20 mars 2025

Nantes, ville révoltée : note de lecture depuis un autre trottoir

Dans Nantes, ville révoltée, Contre Attaque entend « revisiter les révoltes nantaises d’hier et d’aujourd’hui [voire d’avant-hier, parfois] en parcourant une série de lieux emblématiques ». Dédié « aux rêveurs, rêveuses et aux révoltés d’hier et de demain, de Nantes et d’ailleurs », l’ouvrage ne prétend pas à l’objectivité : la rébellion, c’est bien, l’ordre non. De mai 68 aux Gilets jaunes en passant par Notre-Dame-des-Landes et Chantelle, tout est bon pourvu qu'il y ait manif'. La plume collective est tenue par une narratrice engagée, Claude, qui « dit avoir 90 ans » et conserve néanmoins une belle énergie.

Rêvés ou pas, ses souvenirs au présent narratif défilent à un rythme rapide. Elle ne se contente pas de recenser des révoltes. Le livre est organisé non par dates ou par thèmes mais par sites. Ce découpage fonctionne bien : l’âme des « lieux emblématiques » (« Cours des 50 émeutes », « place Royale, place au peuple », etc.), dont le décor est décrit brièvement, est aussi faite des événements qui s’y sont déroulés. Contre attaque propose d’ailleurs une carte de la ville révoltée dessinée par Le Chant du cygne.

Le style est enlevé et néanmoins soigné, le vocabulaire est choisi et la syntaxe irréprochable. On ne s’encombre pas des Nantaizeuzédénantais, du point médian, du langage épicène et autres tics de langages « militants ».

Ce livre est « générationnel ». La Forme d’une ville, de Julien Gracq, était au fond l’autoportrait d’un lycéen établi par le vieil écrivain qu’il était devenu. Nantes, ville révoltée évoque à bien des égards un autoportrait de la fraction soixante-huitarde des boomers et restera à ce titre un témoignage intéressant autant qu'un manifeste un peu nostalgique : avec le temps qui passe, les engagements deviennent engouements.

Consciente de n’avoir pas épuisé son sujet, Claude voit sûrement que le monde change mais n’ose pas trop envisager que les révoltes d’hier ne puissent plus être celles d’aujourd’hui quand il n’y a plus guère d’industrie lourde en ville, quand les capitalistes de l’immobilier et de la grande distribution cultivent leurs relations avec la gauche municipale, quand on saccage la nature pour bâtir des HLM plus que des aéroports, quand les bandits romantiques à la Courtois laissent place aux narcotrafiquants… Le livre s’achève sur « une ébauche de programme pour le jour où la Commune de Nantes serait de nouveau proclamée » qui semble inspirée du Gorafi (« des fontaines de Muscadet et des banquets dans la rue »…). C’est une queue de poisson, pas une ouverture sur l’avenir. La suite appartiendra à une nouvelle génération.

Contre attaque, Nantes, ville révoltée ‑ Une contre-visite de la Cité des Ducs, Éditions Divergences, 2024, ISBN 979-10-97088-70-5, 192 pages, 13 €.

Voir une critique plus complète sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/ville-revoltee/

Nantes, ville révoltée : la forme d’une ville avec un filtre rouge

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