21 novembre 2025

Tourisme à Nantes (5) : feue l’ambition touristique de Jean-Marc Ayrault

Juin 2004 : Jean-Marc Ayrault fait adopter par Nantes Métropole un projet destiné à créer de toutes pièces une destination touristique internationale : les Machines de l’île. François Delarozière et Pierre Orefice proposent sept ou huit attractions étonnantes. Huit ans plus tard, en 2012, deux d’entre elles seulement sont opérationnelles quand Jean-Marc Ayrault quitte Nantes pour l’hôtel Matignon : l’Éléphant et la Galerie. Le Carrousel est en voie d’achèvement. 

Avril 2014 : Johanna Rolland est élue présidente de Nantes Métropole. Les Machines de l’île comptent alors trois attractions. Fin 2025… toujours trois. Pendant presque douze ans, les Machines sont restées pratiquement en l’état. Après l’avoir confirmé en 2016, Johanna Rolland a abandonné le projet d’Arbre aux Hérons en 2022. Au moins dix millions d’euros ont été dépensés en pure perte. La vocation internationale de Nantes est en déshérence. 

Structurellement déficitaires, les Machines de l’île devraient disparaître. Mais l’écosystème touristico-congressiste de Nantes ne s’en remettrait sans doute pas. Il va donc falloir conserver les Machines et tout le reste, quitte à y engloutir chaque année plusieurs millions d’euros de subventions, sans perspectives d’amélioration à moyen terme. 

Et avec une épée de Damoclès au-dessus du système. Nantes a confié ses activités touristiques à la SPL Le Voyage à Nantes dans le cadre de délégations de service public (DSP). Légalement, elle ne peut les assortir de subventions que dans la mesure des sujétions de service public qu’elle impose à son délégataire. Dans les faits, elle adapte ses copieuses subventions aux déficits d’exploitation du Voyage à Nantes. 

Le contrat de DSP des Machines de l’île vient à échéance fin 2026. Si Nantes tente de le reconduire sans changement majeur, la logique voudrait que le préfet demande l’avis de la chambre régionale des comptes. Elle n’aura pas les moyens d’améliorer la situation, mais elle pourrait l’aggraver encore !

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/machines-de-lile-2/

L’ambition touristique de Jean-Marc Ayrault :
une voie sans issue pour Nantes

Précédents billets :

Tourisme à Nantes (1) : Le Voyage à Nantes 2025 a changé de patron mais a gardé ses compteurs (enfin, pas tous…)

Tourisme à Nantes (2) Le Voyage à Nantes ne fait pas mieux que vivoter depuis vingt ans

Tourisme à Nantes (3) : Les Machines de l’île en danger

Tourisme à Nantes (4) : les Machines de l’île implicitement condamnées

13 novembre 2025

Tourisme à Nantes (4) : les Machines de l’île implicitement condamnées

« Dire non à l'Arbre aux Hérons, ce serait dire non à la pérennité des Machines », avaient prévenu Pierre Orefice et François Delarozière dès 2013. « Ce serait stopper une belle aventure et condamner la dynamique des Machines dans les dix ans à venir. » Tout parc d’attraction doit évoluer régulièrement pour inciter le public à revenir. Même si elles n’étaient pas très spectaculaires – un « paresseux », des « colibris »… ‑ les nouveautés destinées in fine à l’Arbre aux Hérons permettaient aux Machines de stimuler leur fréquentation grâce à une communication ardemment relayée par la presse locale. De plus, le succès de la Galerie des Machines repose sur le talent de ses animateurs, qui ont besoin de perspectives pour maintenir leur motivation. Plus d’Arbre, plus de nouveautés. Voilà pourquoi les Machines de l’île sont en danger.

Johanna Rolland s’est donné le temps de réfléchir à la question. Le 7 juillet 2016, elle annonce la construction de l’Arbre aux Hérons puis lance une longue et coûteuse série d’études préalables. Il y en a au total pour 8,6 millions d’euros de dépenses préliminaires ‑ et même 9,2 millions en comptant la branche prototype construite dès 2007 devant les Nefs des Chantiers. Le 9 juillet 2021 enfin, entourée de Fabrice Roussel, Pierre Orefice, Yann Trichard et Ben Barbaud, patron du Hellfest, Johanna Rolland déclare : «  Le projet entre dans une phase décisive ». Mais au lieu de faire voter un feu vert formel par le conseil métropolitain, elle remet le sujet à plus tard, de séance en séance, pendant plus d’un an. Puis, soudain, le 15 septembre 2022, elle annonce l’abandon du projet pour des raisons économiques fort peu convaincantes.


L’Arbre aux Hérons est un projet mal fichu à plusieurs égards : il est raisonnable d’y renoncer et déraisonnable d’avoir tergiversé si longtemps. Mais il faut en assumer les conséquences. Johanna Rolland sait que, conformément à la prophétie de MM. Delarozière et Orefice, elle risque de tuer les Machines en abandonnant l’Arbre aux Hérons. Elle le sait si bien qu’elle avance un plan B. L’abandon de l’Arbre aux Hérons « ne marque pas la fin des Machines de l’île », assure expressément Nantes Métropole (c’est nous qui soulignons), « puisque Johanna Rolland et Fabrice Roussel ont confirmé aux mécènes que les fonds collectés par le fonds de dotation financeront la mise en exploitation du Grand Héron […] dès la saison touristique 2024/2025 ».

