24 novembre 2016

Hôtels de passe-passe pour le Voyage à Nantes

De quoi j’ai l’air ? À peine avais-je critiqué incidemment, mardi, les chiffres de la taxe de séjour allégués par Jean Blaise dans une interview à Presse Océan, lundi, qu’ils étaient confirmés* par un communiqué du Voyage à Nantes. Communiqué aussitôt repris par la presse. « Le tourisme estival progresse dans la métropole », titrait Ouest France, qui commentait : « Nantes deviendrait-elle une ville touristique ? Certains chiffres sont révélateurs, surtout l'été. Le nombre de nuitées marchandes, 521 489 les deux mois d'été, reste sur une pente ascendante. »

Devais-je me couvrir la tête de cendres ? Retirer mon article ? M’excuser publiquement ? Pas avant d’avoir examiné la question d’un peu plus près ! Et là, pas besoin de chercher longtemps. Voici la première page du dernier numéro d’Insee Flash Pays de la Loire :


En somme, tout stagne, sauf les hôtels. Mais Le Voyage à Nantes ne parle que des hôtels, et tant pis si la fréquentation baisse dans les autres types d’hébergement, en particulier les campings (moins 3,8 % en Loire-Atlantique). Sa présentation tient du jeu de bonneteau : Où est la fréquentation touristique ? Ah ! elle était sous le gobelet « hôtels » ! Encore gagné !

Et puis, même pour les hôtels, les chiffres avancés par Le Voyage à Nantes méritent qu'on les regarde d’un peu plus près. Les 521.489 nuitées hôtelières revendiquées représentent bien une augmentation de 4,9 % par rapport à l’été 2015. Mais en quoi cette augmentation signalerait-elle un succès particulier des animations estivales nantaises ? En Mayenne, la progression est de 10,2 %, et Le Voyage à Nantes n’y est pour rien. Pour la Loire-Atlantique dans son ensemble, elle est de 4,6 %. Avec ses 4,9 %, Nantes ne se distingue guère ; l’écart de 0,3  % représente moins de 1.500 nuitées.

Moins de touristes à Nantes, très probablement

Et puis, il n'y a pas que des touristes dans les hôtels nantais. La clientèle d’affaires a fortement progressé dans la région (+ 17,5 % de nuitées) et « représente la moitié des nuitées hôtelières de la région », précise l’Insee. Il est probable que cette augmentation a surtout porté sur les grandes villes. « De nombreux touristes et séminaristes se sont reportés sur Nantes en raison du contexte terroriste à Paris ou sur la Côte d’Azur » confirme Jean-François Dauchel, président du Club hôtelier de Nantes, interrogé par Frédéric Brenon dans 20 Minutes. La conséquence est claire : si la clientèle d’affaires a progressé bien davantage que la fréquentation générale… c’est que la fréquentation touristique a sensiblement baissé. En titrant « Le tourisme estival progresse dans la métropole », Ouest France est à côté de la plaque.

Et puis, comment se fait-il que la taxe de séjour ne progresse, à en croire Le Voyage à Nantes, que de 6,6 % en juillet et 2,6 % en août ? Comme Nantes Métropole l’a très fortement alourdie en 2016, son montant devrait augmenter bien plus que la fréquentation. Peut-être trouve-t-on un début d’explication dans ce que disait Jean-François Dauchel à 20 Minutes : « Des effectifs policiers importants, sollicités pour les manifestations contre la loi Travail, ont également rempli les hôtels de la métropole. Et puis, il faut savoir que l’État loge de plus en plus de demandeurs d’asile en attente d’hébergement. Dans certains établissements, ils occupent les trois quarts des chambres. » Un demandeur d’asile qui séjourne dans un hôtel pendant trois mois équivaut à lui seul à trente touristes qui y passent trois nuits ! Or les hébergements d’urgence sont exonérés de taxe de séjour : ceci explique peut-être cela…

Et puis, il n’y a pas que Le Voyage à Nantes pour attirer des touristes à Nantes. Le bilan 2016 de La Loire à Vélo n’est pas encore connu, mais il semble que son succès perdure. Et si les chiffres nantais de juillet sont meilleurs que ceux d’août, cela pourrait tenir un peu à la Maker Faire organisée aux Machines de l’île – pour laquelle les contribuables métropolitains ont versé 150.000 euros de subvention.

