Sur les panneaux d’affichage commercial comme dans nos boîtes aux lettres, Johanna Rolland nous souhaite une « Bonne année 2025 », illustrée d’une photo du château des ducs de Bretagne encadré de verdure. Elle prend soin de préciser la localisation GPS du point de vue (47°12’53.526 N – 1°32’58.11 O) : chacun peut vérifier que le château est bien là. Quant à la verdure, évidemment, elle est beaucoup moins flatteuse en cette saison qu’en pleine floraison printanière.
Comme les prospectus distribués en boîtes aux lettres ont
presque disparu (et avec eux des distributeurs comme Adrexo), un beau bristol
14x21, ça se remarque. L'abandon des prospectus, c’était pour épargner des
arbres : réciproquement, on se demande combien Johanna Rolland en a fait couper
pour nous souhaiter une bonne année. Ce qui ne l’empêche pas de
proclamer : « La nature gagne du terrain. Demain n’attend
pas. »
Demain n’attend pas ? Tiens, Johanna Rolland ressort son slogan de
2023, comme si 365+366 = 731 jours plus tard, demain, c’était encore demain,
qui attend toujours. Elle ne promet d’ailleurs rien, sinon que demain, c’est
pour bientôt. Elle ne peut même pas annoncer que demain on rasera gratuit, sauf
pour ce qui est de raser des arbres, bien sûr. À « Demain n’attend
pas »(1),
Johanna Rolland adjoignait naguère « Inventons un autre futur ».
Elle a sans doute renoncé à l’invention et/ou au futur.
À la place, elle a opté pour : « La nature gagne du terrain ». C’est très bien, notez, mais il est étonnant qu’elle ait dû attendre l’avant dernière année de son second mandat pour découvrir son état de grâce écologique. Ce souci semble être devenu pour elle une obsession : sa priorité n’est pas Nantes et les Nantais mais la nature. Elle fait vœux de tout bois et bois de tout feu. On ratiboise tous les arbres du boulevard Léon-Bureau pour assurer la desserte du CHU voulu par Jean-Marc Ayrault ? Ah ! mais on va en faire du compost pour les jardins publics, du petit bois pour les chaufferies municipales, du bois d’œuvre pour fabriquer des objets utiles. Comme le cercueil des ambitions municipales, par exemple ?
Johanna Rolland dit avoir doublé ses objectifs de « renaturation ».
Ce qui est en même temps l’aveu d’une dénaturation antérieure – et qui donc a
géré Nantes ces trente-cinq derniers années ? Sont en cours, par exemple,
de « nouvelles plantations sur la promenade nantaise de la gare à la
Loire ». Le superbe pavement de granit posé voici une dizaine d’années
quai Flesselles et quai du Port-Maillard vient d’être défoncé ici et là au
profit de chiches plantations.
Mouchoir de poche
De la gare à la Loire, on parle d’une superficie d’environ 5
hectares, soit 50 000 mètres carrés. On va officiellement y retrouver 390
m² de pleine terre ! La nouvelle place du Commerce comporte à elle seule,
selon Nantes Métropole, 3 400 m² d’espaces végétalisés. La pleine terre
retrouvée en cassant le granit sera donc neuf fois moins vaste que les espaces
verts de la place du Commerce, qui déjà paraissent plutôt pauvrets.
Sur ces 390 m², on plantera, assure Nantes Métropole, 21
arbres, 1 600 vivaces et 1 700 bulbes de lys, glaïeuls et narcisses.
Au total, 3 321 plantations, contre officiellement « plus de
30 000 plantations » sur la place du Commerce. Les arbres
annoncés sont des copalmes de Formose et des virgiliers à bois jaune. Un arbre
chinois, un arbre américain, pas de jaloux. Mais si le copalme peut atteindre
20 à 30 mètres de haut, le virgilier ne dépasse pas 8 à 10 mètres à pleine
maturité : on est plus dans le registre de l’arbuste. Quant aux 1 700
bulbes, ils peuvent occuper, en fonction des plantes concernées (entre
cinquante à cent bulbes au m² pour les narcisses et neuf à douze pour les lys),
une centaine de mètres carrés.
C’est ridicule au regard du coût des travaux. Mais on dirait que, quoi qu’il en coûte, comme eût dit Emmanuel Macron, Johanna Rolland est prête à toutes les dépenses pour pouvoir dire qu’elle a planté.
Pourquoi une telle frénésie végétalisatrice ? Le
Landerneau politique parle beaucoup de conspirations ourdies par LFI et les
Écologistes dans les villes de province pour voler leur fauteuil aux maires
socialistes. À la tête d’une agglomération qui a élu deux députés LFI et une
écolo contre deux socialistes, Johanna Rolland, censément n° 2 d’un Parti
socialiste qu’elle a contribué à rétrécir en dirigeant la campagne
présidentielle d’Anne Hidalgo en 2022, est forcément dans ses petits souliers. Elle
pourrait bien tâcher de les remplacer par des gros sabots en bois de copalme ou
de virgilier.
Sven Jelure
(1)
« Demain n’attend pas » est une marque déposée en 2020 par Mme
Delphine Darmon dans les classes 38 (forums en ligne, émissions télévisées,
etc.) et 41 (éducation, divertissement, éditions, etc.).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire