27 juin 2015

L’impact économique de Royal de luxe : un calcul à la louche (géante, la louche)

On croyait que la déambulation des géants de Royal de Luxe, du 6 au 8 juin 2014, avait pour objectif de réjouir le public et de faire parler de Nantes. La ville de Nantes a néanmoins voulu en mesurer l’impact économique et social. Bizarrement, elle n’a communiqué sur le résultat que cette semaine, plus d’un an après l’événement. A-t-il fallu tant de palabres pour aboutir à ces quelques chiffres ? Ou bien a-t-on choisi une période où les gens avaient d’autres chats à fouetter, pour éviter des questions gênantes ? De fait, le communiqué de la ville n’a guère été repris par la presse.

En voici les chiffres clés :
  • le spectacle a été vu par 125.550 familles, dont 32 % résidant hors de la métropole
  • les dépenses totales des spectateurs s’élèvent à près de 8,3 millions d’euros
  • sur ces 8,3 millions d’euros, plus de 3 millions n’auraient pas été dépensés à Nantes sans le spectacle
  • la dépense moyenne est de 124 euros par famille.
À cette dernière précision, on voit que quelque chose ne colle pas puisque, à raison de 124 euros par famille, il aurait suffi de 66.935 familles et demie pour atteindre les 8,3 millions d’euros allégués. Et à propos, comment peut-on déterminer que le spectacle a été vu par 125.550 familles exactement ? C’est simple : en l’absence de billetterie, on ne peut pas. Le chiffre a beau être précis, il est bidon.

Royal de Luxe aurait donc rapporté en définitive les 3 millions qui sans lui n’auraient pas été dépensés à Nantes. Trois millions, c’est à peu près ce que Royal de Luxe a coûté à Nantes en 2013-2014. Il faut y ajouter les frais liés au spectacle (sécurité, signalisation, gestion de la circulation, dépose de câbles électriques, communication, etc.). Au bas mot 1 million d’euros. Plus les pertes de chiffre d’affaires subies ces jours-là par les activités devenues impraticables, des transports publics aux déménagements. Inévitablement, sur le strict plan économique, le spectacle de Royal de Luxe a été très négatif pour la ville. Or celle-ci n’en dit rien. Apparemment, on n’a pas tenté de calculer les dépenses et manques à gagner occasionnés par le spectacle, alors que c’est le B-A BA des études d’impact.

Mesurer l’impact d’un événement touristique est une entreprise extrêmement compliquée. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir les prescriptions méthodologiques établies par la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS). Quoique plus pragmatique, une étude australienne confirme la difficulté de la chose. Ici, la ville n’a pas effectué l’étude elle-même : elle l’a confiée à une microentreprise rennaise, GECE.

Celle-ci dit s’être référée aux méthodes de la DGCIS. Elle avait déjà étudié le public de festivals payants comme Les Vieilles charrues, mais un événement ouvert et gratuit est autrement plus délicat à appréhender – a fortiori s’il est étalé sur plusieurs jours et attire un demi-million de spectateurs (selon les organisateurs). Quelle qu’ait pu être la bonne volonté de GECE, le résultat n’est pas crédible. Le Voyage à Nantes, qui sait ce qu’est un bilan trafiqué, se sent désormais un peu moins seul.

13 commentaires:

  1. L'étude précise-t-elle le nombre de familles recomposées parmi les 125.550 ? Et les célibataires, combien étaient-ils ? Plusieurs célibataires peuvent-ils être considéré comme équivalent une famille ? Faut-il qu'il y ait eu pénétration pour cela ?
    Ces chiffres, plus ou moins plausibles, sont à l'évidence arbitraires. Lorsque Jarry calculait la surface de Dieu, il faisait preuve de plus d'ambitions - pataphysiques.

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  2. "Au bas mot 1 million d’euros. " Sven, vous qui êtes si précis, rigoureux et expert en calcul de pertes financières, peut-on savoir (nous, les trois lecteurs de ce blog révolutionnaire) comment vous arrivez à mesurer "au bas mot" cette somme ?

