29 janvier 2018

Deux L’homme libre, c’est un de trop

La dernière couverture de TV Magazine a dû faire tousser du côté de la rue Clemenceau. Le magazine de programmes télévisés titre en effet cette semaine : « Jean-Luc Reichmann – L’homme libre ».

La première grande exposition du musée d’arts rénové est intitulée, on s’en souvient, « Nicolas Régnier – L’homme libre ». L’article défini est impitoyable : deux l’homme libre, c’est un de trop. Or la force de frappe de TV Magazine, distribué comme supplément de nombreux journaux dont Ouest France et Presse Océan, est bien supérieure à celle d’un musée de province.

L’exposition elle-même n’est pas en cause : visible jusqu’au 11 mars, elle est très belle, « sublime », même, écrit Connaissance des Arts – tout en dézinguant globalement le musée dans un éditorial intitulé : « Nantes rate son musée d’arts ». Le problème, ce ne sont pas les œuvres, ce n’est pas le peintre, ce n’est pas l’accrochage, c’est le titre choisi par le musée.

Pour une exposition de prestige dans un musée aux grandes ambitions, il aurait fallu un titre remarquable, n’importe quel communicant vous dira ça. Or le thème de « l’homme libre » est à peu près illisible.

Nicolo Reyniero, den Vrijman 

Déjà, sa légitimité est contestable. Pourquoi appliquer ce qualificatif à Nicolas Régnier, peintre du début du 17ème siècle ? Parce que, jeune rapin à Rome, il fréquentait une confrérie d’artistes où chacun choisissait un pseudonyme. Le seul témoignage certain de cette époque de sa vie, un portrait de groupe anonyme, ne le désigne pas comme « Nicolas Régnier, l’homme libre », ce serait trop simple, mais comme « Nicolo Reyniero, den Vrijman » : il avait italianisé son nom et exprimé son pseudonyme dans la langue de son pays d’origine, la Flandre.

C’était en 1620. Nicolas Régnier n’avait pas 30 ans. Il avait devant lui quarante-sept années de travail, dont plus de quarante à Venise où, peintre reconnu et installé, il a tourné la page de sa tapageuse confrérie romaine. On n’est plus un homme si libre quand on vend des portraits de saints à des cardinaux et des scènes de genre à de riches marchands.

Mais le plus ennuyeux reste la banalité absolue d'un qualificatif comme "l'homme libre". De l’Antiquité athénienne aux souvenirs de Jean-Jacques Bourdin en passant par L’Éthique de Spinoza, Le Culte du moi de Maurice Barrès et les chants populaires allemands, les hommes libres abondent dans la littérature, la philosophie, la théologie, la politique.

Sans aller jusqu’à « Nicole Araignée ? Quel drôle de nom pour un peintre ! » suggéré ici, réminiscence de Jacques Prévert  (« le pape est mort, un nouveau pape est appelé à régner. Araignée ? quel drôle de nom, pourquoi pas libellule ou papillon ?») qui aurait rappelé les prétentions surréalistes de Nantes, le musée d’arts aurait sûrement pu trouver mieux. Le conseil en communication recruté sur le tard fin septembre n’a pas fait de miracle.

11 commentaires:

  1. Libre... Ce qualificatif, au regard de sa biographie, n'a rien d'évident, en effet. Le vernissage, lui, l'aura été encore moins - libre. Sécurité oblige, le public était aligné en une file d'attente, renseigné par de jeunes hôtesses, fouillé ensuite par des vigiles (non armés, qui auraient été sans réelle utilité en cas d'attaque terroriste). Aucun jeu dans la répartition des rôles : les hôtesses étaient toutes jeunes et jolies, européennes dans mon souvenir, tandis que les vigiles étaient tous africains et balèzes (genre gros blacks)... Bonjour les stéréotypes ! Le public est resté bloqué dans le hall d'entrée, sans pouvoir aller voir l'exposition avant la fin des interminables discours, tandis que, jauge oblige, une bonne centaine d'amateurs étaient bloqués dehors, pendant une bonne heure. Personne ne pouvaient entrer ni sortir (même pour une clope). Lorsque les discours ont, enfin, pris fin, on a libéré le premier stock du public dans les salles, tandis que le stock extérieur était admis à l'intérieur du musée. Impossible cependant pour ces derniers de visiter l'exposition, parce qu'une deuxième file d'attente avait été établie avant les salles proprement dites, et que la jauge était atteinte à nouveau. Ils se sont vengés en se jetant sur le buffet, qui venait d'ouvrir ! Lorsqu'il n'y eu plus rien à engloutir, les salles d'exposition commençaient à fermer, tandis que le premier fourgon du public n'avait plus rien à se mettre dans le gosier. Rien de bien grave, mais pas le plus petit espace de liberté ! En laissant librement circuler le public, ce qui est généralement le cas, celui-ci se serait naturellement répartit dans l'ensemble du musée, sans saturation d'un espace, ni attente fastidieuse, et chacun aurait pu voir, boire et manger, et même, pourquoi pas, s'ennuyer pendant la série des discours... Mais ça aurait été trop simple, trop libre aussi, sans doute. Et puis, grâce au nouveau style de vernissage, on a eu l'impression que le public, pas plus nombreux qu'avant, malgré l'abondante communication, l'avait été beaucoup plus... Pensez-donc, on a refusé du monde !

