver l’esprit du troc. Au IVe siècle avant J.C., déjà, Aristote notait que la monnaie a trois fonctions : elle est à la fois unité de mesure, moyen d’échange et réserve de valeur. Tout le mal vient de cette dernière fonction.

Cette fonction de réserve de valeur (comme le pétrole est une réserve d’énergie) permet à l’argent de voyager dans le temps et l’espace, elle rend possibles le prêt et l’épargne. Mais elle facilite aussi le vol, l’avarice, la spéculation, etc. D’innombrables moralistes l’ont dénoncée. Et d’innombrables tentatives ont été faites pour s’en débarrasser. Le WIR est l'une d'elles. Cependant, comme le concède la Banque WIR, « les objectifs de réforme monétaire poursuivis dans les premiers temps par les fondateurs de WIR (...) ont été rapidement abandonnés ».

WIR, RES, Bartex ou Sol Violette, inspirateurs de la future monnaie nantaise
Honnêtement, les promoteurs du « nanto », ou quelque nom qu’on lui donne, ne prétendent pas faire œuvre novatrice : « complémentaires et locales, elles sont des milliers à fleurir, depuis toujours, de part le monde sous des formes multiples », note leur site web. Outre le WIR, il en cite trois : RES, Bartex et Sol-Violette. Le Sol*-Violette toulousain est surtout un support d’activités associatives. Bartex – rien à voir avec le graphiste David Bartex, auteur de la fresque de Royal de Luxe – est une affaire purement commerciale de gestion du troc interentreprises (en anglais barter). Après quinze ans d’existence, le RES belge stagne autour de 35 millions de RES (1 RES = 1 euro) de transactions par an mais a créé une branche française en 2010 (sous la houlette de Pierre et Edith T., spécialistes des faillites à répétition  dans la librairie, le commerce de gros, le lavage automobile, la restauration rapide, l’animalerie et le conseil en gestion).

La quasi-totalité de ces monnaies restent anecdotiques ; 27.000 BNotes (1 BNote = 1 dollar) circulent à Baltimore au bout de dix-huit mois d'existence, par exemple. La plupart sont éphémères. Quelques-unes sont des désastres. Mais Nantes est sûrement plus maligne que les autres.

16 novembre 2012

Bolopoly (4) : le monnayage à Nantes

Jusqu’à présent, la monnaie complémentaire nantaise avait pour nom de code : « nanto ». Ce nom ne rime pas seulement avec Ayrault et Bolo mais aussi avec Amato. Massimo Amato, professeur italien de 49 ans, est le « conseiller scientifique du projet nantais ».

Ce chercheur au charme transalpin, parfaitement francophone, enseigne l’histoire de la pensée économique et des institutions financières à l’université Bocconi (philosophe et historien, il n’est pas attaché au département de science économique de la prestigieuse université milanaise mais à son département d’analyse politique et de gestion administrative). Il préconise de remédier à la crise financière mondiale à l’aide de monnaies « eutopiques » locales, uniquement destinées à réaliser des échanges de biens et services locaux.

Massimo Amato a passé l’année universitaire 2009-2010 à l’Institut d’études avancées de Nantes (un organisme logé et financé par les contribuables de la métropole nantaise) et réside au CNAM des Pays de la Loire. Après lui avoir fourni le gîte et le couvert, Nantes lui offre à présent un terrain d’expérimentation. Le projet est un legs de l’époque Ayrault. Les coups de cœur, on l’a parfois noté, ont tenu une place importante dans la gestion municipale de Jean-Marc Ayrault – pour le meilleur ou pour le pire. Amato sera-t-il le Blaise de la finance locale ?

15 novembre 2012

Bolopoly (3) : l’esprit de Gesell

La référence officielle de la future monnaie « complémentaire » nantaise est le système WIR de Bâle, en Suisse, qualifié d’« expérience décisive ». C’est après une visite à la WIR Bank en mars dernier que Jean-Marc Ayrault a lancé la réalisation du projet.

Cette banque, note le site du projet nantais, a été « fondée en 1934, par des entrepreneurs suisses inspirés par Silvio Gesell ». Silvio Gesell  (1862-1930), économiste libertarien, a inspiré la création de plusieurs monnaies locales en Europe et en Amérique entre les deux guerres mondiales. Le WIR, seul à avoir prospéré, n'a pas tardé à s'écarter de ses enseignements sur un point majeur : l’intérêt. Pour Gesell, l’argent ne devait pas produire d’intérêts mais au contraire perdre de la valeur progressivement, ce qui inciterait à le dépenser au plus vite.

