Ce changement de nom est la première réalisation de Jean Blaise en tant que grand sachem du tourisme local. Voilà du lourd ! Et du bien choisi pour attirer le pérégrin. Le Voyage à Nantes, ça fait forcément culturel.
Cela rappelle Le Voyage à Paimpol, de Dorothée Letessier, escapade manquée d’une Briochine frustrée qui déclare : « Je ne sais plus quoi faire. Je m’ennuie. Je m’emmerde ». Ou Le Voyage à Deauville, court métrage glauque de Jacques Duron, où l’un des garçons voudrait bien mais l’autre préfère les filles, quoique, si le premier y met le prix… Ou encore Le Voyage à Bordeaux, de Yoko Tawada, que Les Inrockuptibles résumait ainsi* : « Il se passe à peine quelques heures entre le point de départ du Voyage à Bordeaux, avec l’arrivée de Yuna dans cette ville, et la fin, où elle se fait voler son dictionnaire allemand-français à la piscine. Entre-temps, que se sera-t-il passé ? Quasi rien. »
On n’ose penser que Jean Blaise ait plutôt eu en tête Le Voyage à Lilliput, de Jonathan Swift, que Gulliver aurait mieux fait d’éviter – mais n’allons pas déclencher une querelle entre Gros-blaisiens et Petits-blaisiens. Le Voyage à Biarritz serait plus indiqué puisque l’auteur de la pièce, Jean Sarment, est né à Nantes. Hélas ! ce voyage là n’est qu’une chimère dans la tête de Guillaume Dodut, chef de gare à Puget-sur-Var (il est dodut le chef de gare, ah ! ah ! ah !). Pas moins chimérique est Le Voyage à Reims, opéra de Rossini dont les protagonistes ne verront pas la Champagne, coincés qu’ils sont à l’Hôtel du Lys d’or de Plombières-les-Bains.
Mais le pire serait encore que Jean Blaise ait songé au Voyage à Cythère,
un pays fameux dans les chansons,dont Baudelaire a révélé la désolante vérité : « une île triste et noire », « un terrain des plus maigres, Un désert rocailleux troublé par des cris aigres ». Et où les faux-semblants ne manquent pas :
Eldorado banal de tous les vieux garçons,
J'entrevoyais pourtant un objet singulier !Ce n'était pas un temple aux ombres bocagères,Où la jeune prêtresse, amoureuse des fleurs,Allait, le corps brûlé de secrètes chaleurs,Entre-bâillant sa robe aux brises passagères ;
Mais voilà qu'en rasant la côte d'assez près
Pour troubler les oiseaux avec nos voiles blanches,Nous vîmes que c'était un gibet à trois branches,Du ciel se détachant en noir, comme un cyprès.
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* Raphaëlle Leyris, Les Inrockuptibles n°728, 11 novembre 2009
Ah ! la jeune greffière, amoureuse des fleurs, entrebaillant sa robe(c'est mieux que le vieux procureur entrebaillant sa robe)
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