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  2. Pour un socialiste, un musée sans check point, sans file d'attente, sans règle de circulation, c'est l'anarchie et de la populace en liberté... Inconcevable !

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  3. Article lapidaire du 25 janvier 2018


    https://www.connaissancedesarts.com/archi-jardin-et-patrimoine/edito-nantes-rate-son-musee-darts-1186606/

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  4. Cricri le critique30 janvier 2018 à 12:31

    Effectivement ce qu'on retient c'est beaucoup de bruit pour rien d'extraordinaire, si ce n'est un budget quelque peu obèse.
    Vu les annonces et les sommes mises en jeu on pouvait s'attendre à la Tate Galery ou au musée Gouguenheim, à une 8ème merveille du monde. Sonnez clairons résonnez trompettes célébrons l'avènement de Nantes Ville Internationale; surtout Nantes championne d'auto-distribution de médailles: Nantes ville verte, ville du vélo, ville où tout le monde veut vivre, Nantes start-up, j'en passe et des meilleures.
    J'ajoute que la sécurité intensive, la jauge impitoyable comme le jugement de Dieu pour rentrer dans le saint des saints, les règles de visite draconiennes comme la discipline inflexible d'un élevage industriel laissaient à penser qu'on était là à un moment clé du 21ème siècle, on était étonnés de ne pas voir le gratin de la politique internationale et pourquoi pas le pape
    Las quelle déception! Nantes n'est toujours pas l'épicentre de la culture mondiale.

    Mais je m'égare tant le sujet est source d'inspiration pour un esprit clairement critique. C'est d'ailleurs le point le plus intéressant de la chose: ça nous permet de polémiquer en bonne compagnie sur le site de la méforme et de préparer des arguments massues pour les béotiens qui sont trop paresseux ou trop bêtes pour décortiquer ce genre d'événement.

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  5. une exposition d'une soixantaine de portraits de Titien : Empereur ou pape, grands princes italiens, intellectuels et « belles dames exposés au musée du Luxembourg... sous le titre "Titien, Le pouvoir en face" voilà cet pas compliqué pourtant !!!!

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  6. J'y reviensà propos du vernissage (et autres vernissages et inaugurations):
    A ce propos il me semble que ceux qu'on appelle "nos" élus ont l'impression de faire des cadeaux à leurs sujets. Ceux-ci, docilement, ont l'impression que leurs élus sont d'une grande générosité.
    Mais d'où viennent les fonds? des citoyens via leur impôts. Qui réalise les projets, qui y travaille ? les citoyens encore.
    "Caesar fecit pontem" reste d'actualité.
    Je demande donc qu'en conclusion de ce gemre d'événement, comme dans neaucoup de manifestations, les citoyens soient remerciés à la fin du set. Pour les paresseux voici une phrase type:
    "nous, élus, remercions nos concitoyens, sans qui nous ne serions pas là, d'avoir pu faire réaliser et d'avoir réalisé pour nous ce musée (dans le cas présent)".

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  7. Tout à fait d'accord avec vous, anonyme ; nos "hôtes" politiques oublient bien trop souvent qu'ils sont nos représentants, et que nous ne sommes pas leurs sujets. Ils ne se privent pas de répéter, par ailleurs : "vous êtes ici chez vous..." tout en se comportant comme si le pouvoir (et ses nombreuses dépendances) leur revenaient de droit. Les socialistes à Nantes sont exemplaires, en la matière (ubuesques même !), mais c'est toujours le cas quand un parti politique, des hommes ou des femmes, occupent la place trop longtemps : incrustation vaut titre de noblesse, semble-t-il. Qu'est-ce qu'un Nantais cependant ? Une personne qui habite Nantes, bien sûr, mais quelqu'un qui habite Nantes depuis 15 jours n'est pas Nantais de la même manière que quelqu'un qui habite Nantes depuis 45 ans... Il n'a pas contribué de la même façon ; et puis, on devient nantais à la longue, on connaît l'histoire de la ville, les noms des rues, on y a des souvenirs... Si la notion de nationalité est problématique (charnelle, administrative...) que dire de l'identité locale ! Il arrive que l'on parle globalement "des Nantais", en leur prêtant une identité, des traits spécifiques, mais les grandes villes voient aujourd'hui leur population constamment évoluer, se gonfler ; les métropoles tendent à devenir des gros complexes hôteliers. Les grandes villes appartiennent aujourd'hui, de fait, à ceux qui y investissent : aux investisseurs.