La monnaie nantaise devrait être plus fidèle à Gesell que le WIR lui-même puisque, indique le directeur du Crédit municipal cité par Ophélie Lemarié dans Nantes Passion, « on n’a pas le droit de la stocker pour obtenir des intérêts ». Il est même envisagé d’imposer des pénalités à ceux qui ne dépenseraient pas assez vite, conformément au mécanisme de la perte de valeur, ou fonte, imaginé par Gesell (...et qui rapporterait de l’argent au Crédit municipal).

Gesell a exposé ses idées dans L’Ordre économique naturel. Il y explique ainsi les principes fondateurs de ses théories économiques :
« La prospérité du genre humain, comme celle de tous les êtres vivants, exige avant tout que la sélection s’effectue selon les lois naturelles. Or ces lois veulent la concurrence. Seul le triomphe de la concurrence économique peut ouvrir à l’humanité la voie d’un développement profitable de l’eugénisme. Pour recueillir tout le merveilleux effet des lois de la sélection naturelle, il faut établir l’ordre économique de telle manière que la concurrence s’exerce comme le veut réellement la nature ; c’est-à-dire avec les armes fournies par la nature ; tout privilège étant exclu. Il faut que les succès remportés par les compétiteurs soient dus exclusivement à leurs qualités innées. Ce n’est qu’à cette condition que les causes de succès seront transmises à la descendance et amélioreront les caractères généraux du genre humain. (…) Alors nous serons en droit d’espérer qu’avec le temps, l’humanité se déchargera du fardeau des êtres inférieurs, fardeau que lui ont imposé des milliers d’années de sélection faussée par l’argent et les privilèges. Nous serons en droit d’espérer que le pouvoir échappera des mains de ceux qui détiennent les privilèges et que l’humanité, conduite par les plus nobles de ses fils, reprendra son ascension depuis longtemps interrompue, vers des buts divins »
Aïe, aïe, aïe...

14 novembre 2012

Bolopoly (2) : la confiance ne règne pas

La future monnaie locale nantaise est une monnaie « complémentaire ». « Comme son nom l’indique, elle n’a pas vocation à remplacer l’euro » croit nécessaire de préciser le site ad hoc créé par le Crédit municipal de Nantes. Dommage, imposer une monnaie made in Nantes à la place de la monnaie commune européenne, ça aurait eu du panache.

Mais ça viendra peut-être. Le modèle officiel du projet est le WIR, monnaie locale bâloise. « C´est la crise économique mondiale de 1929, qui atteindra son paroxysme en 1934, qui est à l´origine de la fondation de WIR », explique la Banque WIR, gestionnaire du système.

Le projet nantais recueille d’ailleurs la chaude approbation de John Robb, ancien ingénieur en aéronautique devenu spécialiste des collectivités « résilientes », capables de faire face aux plus grands désastres. « L’effondrement au ralenti de l’Union européenne a conduit la ville de Nantes, en France, à prendre des dispositions pour rendre son économie plus résistante », écrit-il dans son blog Resilient Communities. « Si les économies du dollar et de l’euro plongent dans la dépression, une monnaie locale comme le nanto peut maintenir en vie l’économie locale*. » (Cela pourrait être encore pire, notez bien : John Robb tient aussi le blog Global Guerillas, dont le titre est un programme à lui seul.)

Face à un risque d'effondrement économique, les anciens collaborateurs de Jean-Marc Ayrault s’apprêtent à reproduire à Nantes ce qui s’est fait ailleurs au paroxysme de la crise de 1929 : c’est dire s’ils ont confiance dans la politique dirigée par l’actuel Premier ministre !
_________
* “The slow motion collapse of the EU has led the city of Nantes, France to take steps to add resilience to its economy. If the dollar and euro economies fall into depression, a local currency like the nanto can keep a local economy alive.”

13 novembre 2012

Bolopoly (1) : un nom pour la monnaie nantaise

Nantes veut créer une monnaie locale bien à elle. Le projet est mené tambour battant. Annoncée en 2006, la monnaie pourrait être disponible mi-2013. Sept ans de gestation : c’est bien mieux que les quatorze ans du Mémorial. Le projet est porté par Pascal Bolo, adjoint au maire de Nantes et inspecteur des impôts de profession. Mais cet argent-là restera dans la poche des contribuables (façon de parler, bien sûr, puisqu’il sera virtuel).

« L’idée s’inspire d’une expérience menée à Bâle, en Suisse, depuis 1934 », explique Ophélie Lemarié dans l’article qu’elle a consacré à ce montage (Nantes Passion, octobre 2012). Une « expérience » qui s'étale sur plus de trois-quarts de siècle est-elle concluante ? D’une certaine manière, oui : au contraire de bien d’autres, le WIR bâlois a réussi à survivre, ce qui n’est déjà pas mal. En fait, le système s’est même beaucoup élargi depuis que l’établissement qui le gère s’est transformé en banque « normale ».

