Nantes, nous répète-t-on, a eu été une belle endormie. Fort heureusement, un prince charmant l’a réveillée. « À partir de 1989, une majorité de gauche et de progrès réveilla Nantes, la belle endormie », lit-on ainsi sur le site web de Nantes Métropole*. Le Voyage à Nantes, on l’a vu avant-hier, a suivi. Ce conte de fées, que même certaines grandes personnes gobent, n’est pas original.
Il est même très classique de présenter sa ville comme une belle endormie quand on est dans l’opposition municipale et comme une belle réveillée une fois qu’on a conquis la mairie. Vingt minutes de recherche sur le web suffisent pour répertorier des belles endormies par dizaines.
En tête vient sans conteste Bordeaux, et non Nantes. Dès 1969, Jean Claude Guillebaud et Pierre Veilletet utilisaient l’expression dans Chaban-Delmas ou l'Art d'être heureux en politique (Bernard Grasset). Elle a été sans cesse reprise depuis lors, y compris pour évoquer un réveil depuis l’élection d’Alain Juppé à la mairie.
À quelque distance suivent avec une belle régularité Aix-en-Provence, Metz, Reims, Arras (« surnommée depuis plusieurs siècles 'La Belle Endormie’ », assure le site web du département du Pas-de-Calais), Rouen et Nantes, qui n’est donc pas trop loin de la tête de course.
Derrière, on trouve plus épisodiquement Aire-sur-la-Lys, Alençon, Angers, Angoulème, Arcachon, Auxerre, Avranches, Baccarat, Bar-le-Duc, Beaucaire, Bergerac, Bergues, Besançon, Béthune, Béziers, Bois Guillaume, Boulogne-Billancourt, Brest, Brouage, Caen, Chalon-sur-Saône, Chartres, Châteaulin, Chaville, Chennevières, Clermont-Ferrand, Clisson, Colmar, Compiègne, Crépy, Croix, Dignes-les-Bains, Dijon, Dole, Escalles, Fontainebleau, Grasse, Gray, Hesdin, Lamorlaye, Landerneau, La Rochelle, Lembeye, Le Touquet, Lille, Luisant, Lyon, Mandelieu-La Napoule, Marseille, Martigues, Menton, Mont-de-Marsan, Montauban, Montélimar, Montpellier, Morlaix, Moulins, Nancy, Neuilly-sur-Seine, Nice, Nîmes, Obernai, Offwiller, Orthez, Pau, Perpignan, Port-Vendres, Pougues-les-Eaux, Quimper, Riom, Romagnat, Roubaix, Royan, Saint-Amand-les-Eaux, Saint-Lizier, Sallanches, Sarlat, Saumur, Senlis, Sierck-les-Bains, Strasbourg, Toulouse, Tourcoing, Tours, Troyes, Uzès, Vannes, Verneuil-sur-Seine, Villecresnes, Vitré, Viviers, Wissembourg et même Paris. Et bien d’autres encore, certainement.
Encore ne s’agit-il là que des villes françaises : il faudrait y ajouter Alger, Bratislava, Yamoussoukro, Venise, Rome, Joffreville, Sofia, Saint-Louis du Sénégal, Luang Prabang, Berlin, Tanger, Dellys, Le Caire, Tabarka, Milan, Portofinno, Azemmour, Bergen, Alcantara, Bruges, Florence, Rabat, Istanbul, Trinidad, Tournai, Savannah, Genève, Meknès, Ratisbonne, Belém, Crans Montana, etc.
Qualifier une ville de « belle endormie » relève donc soit du nombrilisme, si l’on ignore les autres, soit du cliché absolu, dans le cas contraire. Nantes Métropole et Le Voyage à Nantes sont dans quel cas ?
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* Cette description est faite par le groupe socialiste, radical, républicain et démocrate, majoritaire au conseil communautaire, non par la communauté urbaine ès qualités.
Remarquable.
RépondreSupprimerJe dirais même plus, mon cher Lunj Reeves...
RépondreSupprimeril fallait l'écrire, bravo. Si seulement on pouvait espérer que les personnes concernées qui liront ce libelle en tirent les conséquences.
RépondreSupprimerRelire Philippe Muray (à propos de Paris plage, par exemple) et l'article de Philippe Forest (Nantes, la ville qui n'existe pas) publié dans Libé avant que l'auteur ne soit adoubé par les pouvoirs locaux, pour effacer l'offense.
Quant à JC Guillebaud et P.Veilletet, il faut savoir que leur manuscrit a été caviardé en son temps par les sbires de J.Chaban-Delmas. Merci de leur rendre un hommage bien mérité. A noter que Sud-Ouest avait su leur a ouvrir ses portes malgré leur grande "lucidité" sur le premier magistrat de l'époque.
Votre connaissance du sujet m'épate...
RépondreSupprimer"une majorité de gauche et de progrès" : pourquoi préciser "de progrès" les temps ont changé ?
RépondreSupprimerPeut-être qu'ils ne sont pas encore vraiment réveillés, eux ?
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