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  8. Pour le dire autrement : l'éléphant des Machines n'est pas plus nantais que le clown de Mc-Do est Rezéen, Marseillais, ou de Maubeuge... C'est un facteur d'ambiance, un argument publicitaire. Quant au Musée, il tend lui aussi à devenir un vulgaire produit d'appel, un gros butin que l'on exhibe pour que le touriste Bac+2 fasse halte, quelques jours au mieux, dans "nos" hôtels.

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  9. David contre Goliath, ou bien, le petit commerce contre la grande distribution... Voilà qui pourrait résumer le micro-western médiatique local, opposant l'artiste Régis Perray et Gaëtan Chataigner. Le premier reproche au second de l'avoir plagié, dans trois clips promotionnels pour le Voyage à Nantes. Il en va de sa propriété intellectuel, de son identité d'artiste, etc. Depuis 20 ans environ, Régis Perray astique, nettoie, brique toutes sorte de lieux culturels, et cela constitue l'essentiel de son oeuvre. Des images sont tirées de ses performances, et celles-ci pourraient bien avoir servi de modèles à Gaëtan Chataigner. Considérant ce que la presse en diffuse, cela n'est pas impossible... Mais voilà, Regis Perray omet un détail : c'est que toute l'oeuvre par laquelle il s'est fait connaître (un tout petit peu) n'est autre qu'une suite de variations qui s'inspirent d'une performance de Joseph Beuys, durant laquelle l'artiste allemand nettoie, au balaie, les abords d'une manifestation, place Karl Marx à Berlin. C'est même l'une des oeuvres iconique de Beuys...
    Si j'étais Gaëtan Chataigné, voilà quelle serait ma défense : "Régis Perray et moi avons un point commun : tous les deux, nous plagions Joseph Beuys. Mais nous avons également un point qui nous sépare : Régis Perray, plagiant l'allemand depuis plus de 20 ans, a fini par se convaincre que c'est lui l'original, que c'est lui qui ouvre la série... Ce que je ne prétends pas, bien sûr. J'ai tourné quelques clips promotionnels pour le Voyage à Nantes, qui seront massivement diffusés, certes, mais qui ne feront pas de moi la réincarnation de Jean-Luc Godard : je reste un aimable faiseur..." Bien sûr, si le duel oppose Régis Perray au Voyage à Nantes, on serait tenté de prendre le parti du petit, la manifestation vampirisant, effectivement, une bonne partie des ressources locales, de la surface médiatique culturelle nantaise, etc. C'est un peu comme si Monsieur Edouard Leclerc piquait à l'épicier du coin sa petite trouvaille de vitrine... Mais voilà, quand on prétend, comme Régis Perray, être un Artiste, un vrai, on ne se comporte pas comme un petit commerçant mesquin, défendant sa triste recette, répétée pendant 20 longues années (20 ans de fromage de tête, ça fait long, j'vous dit !) - dont l'originalité est du reste plus que douteuse. Il y a beaucoup trop d'hommes libres, en même temps (attention, plagiat de Macron), il n'y en a pas beaucoup qui le soient vraiment !

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  10. Vous commettez une erreur de taille : les lecteurs "assidus" de TV magazine ne vont pas au musée de beaux arts et inversement. Donc le jeu de mots, s'il peut être habile, n'est que celui d'un entre-soi. Bon, pour l'instant, le contenu de ce musée (très beau en lui-même) est vraiment pauvre.

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  11. Les lecteurs de TV Magazine ne vont pas au musée ? Alors tout est perdu, car tout le monde lit TV Magazine ! J'exagère à peine : TV Magazine est de loin le premier magazine de télévision car il est distribué chaque semaine avec un bon nombre de quotidiens, y compris Ouest France et Presse Océan. Or je suppose que, heureusement, une partie des lecteurs de journaux vont au musée ! En tout état de cause, cette couverture du magazine n'était qu'une coïncidence. Le vrai sujet n'était pas là, il est que le musée a choisi pour sa première opération de prestige un titre complètement banalisé qui ne pouvait que passer inaperçu. Et je trouve ça regrettable, car même si le contenu de l'exposition n'est pas très riche, elle est très agréablement présentée, avec des cartels au-dessus de la moyenne.

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