La ville de Nantes lance après-demain sur son site www.unemonnaiepournantes.fr  un concours d’idées pour trouver le nom de sa future monnaie. Jusqu’à présent, il était question de l’appeler Nanto. Mauvaise pioche : il existe une Nanto Bank au Japon. Son cours de Bourse a chuté de moitié entre mai 2007 et mai 2012. Nanto désigne aussi un art martial imaginaire mais ultra-violent pratiqué dans certains mangas japonais. C’est enfin le nom japonais de la constellation de la Louche, l’une des vingt-huit constellations de l’astrologie chinoise. On imagine le slogan : Nanto, la monnaie louche et brutale !

On peut faire bien mieux : en hommage à son promoteur, nommons cette monnaie Bolopoly !

06 novembre 2012

Le web dément Jean-Marc Ayrault

Dans son message de vœux pour 2012, Jean-Marc Ayrault avait affirmé que « Nantes est la seconde ville du web ». On s’en était étonné ici. En effet, l’alors maire de la ville n’avait  apporté aucun début de preuve pour justifier son cocorico. EntrepreNantes avait fait un effort louable mais pas très fructueux pour combler le vide. Hélas, depuis lors, l’affirmation a été démentie par de nombreuses observations.

Et en particulier par le baromètre mensuel Collectivités territoriales & réseaux sociaux de l’Institut Edgar Quinet, une organisation créée « par des élus pour les élus » et qui compte parmi ses fondateurs l’un des ministres du gouvernement actuel, Vincent Peillon.

Créé voici quelques mois, le baromètre « analyse la présence et l'activité des collectivités territoriales françaises sur Twitter et Facebook ». Pour le mois d’octobre, parmi les villes françaises, Nantes se classe 4ème derrière Paris, Bordeaux et Toulouse pour le nombre de followers sur Twitter mais ne figure même pas dans le top-ten des pages Facebook.

Comme pour souligner le trait, la Loire-Atlantique fait nettement mieux dans la catégorie départements : elle se classe deuxième sur Twitter et quatrième sur Facebook. Les Pays de la Loire, au contraire, sont totalement absents du classement des régions. Cruel constat : la Bretagne, elle, est numéro 1 sur Twitter.

31 octobre 2012

Grrrand succès du Voyage à Nantes (7) : mais petit prix

Le Voyage à Nantes, on le disait hier, a mouillé la chemise pour exister sur l'internet. Ses efforts lui ont même valu un prix. Ont-ils été payants ?

Le service d’évaluation des sites web VillainSTAT propose une réponse chiffrée. En fonction du trafic observé, il calcule la valeur financière des sites. Facebook, par exemple, vaudrait selon lui 8.325.282.600 dollars. Que vaut donc le site www.levoyageanantes.fr ?

Quelques secondes de calcul, et VillainSTAT rend sa réponse :

À peine plus de 5.000 dollars après tant d’efforts et de dépenses ? Le web est ingrat. Oignez Villain, il vous poindra !

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Retrouvez les épisodes précédents du Grrrand succès du voyage à Nantes...

30 octobre 2012

Grrrand succès du Voyage à Nantes (6) : avec un petit e

Les 8èmes rencontres du etourisme institutionnel ont eu lieu la semaine dernière à Pau. Le Voyage à Nantes était en lice pour l’un des deux prix décernés. Le public lui a préféré Tous des Cro-magnons, mais il a quand même décroché le prix du jury.

En effet, Le Voyage à Nantes a fait un effort notoire pour exister sur l'internet. Au début de son opération estivale, il a invité une bonne douzaine de blogueurs à venir la découvrir. Quelques-uns étaient nantais, d’autres venaient de Bordeaux, de Lille ou de Marseille.

Les commentaires publiés tiennent surtout de la lettre de château. On a été invité, on a été bien traité, on a passé un bon moment, on remercie poliment : Les enfants sont si mignons ! La maison est si jolie ! Le dîner à La Cigale était si fin ! Quelques-uns, attirés peut-être par une carrière de web-rédacteur, ne cachent pas des arrières-pensées publicitaires. Certains n’ont pas tout compris au film. « L’Ultime Déménagement, est en fait un pan d’une vraie maison », écrit Amélie, de Marseille, qui s’imagine sans doute faire plaisir à l’équipe du VAN en postant une photo de la ligne rose piratée par un macaron « Nantes en Bretagne » !

Avec Rue de la chute, la bonne volonté trouve cependant ses limites. « À l’issue de la représentation, transie de froid et un peu déboussolée, j’étais bien incapable de dire si j’avais aimé ce que je venais de voir », note Shalima tandis que Cathy dénonce ses petits camarades distraits.

