21 juillet 2011

La Noue Bras d’Inox

Un « cube d’acier de couleur rouille » : ainsi Presse Océan présente-t-il L’Île rouge. Bien vu : en fin de compte, ce nouvel immeuble de l’île de Nantes construit par Forma 6 est un gros cube rouillé. C’est assez dans l’air d’une époque où les jeans se vendent plus cher déteints et troués qu’à l’état neuf. C’est spectaculaire et ça change des profilés d’alu, il y a sûrement une grande maîtrise technique par derrière (car le bâtiment est bien couvert d'oxyde de fer et non de peinture rougeatre), mais qu’a cherché à dire l’architecte ?

Pour le quartier de la création, on a voulu cultiver un look industriel. C’est déjà une drôle d’idée, qui flirte avec l’oxymore. Où a-t-on vu cependant que la rouille en fasse partie ? Sur un site industriel, la rouille, c’est l’ennemi. C’est un signe de décrépitude, d’abandon. La marque distinctive des friches industrielles. La honte du métallo. L’Île rouge est comme un bras d’honneur à la mémoire ouvrière du lieu.

Un bras d’honneur, aussi, à l’histoire de Bretagne puisque cet hymne à la rouille est situé… rue La Noue Bras de Fer.

10 commentaires:

  1. La rouille et l'herbe folle sont les symboles de l'époque.
    Une sorte de grunge urbain qui ravit tous ceux qui pensent que l'ile de Nantes est le centre du monde.

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  2. L'acier Corten présente une rouille auto-protectrice. La rouille est un élément prégnant sur les chantiers navals. Le choix de ce matériau est à rapprocher du modèle de Bilbao avec son Palais Euskalduna sur l'ancien site des chantiers navals à côté du Guggenheim.

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  3. Votre culture architecturale m'épate ! Je ne suis pas familier de Bilbao, cependant il me semble qu'il est difficile de comparer l'Ile rouge au Palais Euskalduna, un bâtiment autrement plus complexe (je dirais même tarabiscoté). Il me semble que la partie couverte de métal rouillé est destinée à évoquer un navire en construction, en rappel de l'histoire du lieu. Ce n'est pas le cas de l'Ile rouge, qui n'est d'ailleurs pas bâti sur le site des chantiers.

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  4. Vous avez raison sur les bâtiments. La SAMOA garde de son précédent directeur une vision allégorique de l'architecture. Les halles Alstom mitoyenne n'étaient-elles pas une composante industrielle de la navale?

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  5. Oui, bien sûr, il y avait plusieurs fournisseurs et sous-traitants des chantiers dans les environs. Mais une évocation de navire en construction, à mon avis, ne se justifierait pas ailleurs que sur le site des chantiers eux-mêmes, en vue de la Loire. Pure hypothèse de ma part, bien sûr, puisque l'Ile rouge n'a jamais eu vocation à représenter un bateau -- comme son nom l'indique.

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  6. Certes, mais vous conviendrez que ce parallélipipède rouillée peut évoquer tout à la fois un passé industriel et le parallélipipède cher à Stanley Kubrick qui symbolise l'accès à la connaissance, aux savoirs et à la création... tiens le quartier de la création, cela ne vous rappelle pas quelque chose.

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  7. oups, un "s" manquant à mitoyenne (commentaire du 22 jullet) et la suppression du féminin à "parallélipipède rouillé" (commentaire du 24), permettront de ne pas heurter vos lecteurs.
    Merci

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  8. Ah ! j'avoue que votre comparaison m'a ébranlé un instant. Mais l'admirateur de Kubrick que je suis aussi s'est vite ressaisi ! Il y a parallélépipède et parallélépipède. Celui de Kubrick se distingue de celui de Forma 6 au moins de cinq façons essentielles.
    1) Sa fonction : il ne sert que de vecteur de connaissance, sans fonction "profane" comme d'abriter des bureaux.
    2) Sa couleur : le noir pur tranche radicalement avec le paysage.
    3) Sa matière : c'est un monolithe, non une construction creuse.
    4) Ses proportions : 1x4x9 (carré de 1, 2 et 3).
    5) Son contexte : dans un univers formé de cercles (oeil, planètes, orbites et jusqu'au vaisseau spatial), il introduit une singularité radicale, alors que sur l'île de Nantes vous avez déjà le cube noir du palais de justice, le cube gris de la maison des avocats, et des angles droits partout, et tout ça ne fait quand même pas du Kubrick.

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  9. Tardivement, mais il ne faut pas chercher ce qu'à voulu dire l'architecte.

    Mettre en oeuvre de l'acier auto patinable, dont le Cor-ten, est (était?, car maintenant le cuivre couleur or est à la mode) le Graal de l'architecte (tout du moins de trouver le maître d'ouvrage capable d'en supporter le coût).

    Le précurseur dans ce domaine est Eero Saarinen pour le siège social de John Deere en 1957, qu'il n'a pas vu terminé car il est décédé en 1961 alors que le bâtiment a été achevé en 1964.

    Le Cor-ten a déjà été utilisé localement plus modestement à la Roche Ballue à Bouguenais en 2001 et pour l'extension de 2014.
    http://www.caue-observatoire.fr/ouvrage/pole-daccueil-et-danimation-de-la-roche-ballue/

    Le bâtiment du FRAC de Carquefou par Jean-Claude Pondevie en 2000 avait été prévu initialement revêtu entièrement de Cor-ten, mais en plus du surcout astronomique de l'ensemble, les détails tels que les volets s'avéraient cauchemardesques à réaliser. Des panneaux de bois composites ont été substitués.

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  10. Merci pour ces savantes précisions ; j'ignorais que ce type de matériau était si ancien. Bien entendu, ma question sur l'intention de l'architecte était surtout rhétorique. Probablement a-t-il surtout voulu avoir sa place dans les revues d'architecture ! Et aujourd'hui, la rouille de l'Ile rouge prend un aspect presque flatteur à côté des plexiglas de la nouvelle école des Beaux-arts.

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