Un plan B peu convaincant

Autrement dit, cette mise en exploitation est le fil qui relie les Machines à la vie. C’est un plan B au rabais, mais il a le mérite d’exister. Il est confirmé début 2024 quand Fabrice Roussel, alors premier vice-président de Nantes Métropole, déclare : « Ce que nous voulons et nous nous y sommes engagés par rapport aux mécènes, c’est [mettre le Grand Héron] en exploitation comme le Grand Éléphant à partir de 2025 ». L’engagement initial pris « par rapport aux mécènes » est même la construction de l’Arbre aux Hérons tout entier, mais passons… Cette première promesse n’ayant pas été tenue, la seconde le sera-t-elle ? Elle figure encore à ce jour sur le site web de Nantes Métropole

Plusieurs mois passent encore avant qu’un bureau d’études soit chargé, en octobre 2024, pour un montant pouvant atteindre 220 000 euros HT, d’établir un diagnostic de la santé du Héron, puis de piloter son éventuelle réparation. Il semble que le diagnostic n’ait pas encore été livré. Même si ce n’est pas en 2025, la promesse de Nantes Métropole sera-t-elle tenue un jour ?

Il suffit de regarder la machine abandonnée à côté des Nefs pour en douter. En trois ans et demi de présence, utilisée une seule fois à l’automne 2022, elle semble devenue une épave. Elle a subi des intempéries, certes. Mais tel était son destin ‑ et à 40 mètres de hauteur ! ‑ si l’Arbre avait vu le jour. Et puis, on imagine mal sa proposition commerciale : qui aurait envie d’acheter un billet pour s’installer dans un de ses paniers d’osier afin de tourner en rond pendant quelques minutes à quatre ou cinq mètres du sol.

Le plan C oublié

Puisque la survie des Machines dépend de ce Héron, faut-il en conclure, corrélativement, que Nantes Métropole s’est résignée à la « fin des Machines de l’île » ? Le soupçon est d’autant plus légitime que, tout le monde semble l’avoir oublié, il a existé un plan C dont Johanna Rolland n’a pas voulu.

En novembre 2022, Yann Trichard, président de la Chambre de commerce et d’industrie, propose une solution privée pour réaliser l’Arbre aux Hérons malgré le renoncement de Nantes Métropole. Il va même jusqu’à évoquer un investissement rentable, et Nantes Métropole admettra que la « faisabilité économique du projet » est démontrée. Ce qui revient à reconnaître entre les lignes que Johanna Rolland s’est trompée en affirmant le contraire deux mois plus tôt !

Nantes Métropole annonce néanmoins, le 15 septembre 2023, que « Johanna Rolland confirme l’arrêt de l’Arbre aux hérons ». Elle justifie cette fois sa décision par des insécurités juridiques aussi peu convaincantes que les arguments économiques avancés un an plus tôt. À tout le moins, si vraiment la « faisabilité économique » est démontrée, Nantes Métropole devrait reprendre sa copie, qui ne comporte pas, elle, ces « insécurités juridiques ».

Et puis non, l’emplacement prévu dans le Jardin extraordinaire sert à autre chose, la page est définitivement tournée. Et l’on en revient à la prophétie de départ : « Dire non à l'Arbre aux Hérons, ce serait dire non à la pérennité des Machines »… (À suivre)

 

Précédents billets :

Tourisme à Nantes (1) : Le Voyage à Nantes 2025 a changé de patron mais a gardé ses compteurs (enfin, pas tous…)

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Tourisme à Nantes (3) : Les Machines de l’île en danger

 

02 novembre 2025

La mairie de Nantes mal tuyautée sur René Martin

« Éteindre l’incendie avant qu’il ne se propage et devienne hors de contrôle », ainsi Médiacités décrit-il les réactions officielles à ses révélations sur René Martin, créateur de La Folle Journée. La Ville de Nantes a annoncé qu’elle cessait toute collaboration avec l’intéressé et, pour faire bonne mesure, qu’elle le dénonçait à la justice. Elle n’avait pourtant aucune raison juridique de se couvrir la tête de cendres et René Martin est présumé innocent. Mais il faut croire qu’elle se sentait tout de même responsable quelque part.

Ça peut se comprendre. Johanna Rolland se veut en pointe dans la protection des femmes contre les comportements sexistes. Lors de sa campagne électorale de 2020, par exemple, elle a promis de faire le ménage parmi les bars et discothèques nantais en constituant un « réseau de la ville non sexiste ».

Si Johanna Rolland surveille les bars et discothèques, elle devrait tout autant se méfier des milieux musicaux. Les scandales sexuels y sont nombreux. Le sujet a même donné matière à un article de Wikipedia ! Des chefs d’orchestre en vue ont carrément été accusés de viol. Et des bruits couraient depuis longtemps à propos de René Martin. Rien de très sulfureux, mais assez pour troubler ses collaboratrices à coups de « regards appuyés » et de « main  sur l’épaule ».


Personne ne tiendra Johanna Rolland comptable des comportements des bars et discothèques. René Martin, en revanche, était un interlocuteur régulier de La Cité des congrès, qui appartient majoritairement à Nantes Métropole. Le nom de La Folle Journée est même une marque déposée en commun par Nantes et par René Martin.

Comment Johanna Rolland pouvait-elle tenir à l’œil ce dernier ? Simple : elle avait nommé à la direction générale de la SEM La Folle Journée une experte en défense de la cause féministe, Joëlle Kerivin, directrice de l’Espace Simone de Beauvoir. À chaque inauguration d’une Folle Journée, la maire de Nantes remerciait rituellement René Martin et Joëlle Kerivin dans la même phrase. Jusqu’au jour où il a fallu se séparer d’urgence de la seconde pour avoir puisé dans la caisse. Et en plus, elle n’a rien vu des agissements de René Martin en cinq ans de présence ?

Le risque était évidemment que l’affaire sorte juste avant les élections municipales de mars 2026. Heureusement, l’abcès a percé largement avant. On l’a échappée belle.

Illustration Gemini 2.5