Il y a aussi des moutons noirs. Jérémy a profité de l'invitation mais n’a rien posté. Pis, lui aussi situe Nantes en Bretagne malgré quarante ans de propagande ligérienne ! Martin, trop occupé à préparer son voyage à Ibiza, s’est contenté de mettre en ligne tardivement trois ou quatre vidéos, avec lui-même en vedette. Christine, elle, faisait ses bagages pour l’île Maurice et La Réunion… ce qui ne l’a pas empêchée de dire tout le bien qu’elle pensait du Voyage à Nantes (ville où elle n’avait mis les pieds « qu’une fois vite fait à l’occasion d’un mariage »)*.

Le Voyage à Nantes lui-même recense les « articles parus sur la blogosphère » à son sujet et en trouve une centaine. Il y en a sûrement d’autres : le blog qui a le plus parlé du Voyage à Nantes, celui-ci même, La Méforme d’une ville, n’y est même pas mentionné. Vous avez dit bizarre ?
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* Elle se rattrapera néanmoins à la mi-août.

29 octobre 2012

Delarozière toujours courtisé

Friture Mag, trimestriel d’informations et d’enquêtes du grand Sud, publie aujourd’hui un article qui va réveiller les inquiétudes éprouvées à Nantes fin septembre 2011 quand on avait annoncé le départ de François Delarozière pour Toulouse. « Chaque semaine depuis plusieurs mois, François Delarozière, le directeur artistique et fondateur de la compagnie La Machine, débarque à Toulouse », y révèle Ariane Mélazzini-Dejean.

« Des décisions devront être prises, nous n’attendons plus que le feu vert », déclare François Delarozière, cité par la journaliste qui le présente comme « exilé à Nantes ». « Il faut prendre une décision » est une phrase codée classique des couples qui vont vers le divorce. Delarozière n’a pas dit qu’il allait quitter Nantes. Mais il a au moins un soupirant à Toulouse : Pierre Cohen, le maire socialiste de la ville. Celui-ci se démène pour installer La Machine à Montaudran, piste d’envol historique de l’Aéropostale, en cours de transformation en quartier d’affaires high-tech. La ville de Toulouse a récemment voté 1 million d’euros de budget pour faire avancer le projet ; c'est donc plus qu’une idée en l’air.

26 octobre 2012

Grrrand succès du Voyage à Nantes (5) : Monsieur Boulier s’était planté

Le chiffrage des résultats du Voyage à Nantes, on le disait ici avant-hier, est douteux. La fréquentation touristique en 2012 a été calculée par rapport à une base 2011 établie par le même prestataire à l’aide de la même méthode. Celle-ci n’a pas été publiée en détail mais semble avoir mélangé des ingrédients disparates, y compris peut-être l’âge du capitaine.

Un chiffrage qu'on dirait
établi au doigt mouillé (ici,
la main de Cambronne sur
le mur de Royal de Luxe)
En 2011, donc, l’oracle s’était exprimé : Nantes avait reçu 200.000 visiteurs extérieurs au cours de l’été. Comme on l’avait signalé ici, ce chiffrage n’était absolument pas crédible. Il avait néanmoins été présenté en grande pompe au Conseil des acteurs du tourisme.

Comment se fait-il alors que le bilan de l’été 2012 soit comparé à une fréquentation de 486.000 visiteurs extérieurs en 2011, et non plus 200.000 ?

Dans un communiqué publié cette semaine, le VAN donne l’explication entre les lignes. Début 2012, Nantes Métropole a fait le bilan de la taxe de séjour 2011, « apportant ainsi des éléments fiables et définitifs de connaissance de l’année 2011 ». Et comme ils ne cadraient pas avec l’étude du VAN (donc officiellement pas fiable), on a pratiqué « un redressement significatif des résultats de l’étude menée sur l’été 2011 ». Significatif, on peut le dire : le nombre total de visiteurs a été relevé de 143 % !

On notera qu’un plantage aussi radical pouvait être évité aisément : il aurait suffi de consulter le bilan de la taxe de séjour 2010. Mais Jean Blaise semble fâché avec les chiffres. Lui qui « se fout complètement » de ce que coûtent les œuvres d’Estuaire et qui mélangeait naguère les comptes d’Estuaire et du Lieu Unique (au point de courroucer la Chambre régionale des comptes), il n’est sûrement pas homme à s’inquiéter d’une erreur statistique. Il n'a donc changé ni de méthode ni de prestataire pour établir le bilan 2012. Les statistiques n'engagent que ceux qui y croient.

25 octobre 2012

Grrrand succès du Voyage à Nantes (4) : Estuaire balayé sous le tapis

Le Voyage à Nantes évalue lui-même à 9,1 millions d’euros ses retombées économiques. Comme son budget spécifique était de 8,0 millions d’euros, dit-il, l’honneur est sauf. Le taux de retour sur investissement est faible mais positif.