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  3. L'impact sur les "déménagements", foutre dieu !, je n'y avais pas pensé. J'espère que les gens qui n'ont pas pu déménager ce jour-là, pas pu louer un camion de déménagement, voire embaucher des professionnels du déménagement, ont pu déménager ailleurs un autre jour et ne sont pas resté trop longtemps pris en otage par ces intermitteux dans leur ancien logement !

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  4. "Au bas mot" : si les spécialistes payés pour ça n'ont pas cherché à effectuer le calcul, ne me demandez pas de le faire (ou alors, je vous adresserai la facture). La ville de Nantes s'est dispensée d'indiquer ce que le spectacle lui a coûté. Mon estimation repose sur les indications fournies par Perth et Liverpool, qui sont plus transparentes que Nantes et qui ont accueilli des spectacles imposant les mêmes contraintes. Dans les deux cas, les coûts étaient largement supérieurs à 1 million d'euros. La configuration de la ville et, surtout, les lourdeurs administratives supérieures, ont presque certainement rendu le spectacle nantais beaucoup plus coûteux.

    Déménagements : ce n'est qu'un exemple des innombrables coûts induits par la manifestation. Ce n'est pas moi qui le dis, je vous renvoie aux explications de M. Bureau, régisseur général de la ville, dans Nantes Passion de juin 2014 : "Il faut parfois déposer du mobilier urbain, faire dévier le parcours en cas de problème technique ou de plantations neuves, calculer l’emprise des grues qui soutiennent les Géants pour voir si ça peut passer partout… (...) les points à régler sont nombreux : neutraliser les zones de stationnement, faire différer les demandes de déménagement, mettre tous les professionnels dans la boucle, pour gérer les livraisons (en particulier des médicaments), ainsi que la circulation des ambulances et véhicules de secours, prévoir des barrières le long du parcours, gérer les coupures électriques du tramway,déposer les Bicloos, qui peuvent être dangereux dans une foule compacte…" etc. Cela représente de nombreuses journées de travail pour de nombreux fonctionnaires municipaux. Rien de cela n'a été chiffré dans le prétendu "bilan" du spectacle, et pourtant, tout a été payé par les Nantais.

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  5. "ont presque certainement rendu le spectacle nantais beaucoup plus coûteux." Ouah : ONT PRESQUE CERTAINEMENT". ça en dit long, effectivement !

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  6. "Presque certainement" parce qu'il y peut y avoir des inconnues. Par exemple, si les fonctionnaires municipaux ont donné gratuitement à la ville le temps qu'ils ont consacré au spectacle. Vous êtes prêt à parier ?

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  7. @anonyme ce type de tentative de décrédibilisation n'apporte rien, hormis de vous identifier du côté des acteurs qui génèrent ce type de spectacle "totalement gratuit" comme l'indique le dossier de presse.

    Les données approximatives de Sven ne relèvent pas de calculs mal intentionnés, il tente de combler l'opacité des comptes publics sur le sujet. Qui parle de transparence et se targue d'opérations "d'open data"?

    Si vous avez accès aux chiffres merci de nous les communiquer, vos remarques sont à tout le moins dérisoires.

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  8. Comparaisons Arbre aux hérons VS Pont à Transbordeur

    Le plus honnêtement du monde ,essayons d'imaginer un "arbre aux hérons en fonctionnement" - Combien de personnes peuvent-elle, en même temps, visiter cet arbre ?. Le dessin représente, à tout casser, une quinzaine de personnes auxquelles il faudrait en ajouter autant qui seraient dans le corps des deux hérons... Doublons la dose et nous arrivons à 60... a tout casser 100. Si l'on peut approcher la prévision de plus près , dites le moi ?

    Supposons maintenant que le temps moyen de présence dans l'arbre soit d'une demi-heure ( il faut tout de même gravir les marches d'un immeuble de 10 étages) et la fréquentation moyenne de 50 - cela fait du 100 personnes /heure pendant, disons 8 heures = 800 - S'il fonctionne 200 jours par ans 800x200 = 160 000 visiteurs - Nous sommes assez loin des 400 000 estimés; non ? Ou alors mes estimations sont fausses ?