Conclusion : une fois de plus, Le Voyage à Nantes a sollicité les chiffres abusivement. Ils ne révèlent pas un succès touristique particulier en 2016, mais au mieux une stagnation et probablement une régression.
______________
* Ou presque. Jean Blaise avait évoqué une progression de la taxe hôtelière de 6,8 % en juillet et de 2,8 % en août ; il fallait lire 6,6 % et 2,6 %, corrige le V.A.N.

6 commentaires:

  1. Décidément, on va finir par croire qu'OF puise ses infos chez vous :
    http://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/tourisme-les-hotels-ont-le-vent-en-poupe-pas-les-campings-4633350
    Modifié le 24/11/2016 à 12:56 | Publié le 24/11/2016 à 12:56

    Si vous pouviez leur suggérer de reprendre également la totalité des informations concernant la construction d'un second aéroport à NDDL se serait formidable.

    Parce que c'est peut être suffisant que Vinci réalise un chiffre d’affaires sur les concessions autoroutières de 3,9 milliards d’euros pour les neuf premiers mois de 2016 sans qu'il soit aussi besoin d'aller bétonner encore un peu plus le bocage pour arrondir les fins de mois.
    https://reporterre.net/Grand-mensonge-le-gouvernement-parle-climat-mais-il-relance-les-autoroutes

    RépondreSupprimer
  2. C'est trop d'honneur ! Il aura suffi à Ouest France de consulter les mêmes documents que moi. Mais il est intéressant de noter que le journal a traité séparément le cas des hôtels et celui des campings. Les hôtels progressent, c'est grâce au VAN. Les campings régressent, c'est... c'est la faute à pas de chance. Maintenant, Ouest France s'est-il fait manipuler par le VAN ou a-t-il choisi de biaiser l'information en toute connaissance de cause ? Je ne me prononcerai pas.

    RépondreSupprimer
  3. Nous pourrions souhaiter que OUEST-FRANCE réponde sur votre blog, ce serait intéressant, alors comme ils vous lisent encore un effort.. .Amitiés. alain

    RépondreSupprimer
  4. Les terroristes et les clandestins soutiennent l'hôtellerie nantaise plus efficacement que M. Blaise ? Vous ne verrez pas de sitôt un titre comme ça dans OUEST-FRANCE

    RépondreSupprimer
  5. @nonyme précédent,

    Vous avez pointé du doigt, si cela était nécessaire, le rôle de la PQR, des pisse-copies subventionnés faisant allégeance aux potentats locaux...

    Dans un siècle, des historiens se pencheront peut-être sur notre époque en constatant : "ils ont vécu l'avènement d'Internet et puis....rien !"

    RépondreSupprimer
  6. Hélas, la PQR n'a pas la vie facile aujourd'hui ! Son économie fragile ne lui permet plus de faire mieux que pisser de la copie, comme vous dites. Alors que les puissants, en particulier les collectivités locales, ont les moyens de se payer avec nos impôts de gros services de communication qui abreuvent la presse de communiqués qu'elle n'a plus qu'à recopier. Certains journalistes sont complices, les autres sont coincés : d'abord, ils n'ont pas beaucoup de temps pour approfondir, ensuite, s'ils ruent dans les brancards, ils se couperont de sources d'information et leur carrière en souffrira. Pourquoi croyez-vous que la PQR ne dit JAMAIS le moindre mal de la police, et rarement de la justice et des services municipaux ou départementaux ? Quel journaliste oserait décortiquer les communiqués du Voyage à Nantes au lieu de les publier tels quels ? Son rédac'chef serait le premier à le lui reprocher, et son PDG le second. Et puis son stagiaire ne demande qu'à prendre sa place...

    Mais ce je-te-tiens-tu-me-tiens-par-la-barbichette est un cercle vicieux. Les lecteurs désertent, la presse n'est plus respectée. Plutôt que d'acheter un journal, autant lire directement les communiqués, n'est-ce pas ? Ce qui est d'autant plus facile qu'ils sont tous disponibles sur Facebook. Je me demande à quel avenir les étudiants des écoles de journalisme croient encore.

    RépondreSupprimer