Sauf que ce montant officiel de 8,0 millions d’euros ne représente pas tout ce qui a été investi cette année pour attirer des touristes. Loin de là. Il ne prend pas en compte la construction du Carrousel, qui n’est sans doute pas pour rien dans la fréquentation touristique de Nantes cet été, ni le budget de Royal de Luxe.

Et surtout, il ignore totalement Estuaire, qui a lui seul double le budget officiel. Ainsi, tous les visiteurs venus à Nantes auraient été attirés par les facéties du Voyage à Nantes et aucun par les œuvres labellisées Estuaire ? Aucun par l’arbre lunaire de Chantenay, le péage en bois de Malakoff, l’île semi-immergée du canal Saint-Félix ? Ce n’est pas brillant.

Au total, les dépenses réellement engagées au service du tourisme cet été dépassent 20 millions d’euros. Un montant à rapprocher des 9,1 millions d’euros injectés dans l'économie locale par les visiteurs supplémentaires. Pour gagner 1 euro, il a fallu en dépenser plus de 2…

On comprend donc qu’il soit préférable d’oublier Estuaire. Car si le Voyage à Nantes est un succès, Estuaire est un désastre. Ou vice versa…

24 octobre 2012

Grrrand succès du Voyage à Nantes (3) : mais pas de sa méthode de comptage

Le bilan du Voyage à Nantes présenté hier par Jean Blaise est « difficile à interpréter », écrit Philippe Gambert dans Ouest France. C’est le moins qu’on puisse dire.

Avec l’aide de son « partenaire marketing », le VAN a compté 605.000 visiteurs extérieurs en 2012 contre 486.000 en 2011 (+ 24 %).

La danse de la pluie
de touristes aurait-elle
été efficace ?
("Le Sorcier", d'Herbert
Ward, exposé cet été
Passage Sainte-Croix).
Pourtant, en appliquant la même méthode d’évaluation avec le même partenaire, le Voyage à Nantes avait annoncé l’an dernier… 200.000 visiteurs. Ce n’était pas une faute de frappe : il était précisé que ce nombre comprenait 104.000 excursionnistes en visite à la journée et 96.000 touristes passant au moins une nuit à Nantes.

L'un des deux chiffrages au moins est donc faux*. Mais lequel ? Celui de 2011 ou celui de 2012 ?

Quoi qu’il en soit, avec ce bilan, le Voyage à Nantes parvient à sauver les meubles, quitte à les hisser en haut d’un monte-charge au milieu des décombres : sa manifestation estivale aura rapporté plus d’argent qu’elle n’en a coûté. Neuf millions d’euros de recettes supplémentaires pour un coût de 8 millions d’euros. Pour encaisser 1 euro, les Nantais n’ont dépensé QUE 89 centimes. Ça ne laisse pas cher de l’heure, mais c’est mieux que rien en temps de crise.
______________
* Ce n'est pas une énorme surprise. On savait depuis les premières éditions d'Estuaire que Jean Blaise a parfois un peu de mal avec les chiffres.

23 octobre 2012

Grrrand succès du Voyage à Nantes (2) : à vaincre sans péril…

La deuxième raison qui doit faire du Voyage à Nantes un grand succès est l’objectif officiellement retenu. Il se situe « entre 10 et 20 % de fréquentation supplémentaire (excursionnistes et touristes) à Nantes » (les « excursionnistes » étant des visiteurs à la journée qui ne passent même pas une nuit sur place). Toujours selon l’étude réalisée l’an dernier, Nantes aurait reçu 200.000 visiteurs en juillet-août 2011 ; l’objectif est donc compris entre 20.000 et 40.000 personnes supplémentaires.

Plouf !
Fastoche ! Mais ridicule en même temps puisque le VAN et Estuaire, en pratique confondus, ont coûté au total plus de 20 millions d’euros*, sans compter les EVP (équivalents en valeur publicitaire) assurés par la presse et les collectivités locales. Avec 20.000 visiteurs supplémentaires, éventuellement pour une visite de moins d’une journée, on aurait investi 1.000 euros pour chacun ! Et bien entendu, un tel résultat serait très, très inférieur aux besoins de l’hôtellerie nantaise.

Le VAN aura sans peine dépassé son objectif. Il lui suffira de compter dans son bilan les bons chiffres du Carrousel des mondes marins. Mais l'ouverture du Carrousel est un événement en soi (tout comme le spectacle de Royal de Luxe), elle n'avait pas besoin du VAN pour avoir lieu. Le vrai chiffre à considérer ne doit pas intégrer en totalité ces visiteurs-là.

Vu l’effort financier consenti par la collectivité et les tombereaux de superlatifs déversés sur le VAN, tout résultat inférieur à un doublement du nombre de visiteurs serait lamentable. Cela représenterait encore un investissement de 100 euros par visiteur. Au-dessous de 100.000 visiteurs supplémentaires, ce serait franchement la cata. Pour mémoire, 100.000, c’est exactement le nombre de visiteurs gagnés cette année par le parc du Puy du Fou, sans événement particulier.
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* Y compris des dépenses comme l'aménagement du bar de la tour Bretagne ou la subvention spécifique de Rue de la chute.

22 octobre 2012

Grrrand succès du Voyage à Nantes (1) : des chiffres, en veux-tu, en voilà

Jean Blaise doit publier mardi les « vrais » chiffres de fréquentation du Voyage à Nantes. On peut parier sans trop de risque qu’il annoncera un grand succès. Cela pour deux raisons.
Les chiffres sont comme
les images : bons ou pas
bons selon l'angle sous
lequel on les regarde
La première tient à la méthode de calcul. En l’occurrence, les « bases pour estimer l’impact sur la fréquentation et les retombées économiques de l’événement » ont été établies à l’été 2011 grâce à une enquête auprès de 1.624 passants, dont les données ont ensuite été « redressées » à partir de la fréquentation réelle des principaux sites touristiques de Nantes.

Cette méthode a permis d’établir un portrait qualitatif des visiteurs, mais en aucun cas une statistique de fréquentation fiable, et encore moins une évaluation économique. Aucune donnée économique n’a d’ailleurs été rapportée lors de la présentation des résultats de l'étude au Conseil des acteurs du tourisme en décembre dernier. Estimer un impact à partir d’une base floue est un exercice hautement aléatoire !

Et puis, on peut faire dire aux chiffres à peu près ce qu’on veut. « Je ne crois aux statistiques qu'à condition de les avoir trafiquées moi-même », disait Churchill. Quand des statistiques sont destinées à véhiculer un message (à tout hasard : « le VAN est un succès »), un bon professionnel peut presque toujours, parvenir à une présentation favorable à son client (parole d’expert !). Or Le Voyage à Nantes a fait réaliser son étude par une agence qui est aussi son « partenaire marketing »…

[À suivre demain]

11 octobre 2012

Musée Dobrée : une sorte de chef d’œuvre du couac

On est tenté de dire qu’après avoir touché le fond, Dobrée continue à creuser. Mais ce ne serait même pas vrai : bien qu'« emblématique et exemplaire », comme disait naguère Jean-Marc Ayrault, le chantier du nouveau musée en sous-sol est bloqué pour une durée indéterminée, si ce n’est définitivement condamné. Et voilà que, sept mois après sa nomination et trois mois après l’annulation du permis de construire, Patrick Porte trouve la sortie.

C’est sans doute sage de sa part. Conservateur d’un musée fantôme, il avait peu de chances de voir  le projet aboutir avant l’âge de la retraite. Pire, comme on le disait ici au mois de mars, « vu son pedigree, si les choses tournaient mal dans l'avenir, il ferait un excellent fusible ». Or les choses auraient difficilement pu tourner plus mal…

On retrouvera ci-dessous les précédents articles de ce blog consacrés au musée Dobrée :

07 octobre 2012

Le temps passe

« Quoi que vous pensiez de De temps en temps, François Morellet est depuis 1952 un des plus importants artistes de sa génération », écrit Alain Le Provost, commentant un commentaire sur le post précédent. Certes. Mais quid du passant lambda qui ignore que l'œuvre est de Morellet, si même il sait qui est Morellet ?

D'une oeuvre placée dans un lieu public, on attend qu'elle se suffise à elle-même, qu'elle suscite l'émotion par elle-même et non par référence à son auteur. De temps en temps est-elle « sublime, forcément sublime » parce qu'elle est signée Morellet ? Personnellement, je maintiens que c'est « une cerise ratée sur un gâteau raté ».

Morellet était sûrement d'avant-garde en 1952, et en tout cas quand il a commencé à sculpter le néon en 1963. Cependant, un artiste qui utilise la technologie doit évoluer au moins aussi vite qu'elle, sous peine de devenir d'arrière-garde. L’enseigne de mon pharmacien multiplie les figures géométriques lumineuses. On dirait du Morellet, en plus dynamique…

Et puis, si être un indicateur météorologique fait partie de son essence, comme on le dit partout, De temps en temps devrait au minimum indiquer vraiment le temps qu’il va faire. Ses errements montre que l'artiste maîtrise mal sa technique. C’est comme si Léonard de Vinci faisait des fautes de perspective ou Marcel Proust des fautes de syntaxe. L’enseigne de mon pharmacien, elle, indique le jour, l’heure et la température exacts…

06 octobre 2012

Sous le soleil inexactement

On l’a déjà évoquée, mais on ne se lasse pas de cette prétentieuse inanité. De temps en temps, la composition en tubes au néon de François Morellet accrochée à la façade de l’immeuble des Mutuelles Atlantique, est en même temps un « indicateur métérologique » qui annonce le temps qu’il fera quatre heures plus tard. C’est ce qu’affirment, opiniâtres, aussi bien le site web de la ville de Nantes que ceux d’Estuaire, de Nantes tourisme et de l’artiste lui-même.

