Selon un sondage BVA, une majorité de gens seraient
favorables à un aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Les partisans du projet y
trouvent de quoi regonfler un peu leurs espérances vacillantes. Ils ont tort.
Le sondage a été commandé par la Fédération nationale des
travaux publics. C’est un outil de relations publiques tout à fait classique,
destiné à affirmer une conclusion écrite d’avance : les Français ont des
envies de béton, MM. et Mmes les élus, vous savez ce qu’il vous reste à faire
d’ici les élections de 2014. De bons professionnels des sondages aboutissent
aisément à ce genre de conclusion. Il suffit de poser les bonnes questions dans
le bon ordre. Et si le résultat n’est pas satisfaisant, les professionnels
honnêtes se contentent de le garder dans un tiroir ; les moins honnêtes
trouveront toujours moyen de lui appliquer quelque « redressement ».
Les mots ont de l’importance. Comme le montre Le Canard
enchaîné de cette semaine, la vidéosurveillance est plébiscitée dans les
sondages depuis qu’elle a été rebaptisée vidéoprotection. Ici, le sondage porte
sur « les travaux et les équipements publics »*. Les équipements
publics, tout le monde est pour. Si le sondage avait porté sur « la protection
de la nature », le résultat aurait été tout autre.
La psychologie cognitive a depuis longtemps décrit un
« effet d’amorçage » qui conduit les gens à préférer spontanément ce
dont ils ont entendu parler récemment. Daniel Kahneman, prix Nobel 2002, décrit
à ce sujet plusieurs expériences étonnantes dans son dernier livre, Système
1, Système 2, les deux vitesses de la pensée. Une fois qu’on a demandé aux
gens s’ils voulaient des équipements publics (« Bien sûr que
oui ! »), si on leur demande quels équipements ils veulent, ils
citent presque nécessairement ceux dont ils ont entendu parler. Et NDDL, ils en
ont entendu parler !
Le projet de NDDL devrait donc être plébiscité. Or 4 %
seulement des personnes interrogées en Bretagne le jugent
« essentiel », 5 % dans les Pays de la Loire. Il faut y ajouter ceux qui le trouvent seulement « intéressant » pour faire une majorité. Sur dix projets
présentés, NDDL arrive bon dernier en Bretagne, huitième dans les Pays de
la Loire. Comme l’état des finances publiques ne permet de réaliser que
quelques projets, ce sondage est en réalité un désastre pour les partisans de
l’aéroport.
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* La presse régionale l’a présenté presque comme un sondage
sur l’aéroport, ce qu’il n’est pas.
Précédent billet de la série « Lobbying pour NDDL » : (7) Un petit pavé de l'ours.
Ce qui est vraiment essentiel, c'est qu'il soit plébiscité par :
RépondreSupprimer- Ceux qui risquent aujourd'hui leur vie car ils sont sur l'approche
- Ceux qui en ont besoin car les trains ne mènent pas partout et n'y mènent que lentement.
- Ceux qui en voient l'utilité économique et ont examiné le dossier de l'aérien.
Vous admettrez que ce n'est pas tout le monde, mais cela devrait suffire.
Le sondage ne porte que sur environ 300 personnes par région. Présenter les résultats au niveau régional est déjà abusif tant la marge d'erreur est large. Mais les analyser au niveau de micro-catégories est totalement impossible.
RépondreSupprimerPar ailleurs, dire "ceux qui risquent leur vie car ils sont sur l'approche" me semble un peu spécieux. L'approche n'est pas la partie la plus dangereuse des vols (14% des accidents). Nous risquons tous notre vie à être survolés par des avions susceptibles de tomber ! Et bien sûr, ceux qui risquent le plus leur vie sont ceux qui voyagent en avion. Si vraiment le transport aérien est si dangereux, il faut l'interdire, mais ce n'est sans doute pas ce que vous vouliez dire.
Certes, les trains ne mènent pas partout, mais les avions non plus ! Et ce n'est pas parce que l'aéroport serait déplacé qu'il mènerait vers davantage de destinations. On peut même craindre l'inverse : aujourd'hui, pour gonfler le trafic qui "justifie" NDDL, il est probable qu'on octroie des conditions privilégiées à des compagnies low-cost. Une fois l'aéroport construit, Vinci n'aurait plus besoin de faire du chiffre et chercherait sans doute à se débarrasser des clients non rentables. Si demain on relève leurs tarifs, les low-cost risquent d'aller ailleurs.
Enfin, voir l'utilité économique d'un déplacement de l'aéroport est un peu comme voir la Vierge : c'est un acte de foi, car certains arguments avancés pour dire qu'un aéroport à NDDL serait plus utile économiquement qu'un aéroport à Château-Bougon sont, au minimum, biaisés (ne serait-ce que parce qu'il n'est plus vraiment question de déplacer l'aéroport mais d'en construire un second en conservant le premier pour Airbus, ce qui bouleverse l'équation économique).