28 mars 2025

Nantes manque d’interpellants notoires

À l’ordre du jour du conseil municipal de Nantes, ce 28 mars 2025, il aurait dû y avoir les « interpellations citoyennes ». Une noble initiative, annoncée par Johanna Rolland en 2020, censée permettre aux Nantais de causer à leurs édiles. Une usine à gaz, surtout, garantissant que les interpellations trop marginales ou indésirables seront écartées. La Maire choisit celles qui seront présentées au conseil municipal, et y répond. 

Le travail de dialogue citoyen n’a pas été bien lourd : une seule interpellation en 2024, zéro en 2025. Un seul sujet a ainsi été abordé : l’admission des chiens dans les transports en commun. En guise de réponse, Johanna Rolland a évoqué une future et éventuelle charte de l’animal en ville… 

Tout de même, 24 interpellations avaient été proposées en première saison, et 19 en deuxième saison. Aucune d’elles n’a reçu le nombre minimum de soutiens attendus des résidents nantais (300). Même celle des chiens n’a été admise qu’au rattrapage, avec 295 soutiens.

Pour quels communicants se prend-on ?

Nantes n’est pas seule dans son malheur. D’autres villes ont essayé la formule avec un résultat pas meilleur. Le site ad hoc de la Ville de Rennes fait état de 20 contributions, qui ont obtenu 6 votes. Celui de Rennes Métropole, de 7 contributions et 1 vote. Celui de la Ville de Bordeaux, de 3 interpellations et 56 signatures. Il y a encore pire : le droit d’interpellation instauré en 2022 par le département de Loire-Atlantique a suscité 0 (zéro) interpellation.

Les Nantais s’expriment. Sur les réseaux sociaux, sur Facebook notamment, dans les lieux publics, en famille, entre amis. Sur les murs, aussi, hélas… Johanna Rolland et ses confrères ont-ils vraiment cru que le site municipal serait le lieu d’expression auquel les citoyens pensent spontanément ? Ce serait un gros excès de vanité de leur part ! En tout cas, ils ont pu mesurer à quel point ils sont déconnectés des citoyens. Ils sont devenus quantité négligeable.

Et puis, certains Nantais se souviennent sûrement du temps où Jean-Marc Ayrault demandait aux militants socialistes de ficher les « opposants notoires ». Une interpellation un peu énergique ne serait-elle pas un excellent moyen de s’autodéclarer opposant ? D’autant plus que, comme l’interpellation est réservée aux résidents, l’interpellateur doit indiquer son adresse !

Voir article détaillé sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/interpellation/

L’interpellation citoyenne à la nantaise reste sans voix

20 mars 2025

Nantes, ville révoltée : note de lecture depuis un autre trottoir

Dans Nantes, ville révoltée, Contre Attaque entend « revisiter les révoltes nantaises d’hier et d’aujourd’hui [voire d’avant-hier, parfois] en parcourant une série de lieux emblématiques ». Dédié « aux rêveurs, rêveuses et aux révoltés d’hier et de demain, de Nantes et d’ailleurs », l’ouvrage ne prétend pas à l’objectivité : la rébellion, c’est bien, l’ordre non. De mai 68 aux Gilets jaunes en passant par Notre-Dame-des-Landes et Chantelle, tout est bon pourvu qu'il y ait manif'. La plume collective est tenue par une narratrice engagée, Claude, qui « dit avoir 90 ans » et conserve néanmoins une belle énergie.

Rêvés ou pas, ses souvenirs au présent narratif défilent à un rythme rapide. Elle ne se contente pas de recenser des révoltes. Le livre est organisé non par dates ou par thèmes mais par sites. Ce découpage fonctionne bien : l’âme des « lieux emblématiques » (« Cours des 50 émeutes », « place Royale, place au peuple », etc.), dont le décor est décrit brièvement, est aussi faite des événements qui s’y sont déroulés. Contre attaque propose d’ailleurs une carte de la ville révoltée dessinée par Le Chant du cygne.

Le style est enlevé et néanmoins soigné, le vocabulaire est choisi et la syntaxe irréprochable. On ne s’encombre pas des Nantaizeuzédénantais, du point médian, du langage épicène et autres tics de langages « militants ».

Ce livre est « générationnel ». La Forme d’une ville, de Julien Gracq, était au fond l’autoportrait d’un lycéen établi par le vieil écrivain qu’il était devenu. Nantes, ville révoltée évoque à bien des égards un autoportrait de la fraction soixante-huitarde des boomers et restera à ce titre un témoignage intéressant autant qu'un manifeste un peu nostalgique : avec le temps qui passe, les engagements deviennent engouements.