Le temps varie. On a donc là « une œuvre sans cesse changeante qui évite la vision lassante d'une proposition artistique immuable ». Comme elle n’a que trois positions, néon rouge pour le soleil, néon blanc pour les nuages et néon bleu pour la pluie, la « proposition artistique » ne mue cependant que dans d’étroites limites.

Quand elle daigne muer. Sous le déluge de cet après-midi, alors que Météo France n’annonçait rien de mieux pour la soirée, De temps en temps, impavide, annonçait le beau temps pour dans quatre heures. Heureux ceux qui croient au soleil sans l’avoir vu.

04 octobre 2012

Oui, le Carrousel est trop cher – pour les contribuables

L’entrée du Carrousel des mondes marins coûte-t-elle trop cher ? demandent Stéphane Pajot et Philippe Corbou dans Presse Océan aujourd'hui.

Personne n’est obligé de fréquenter le Carrousel. Ceux qui le font votent avec leur porte-monnaie : pour eux, le billet n’est pas trop cher. À l’entrée, en tout cas ; à la sortie, c’est peut-être autre chose. Mais la question de Presse Océan est mal posée. Il y a au moins une catégorie de gens pour lesquels le Carrousel est trop cher : les contribuables nantais.

Ils ont payé le Carrousel (avec l’aide des contribuables du département, de la région et de l’Union européenne). Ils lui ont gracieusement octroyé un emplacement privilégié en bordure de Loire. Et, par-dessus le marché, ils subventionnent ses visiteurs. « Nous avons une subvention pour (…) 1,1 million d’euros », admet Pierre Orefice, directeur des Machines de l’île.

En créant les Machines de l’île, après une dizaine d’années de réflexions sur la manière d’utiliser le site des anciens chantiers navals pour dynamiser l’économie locale, Nantes Métropole comptait constituer un pôle touristique rentable qui attirerait des voyageurs du monde entier*. Passé les deux ou trois premières années de fonctionnement, l’équipement devait s’autofinancer. C’est complètement raté.

Sur le papier, 160.000 visiteurs suffisaient à équilibrer les comptes. Avec près du double, les contribuables doivent quand même allonger 1,1 million d’euros. Entre 3 et 4 euros de subvention pour chaque visiteur. Paradoxalement, plus les visiteurs sont nombreux, plus le déficit croît. On espère que le Carrousel mettra fin à cette spirale infernale.

Et qu’on ne vienne pas dire, comme certains tentent à présent de le faire, que les Machines sont un équipement « culturel », et qu’il serait donc grossier de parler d’argent : la communauté urbaine a expressément délibéré sur un projet touristique. Juridiquement, d'ailleurs, les questions culturelles n'étaient pas de sa compétence.
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Sept projets avaient été proposés à l’époque. Ils avaient été soumis pour évaluation à un cabinet spécialisé, le canadien Cultura. Le projet des Machines avait été classé dernier. Les édiles nantais avaient préféré ignorer cet avis.

01 octobre 2012

La circulation à Nantes : Requiescat in pace

Les édiles nantais nous promettent « une circulation apaisée ». En ce lundi 1er octobre, c’est bien le cas. Dans une partie du centre ville, la circulation est interdite. Et là où elle n’est pas interdite, elle devient impossible. C’est la paix des cimetières.

28 septembre 2012

Saint Glinglin, priez pour nous !

On écrivait ici-même, il y a quelques jours, que la réouverture du musée des Beaux-arts de Nantes était « irrévocablement fixée à la Saint-Glinglin ». Jean-Marc Ayrault a dit hier soir sur France 2 que, bien qu'il n'ait pas encore fait grand-chose en tant que Premier ministre, le rendez-vous avec ses décisions, « ça ne sera pas à la Saint-Glinglin ».

Interrogé par David Pujadas, il a montré que, à défaut de décisions, ses quatre mois et demi à Matignon lui ont du moins permis de mesurer l’état de la France à la veille de l’élection présidentielle du printemps dernier. Certains s’étonnent de le voir ainsi conduire le gouvernement au bord de l’abîme les yeux fixés sur le rétroviseur. Ils ne devraient pas. Il en a toujours été ainsi à Nantes. Dans son dernier discours local, mi-juillet, l’ancien maire disait qu’en construisant le Carrousel des mondes marins « Nantes a refusé la fatalité et a relevé le défi du redressement » par rapport à sa situation de… 1987 !

