20 février 2010

Faut pas prendre les éléphants du bon dieu pour des carnavals sauvages

Catastrophe ! Le Carnaval de Nice a son éléphant, nous apprennent Stéphane Pajot et Guillaume Lecaplain dans Presse Océan du 19 février, et cet éléphant serait un vil plagiat de celui de l'île de Nantes.

Oh ! Oh ! mais que voit-on dans les rues de Nice ? L'éléphant est suivi par plusieurs copies de la statue de la Liberté. Bartholdi va-t-il lui aussi faire un procès aux Niçois ? Et derrière vient un personnage volant qui ressemble fort à Clark J. Kent, alias Superman, ma foi. Voilà de quoi mettre en rogne Siegel et Schuster. Puis un peu plus loin un Gaulois moustachu qui provoquera l'ire de Goscinny et Uderzo...

Eh ! oui, c'est ainsi : à Nice comme à Nantes et ailleurs, les chars de carnaval ont toujours fait dans le satirique et le moqueur. L'éléphant niçois, avec ses bouts de ferraille qui sortent de partout, n'est manifestement pas une imitation mais une caricature de celui de Nantes, qui n'est pas déglingué à ce point. En général, les "victimes" considèrent ces moqueries comme un hommage. Mais plus moyen alors de réclamer des royalties...

Oh ! le gros mot ! N'allons pas soupçonner cependant les auteurs de l'éléphant nantais, qui se fâchent tout rouge, d'être motivés par l'argent. "Ce qui ne me plaît pas non plus, c'est le côté commercial du carnaval de Nice", assure d'ailleurs François Delarozière à Presse Océan : loin de lui l'idée de faire commerce de sa propre grosse bête, seul l'inspire le noble objectif de défense du droit d'auteur et de la création artistique.

L'esprit de Léonard et l'argent du FEDER

On remarquera d'ailleurs que l'éléphant de Nice ne pastiche évidemment pas celui de l'île de Nantes mais son ancêtre, celui de La visite du sultan des Indes, création de Royal de Luxe en 2005 -- à preuve le personnage enturbanné juché sur le dos de l'animal et surtout le harnachement frontal caractéristique.

Le statut de notre éléphant est finalement fort ambigu. Le premier dossier de presse des Machines de l'île, en 2004, évoquait des "machines extraordinaires issues des imaginaires croisés de Léonard de Vinci et de Jules Verne". Le pachyderme plagierait donc Léonard et Jules ? Etre à son tour imité ne serait alors qu'une histoire d'arroseur arrosé. Un éléphant, ça trempe énormément.

Enfin et peut-être surtout, les Machines ont été réalisées à l'aide d'une subvention du Fonds européen de développement régional (FEDER) à hauteur de 25 % du budget. L'objet des interventions du FEDER est strictement délimité par son règlement, publié au JOUE du 31 juillet 2007 : le FEDER subventionne des équipements productifs, des infrastructures, des services aux entreprises, de l'assistance technique... Nulle part il n'est question d'oeuvre d'art. A trop vouloir jouer sur deux tableaux différents, l'éléphant risquerait de s'emmêler ses grosses pattes.


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