    Le Transbordeur (passerelle haute = 60m), autant que je sache, a une capacité de recevoir - en même temps - un millier de personnes. - le même calcul simple (50% de remplissage pendant 8 heures sur 200 jours.) nous donne 500x8x200= 800 000 visiteurs. sans compter les clients du restaurant, etc... Et on dispose de 4 ascenseurs

    Y a-t-il photo ?

    Que ceux qui ont des idées plus nettes sur l'AaH se joignent à moi...

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  9. A propos de l'Arbre aux hérons, j'ai tenté une vague approche au mois de mai dans une série d'articles intitulée "Les prévisionnels fantastiques de l'Arbre aux hérons" (voir en particulier le n° 4, http://lameformeduneville.blogspot.fr/2015/05/les-previsionnels-fantastiques-de.html, y compris les commentaires d'un lecteur peut-être mieux informé qu'il ne veut bien le dire...).
    Votre calcul n'est pas moins théorique que le mien ! Les Machines affirment que l'Arbre pourrait recevoir simultanément 400 personnes. En reprenant les données de votre calcul, on dépasserait le million de visiteurs, à condition que la fréquentation soit maximale toute l'année... Mais je crois que le goulot d'étranglement réel est la capacité des hérons, l'attraction majeure de l'Arbre, et non la capacité totale de celui-ci.
    Pierre Orefice expliquait voici quelques jours avoir lancé une étude de faisabilité de l'Arbre aux hérons. Chose extraordinaire : les créateurs des Machines ont demandé à Nantes Métropole pendant des années d'investir 35 millions d'euros sur un projet dont la faisabilité n'était même pas avérée.

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  10. Voici les conclusion d'une étude plus poussée sur les deux projets, basées sur la synthèse d'une vingtaine de critères
    Conclusions :

    Voici deux objets magnifiques, originaux et attachants. L’Arbre aux Hérons révèle une puissance esthétique, romantique, ludique indéniable qui devrait certainement séduire le public des familles au même titre que le font l’éléphant ou les manèges des mondes marins. Son parcours un peu difficile, le goulot d’étranglement du vol des hérons, le nombre des attractions offertes dans l’arbre, y imposent un séjour assez long, mais riche. Le site aura donc a un accès plutôt limité en nombre ( max 200), mais il n’en reste pas moins charmant..

    La Rue Aérienne du Pont à Transbordeur a un objet différent : moins ludique, plus scénique, agrémenté de services marchands (restaurant, centre d’affaires, hôtel), architectural, il est assorti d’une surface ouverte importante qui pourrait être affectée à des évènements, expositions, etc allant jusqu’à mille personnes . Sa présence même, cohérente avec les activités fluviales, maritimes, nautiques, à reconstruire, de la Cité, avec son rêve vernien, avec son ambition industrielle aussi, pourrait s’imposer comme la signature majeure de notre ville.

    Au plan strictement commercial et financier, la rentabilité théorique à terme de ces deux projet varie de 1 à 4 en ne tenant compte uniquement que d’un droit d’entrée supposé égal pour les deux. Si l’aune du choix est l’argent, il n’y a pas à hésiter.

    On peut contester les chiffres du potentiel de visiteurs, notamment pour la Rue Aérienne, car leur masse n’a atteint que 600 000 en 2014, avec un rang encore modeste parmi les villes touristiques ; cependant, il suffirait que se poursuive pendant quelques années la croissance forte que nous connaissons (soit 10% l’an en moyenne) pour que les seuils nécessaires soient atteints avant 2020. L’équivalence avec Bordeaux (7e grande ville française pour le tourisme : 2.7 M) pourrait être un objectif à terme.

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  11. "cependant, il suffirait que se poursuive pendant quelques années la croissance forte que nous connaissons (soit 10% l’an en moyenne) pour que les seuils nécessaires soient atteints avant 2020. L’équivalence avec Bordeaux (7e grande ville française pour le tourisme : 2.7 M) pourrait être un objectif à terme."
    Cocaïne ?

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  12. Bonjour,

    Où se trouve le lien du dossier de presse de la ville de Nantes sur l'impact du spectacle de Royal de Luxe ?

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  13. Le communiqué n'est pas en libre accès. Vous trouverez un compte rendu de l'étude chez le prestataire de la ville : http://www.gece.fr/reference/55-etude-d-impact-des-geants-a-nantes.html

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