Le cheminement le long de la Loire au droit des défunts chantiers est l’une des rares réussites de l’île de Nantes. La passerelle métallique sous le pont Anne de Bretagne permet un contact presque charnel avec le fleuve. Les marées et les crues s’y ressentent, au point d’interdire parfois le passage. Les submersions s’y lisent aux laisses déposées ça et là. Et la marche au ras des flots jusqu’à l’ancienne cale des chantiers, face au quai de la Fosse, invite le promeneur à imaginer la vie qui a pu animer la Loire jadis. Il serait dommage que cette allée soit coupée de l’eau par l’installation à demeure de la barge flottante projetée par l’architecte Olivier Flahault. Pourtant, c’est bien vers quoi l’on se dirige : en approuvant le projet, le maire de Nantes a affirmé – sans autre justification – que c’était « le meilleur emplacement possible ». Ayrault, Flahault, même combault !
L’intérêt soudain du maire de Nantes pour ce nouveau projet privé laisse rêveur. L’aménagement de l’île de Nantes a en principe été mûrement réfléchi depuis vingt ans, et voilà qu’une fois de plus on va voir un lapin imprévu sortir du chapeau, après le Hangar à bananes, en attendant le nouveau CHU…
Les opposants ne désarment pas. « Nous n’en voulons pas ici, sur un espace symbolique, lieu de mémoire de l’histoire ouvrière et industrielle de Nantes », proclament-ils. On se réjouit de voir des gens clairement venus de la gauche s’éprendre d’histoire et de mémoire, d’ex tenants du matérialisme se passionner pour un symbole. Demain, sans doute, ils verront dans la barge Flahault une insulte aux prisonniers vendéens noyés par le républicain Carrier dans ces parages… On s’étonne en revanche qu’ils aient attendu ce projet, qui conserve quand même un rapport avec la construction navale, pour s’indigner. Le Grand Éléphant, instrument de loisirs futiles, caprice gratuit d’une municipalité qui voulait une danseuse, n’occupe-t-il pas avec au moins autant d’impudence le même espace symbolique, lieu de mémoire ouvrière… ?
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