Consciente de n’avoir pas épuisé son sujet, Claude voit sûrement que le monde change mais n’ose pas trop envisager que les révoltes d’hier ne puissent plus être celles d’aujourd’hui quand il n’y a plus guère d’industrie lourde en ville, quand les capitalistes de l’immobilier et de la grande distribution cultivent leurs relations avec la gauche municipale, quand on saccage la nature pour bâtir des HLM plus que des aéroports, quand les bandits romantiques à la Courtois laissent place aux narcotrafiquants… Le livre s’achève sur « une ébauche de programme pour le jour où la Commune de Nantes serait de nouveau proclamée » qui semble inspirée du Gorafi (« des fontaines de Muscadet et des banquets dans la rue »…). C’est une queue de poisson, pas une ouverture sur l’avenir. La suite appartiendra à une nouvelle génération.

Contre attaque, Nantes, ville révoltée ‑ Une contre-visite de la Cité des Ducs, Éditions Divergences, 2024, ISBN 979-10-97088-70-5, 192 pages, 13 €.

Voir une critique plus complète sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/ville-revoltee/

Nantes, ville révoltée : la forme d’une ville avec un filtre rouge

14 mars 2025

Femmes au bord de la crise d’imaginaire

Pour installer une Cité des Imaginaires dans le bas-Chantenay, Nantes Métropole a choisi de conserver le bâtiment Cap 44. Motif : c’était l’une des premières applications du béton armé par l’ingénieur Hennebique. On sait à présent à quoi ressemblera la Cité : du verre en bas, du métal en haut. De béton, pas grand-chose, sauf quelques piliers et poutrelles conservés à l’intérieur du bâtiment. Ainsi va le « narratif » métropolitain…


Il ne s’arrête pas là : le même bâtiment hébergera la Cité des Imaginaires et le Musée Jules Verne. Ce double nom devrait conduire à un narratif bifidus, avec un risque de cannibalisation mutuelle ‑ plus de dépenses de communication pour moins d’efficacité commerciale. Or que contiendra le bâtiment ? Le Musée Jules Verne agrandi (1 150 m²), un espace d’exposition (850 m²), une médiathèque/ludothèque, un bar et un restaurant. À part la rime avec « Jardin extraordinaire », on voit mal à quoi sert l’appellation « Cité des Imaginaires ». 

Pour diriger l’ensemble, Johanna Rolland, après un faux départ avec Marie Masson, a néanmoins choisi une ancienne du Centre Pompidou-Metz, c’est-à-dire une professionnelle des expositions et non des musées littéraires. En 2023, les collectivités locales et autres mécènes du Centre Pompidou-Metz ont versé en moyenne 33,17 euros pour chacun de ses 301 449 visiteurs. Nantes Métropole espère que sa Cité des Imaginaires remplacera l’Arbre aux Hérons dont elle attendait un demi-million de visiteurs par an. Il serait démoralisant d’extrapoler, mais on aimerait voir la lettre de mission de la nouvelle directrice.

Voir article complet sur Nantes Plus

https://nantesplus.org/cite-des-imaginaires/

Avec un peu d’imagination, la Cité des Imaginaires s’appellerait… Musée Jules Verne

04 mars 2025

Le château des ducs de Bretagne cherche à ratisser trop large avec l’exposition Chevaliers

Le musée Stibbert de Florence a extrait de ses collections de quoi faire une belle exposition sur l’armement des chevaliers médiévaux – cuirasses, heaumes, épées, etc. Il l'a envoyée en tournée à travers le monde pour se faire connaître. Après les États-Unis et le Canada, elle est visible au château des ducs de Bretagne à Nantes jusqu’au 20 avril.

Le château a tenu à lui ajouter son grain de sel en l’élargissant à de « nouveaux thèmes, comme la chevalerie française et bretonne, la place des femmes dans cet univers masculin et le mythe du chevalier dans les arts, la littérature, le cinéma aux 19e et 20e siècles ». Bien entendu, il n’a pas d’objets aussi impressionnants que ceux du Stibbert à montrer pour illustrer ces « nouveaux thèmes » : hormis des enluminures et des affiches de cinéma, ses ajouts sont surtout des textes à vocation didactique.


D’une exposition homogène, il a ainsi fait une exposition disparate. À ratisser plus large, il ratisse moins droit. Il suffit de regarder les enfants : ils s’émerveillent devant les cuirasses et baillent devant les tartines de texte. Des explications qui auraient pu les intéresser dans d’autres circonstances les rebutent parce qu’elles dérangent l’admiration qu’ils portent aux objets, et peut-être l’imagination qu’ils leur inspirent.

On a ainsi introduit dans l’exposition Godefroi de Bouillon, Bertrand du Gesclin, Jeanne d’Arc et d’autres, fort bien. On a juste oublié le chevalier nantais Tirant le Blanc. Son nom a pourtant été donné à une petite place de Nantes, tout à côté du château des ducs, lors de la première édition des Allumées. C’est dire quelles traces celle-ci a laissé dans les mémoires…

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/chevaliers/

Chevaliers au château de Nantes : des armures venues d’Italie et un oubli bien local