12 décembre 2012

Le Père Noël est une meurtrissure

« Attendons-nous à voir le géant à Lhassa avec une chuba tibétaine, le géant à Helsinki avec la houppelande du Père Noël, le géant à Fukushima en kimono… », prophétisait ce blog il y a dix-huit mois. Le Père Noël, désormais, c’est fait… mais par Coca-Cola. Yo-ho-ho !

Royal de Luxe se dit « meurtri » par la nouvelle vidéo du géant du soda. Allons, allons, un peu de nerf !

Il y a trois-quarts de siècle que Coca-Cola, dans le monde entier, utilise le Père Noël, ou plus exactement Santa Claus, dans sa publicité à la période des fêtes (selon une légende urbaine, le personnage aurait même été créé par l’entreprise). La saga comprend un bon nombre de géants. Il fallait bien qu’un jour ce soit une marionnette. Et inévitablement, une marionnette géante ressemble aux géants de Royal de Luxe. Comme on l’a noté ici, la technique limite strictement le jeu scénique des « acteurs ». L’essentiel du scénario est dans le costume !

« On retrouve l’écriture scénographique de Jean-Luc Courcoult », déclare à Presse Océan la productrice-déléguée de la troupe. « Comme le réveil, la façon dont il se lève, les yeux… Même le visage semble sculpté en bois. » Depuis toujours, le réveil fait partie intégrale du code narratif et publicitaire de Santa Claus, dont la visite prélude au matin de Noël. Il n’y a pas un grand nombre de variantes possibles à la façon de lever une marionnette et Santa Claus a toujours été représenté avec des yeux ! Il y a bien longtemps aussi qu’on met des yeux aux poupées et Royal de Luxe n’a pas innové avec ses géants. On dirait même que Coca-Cola a perfectionné la technique : les yeux de son Santa Claus sont particulièrement expressifs, avec le côté malicieux et bienveillant qui convient au personnage, dont le visage parcheminé obéit lui aussi à un code fixé depuis longtemps (en fait, c'est un autoportrait de son créateur). Chez Coca-Cola, en outre, le géant n'est pas manipulé par des serviteurs en livrée mais par la population enthousiaste. Une sorte de Père Noël 2.0.

« On croise même le regard d’un chien noir, lointain cousin de Xolo », notent Stéphane Pajot, Mickaël Haton et Cédric Blondeel dans Presse Océan. Un chien ! Cerise sur le gâteau de la contrefaçon ! Mais ce dogue débonnaire n’a pas grand chose de commun avec le chien chauve mexicain, et a-t-on jamais vu une vidéo américaine pour le grand public sans un chien quelque part ? (En fait, oui : des fois, il y a un chat.)

Que Royal de Luxe ait pu contribuer à inspirer les publicitaires de The Coca-Cola Company, c'est bien possible. Ce serait même plutôt flatteur. Les bonnes idées ne sont à personne et ne sont d’ailleurs pas brevetables. Après tout, Royal de Luxe a bien emprunté l’idée de sa fresque murale au peintre mexicain Diego Rivera. Le seul moyen pour ne pas être imité est d’innover sans cesse. Royal de Luxe l’a peut-être trop oublié depuis quelques années.

4 commentaires:

  1. Royal de Luxe serait cet improbable chaînant manquant, celui qui relie le Bread and Puppet Theater à une publicité pour Coca-Cola ?

    Pour s'en convaincre, il suffit de taper "Bread and Puppet Theater" sur son moteur de recherche favori... On parcours l'article de "Wikipédia", on regarde à la rubrique "Images"... Et on se dit que oui... Peter Schumann, qui fonda la compagnie, pourrait tout aussi bien se sentir "meurtri" par le devenir de notre Royal local.

    Et si l'on a encore quelques minutes à perdre, on tape, sur ce même moteur de recherche : "Automates & merveilles:éléphant jouet du 18ème siècle" - remarquable exemple de plagiat par anticipation !


    Cordialement.


    G. L.

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  2. ERRATUM : là où il y avait écrit "chaînant", il fallait lire "chaînon"...

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  3. Merci pour ces références éloquentes. Parmi les grands ancêtres de Royal de Luxe, je pense qu'on peut aussi citer Peter Minshall, d'une créativité autrement débordante.

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