Pour le redressement de la France, rendez-vous donc en 2037. Saint Glinglin, priez pour nous.

26 septembre 2012

Bombardement mal ciblé

Curieux lapsus de Presse Océan lundi dernier – double lapsus, même. « Le jeudi 23 septembre 1943, premier bombardement à Nantes », lisait-on sous la plume de Jean-Louis Lucas à propos de ce jour « où les Allemands bombardèrent pour la première fois la ville ». On sait qu’en réalité le premier bombardement massif sur Nantes a eu lieu le 16 septembre et qu’il était dû aux Alliés, non aux Allemands. Presse Océan a publié un rectificatif le lendemain.

Dans les années 1950, je n’aurais jamais manqué un hommage aux Cinquante otages. La place du Pont-Morand était noire de monde, il y avait des drapeaux, des fleurs, des sonneries aux morts, des minutes de silence, des claquements de talons, c’était poignant. Une énigme taraudait pourtant mon jeune cerveau.

Un mois plus tôt, chaque année, mon père avait évoqué le bombardement de Nantes les 16 et 23 septembre. Par des avions américains, avait-il dit. Pourtant, un acte aussi barbare ne pouvait être que le fait de nazis. Mon père se trompait sûrement. Mais alors, si l’on célébrait avec tant de solennité l’exécution de cinquante otages le 22 octobre, pourquoi n’avait-on pas commémoré avec plus de lustre encore, un mois auparavant, un drame qui avait fait trente ou quarante fois plus de morts, sans parler des blessés et des destructions ?

Jean-Louis Lucas n’est pas seul à pérenniser cette erreur. L’an dernier déjà, dans un « spécial Nantes » des Inrockuptibles, J.D. Beauvallet écrivait que La Fabrique, « comme un beau cauchemar métallique », était construite « sur les restes d’un blockaus, qui servit à protéger les employés des chantiers navals voisins des bombardements nazis ». La dissonance cognitive n’a pas fini de produire ses effets. Mais peut-être le film de François Gauducheau aura-t-il redressé le tir ?

20 septembre 2012

Du cafouillage considéré comme un des beaux-arts

Ainsi, après les grotesques péripéties du Mémorial et de Dobrée, le Musée des Beaux-Arts est en panne à son tour ! Ce projet inopportun était hoquetant dès le départ : pour abriter les réserves du musée pendant les travaux, la municipalité nantaise avait commencé par acheter en 2009 un bâtiment qui s’était avéré inutilisable.

Voici moins d’un an, Jean-Marc Ayrault célébrait dans son blog « la promesse d’un grand musée d’art à Nantes ouvert à tous les publics en 2013 ». Une « promesse » politicienne qui était déjà intenable à l’époque : du fait de l’échec des appels d’offres lancés au printemps 2011, les travaux ne pouvaient être achevés avant le printemps 2014, au mieux.
Photo prise le 15 mars 2012 : depuis
six mois, le chantier du nouveau
bâtiment n'a pas bougé d'un pouce.

À présent, l’ouverture « à tous les publics » est irrévocablement fixée à la Saint-Glinglin. La faute, paraît-il, à une nappe phréatique connue depuis longtemps et qui n’avait empêché ni la construction du couvent de la Visitation au 17ème siècle, ni celle du lycée Clemenceau en 1891, ni d’ailleurs celle du musée des Beaux-arts actuel en 1900. Les architectes d’aujourd’hui sont sûrement beaucoup moins malins. Ce n’est pas faute d’y avoir mis les moyens puisque le marché de maîtrise d’œuvre attribué au groupement constitué par l’agence londonienne Stanton Williams s’élève à 7 millions d’euros hors taxes !

18 septembre 2012

On finance les Machines comme contribuable et comme parent d’élèves

« Nous allons atteindre les 500 000 billets vendus » en 2012, assurait l’autre jour Pierre Orefice à Philippe Gambert, d’Ouest France. Donner quatre mois à l’avance un chiffre de fréquentation pour l’année, serait-ce une de ces bizarreries mathématiques dont le patron des Machines de l’île est coutumier ? Pas forcément, car il révèle aussi que « en semaine, 85 % des publics sont constitués de groupes. Notamment scolaires qui viennent pour des raisons pédagogiques dans le cadre de leur école. » On imagine que les réservations de groupes assurent une certaine visibilité.

Cette importance des groupes scolaires dans leur fréquentation illustre une fois de plus l’échec des Machines au regard de leur vocation initiale : être la locomotive touristique de l’agglomération nantaise. Les contribuables locaux ont financé la construction des Machines et mis à leur disposition un site privilégié ? À eux de payer aussi une partie de leur fonctionnement comme parents d’élèves ! C’est la double peine – et même la triple peine, puisqu'ils combleront aussi le déficit d’exploitation des Machines par des subventions de Nantes Métropole.