06 septembre 2017

Le VAN 2017 fidèle à la tradition des bilans invraisemblables

Pourquoi tant de hâte ? Quatre jours seulement après la fin de son opération estivale, Le Voyage à Nantes en a tiré un bilan, avec dossier de presse de seize pages à l’appui. Était-il donc écrit d’avance ? En partie, oui. Il s’ouvre sur la même formule grotesque que le bilan 2016, on a juste changé le millésime :

« Toute l’année le Voyage à Nantes travaille pour le développement du tourisme à Nantes et si l’événement estival reste la partie la plus visible de son action, cette édition 2017 marque, après 6 ans d’activités, combien l’art dans l’espace public bouscule la forme de la ville jusqu’à inventer de nouveaux usages pour ses habitants et visiteurs extérieurs. »

Le Voyage à Nantes radote-t-il ? Disons charitablement qu’il pratique le copier/coller. Et comme c’est courant sur internet, cela peut expliquer sa précipitation : le premier qui parle voit ses propos reproduits un peu partout, donc classés haut par les moteurs de recherche, donc considérés comme vérité d’évangile…

Le Voyage à Nantes annonce 2.389.943 « visites » entre le 1er juillet et le 27 août. Pour obtenir ce score, il additionne simplement les passages sur deux douzaines de sites. Il aurait pu l’augmenter ou le diminuer à volonté : il suffisait de moduler le nombre de compteurs posés ici et là. Or les compteurs comptent bêtement. Le retraité nantais qui fait chaque jour sa petite promenade au jardin des Plantes compte pour 58 visites à lui tout seul. S’il pousse jusqu'au buffet de la gare pour prendre un café, il sera à nouveau compté au retour : 116 visites. J’évalue ma contribution personnelle à une cinquantaine de visites comptabilisées sur une dizaine de sites.

Des visiteurs peu intéressés par le VAN

Les seuls résultats incontestables sont ceux des billetteries. Elles ne sont que huit. Là, on plafonne à 102.500 à la Galerie des Machines – et ce n’est encore pas un nombre de « visiteurs » puisque une partie des billets sont achetés par des Nantais. Le Planétarium ne dépasse pas 2.800 entrées tout rond.
De cette macédoine de chiffres, Jean Blaise tire néanmoins un bilan aussi global qu’inexpliqué : Nantes aurait reçu cet été 800.000 visiteurs, soit un quart de plus que l’an dernier. Des visiteurs pas très intéressés, dirait-on : L’Atelier, le cours Cambronne ou le Temple du goût, par exemple, ont reçu respectivement 16.249, 39.097 et 29.507 visites. Ces sites dûment répertoriés par le plan officiel de la ligne verte n’auraient donc été admirés que par respectivement 2 %, 5 % et 4 % des visiteurs censés être venus pour les voir…

Globalement, 800.000 visiteurs pour 2.389.943 visites revendiquées, ce n’est même pas trois visites par visiteur en moyenne, sans même avoir déduit les 116 visites du retraité. Si l’on exclut le château et le jardin des plantes, qui représentent 40 % du total, c’est moins de deux visites par personne ! À quoi bon avoir répertorié 57 étapes ?

Soit les visiteurs extérieurs sont en réalité bien moins nombreux que ne le prétend Jean Blaise, soit ils ne sont pas venus pour Le Voyage à Nantes. Bien entendu, ces deux hypothèses ne sont pas exclusives l’une de l’autre ! À l’évidence, beaucoup de visiteurs viennent pour le château des ducs de Bretagne, ou pour le musée d’arts, ou pour les Machines de l’île, ou pour La Loire à vélo, ou pour visiter la famille, ou pour préparer la rentrée en fac’ du petit, et pas du tout pour contempler un drapeau noir agité par une machine au théâtre Graslin ou un bidet pas fini posé dans le cours Cambronne.

Qu’importe, Le Voyage à Nantes se les approprie quand même. Et en tire des extrapolations économiques hasardeuses sur lesquelles on reviendra. 

9 commentaires:

  1. Cartel de la ville renversée par l'art contemporain : "Ceci n'est pas un bilan"

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  2. "L’ORIGINE DES VISITEURS DE LA DESTINATION (HORS 44)
    (source : billetterie des Machines de l’île)
    N.B : Nous avons choisi de baser l’étude sur l’origine des visiteurs sur la billetterie des Machines de l’ile, premier site nantais en terme de billetterie et donc de qualification des publics."

    Ah bon? Donc quand on prend un billet il y a un questionnaire pour connaitre la provenance de l'acheteur?

    235 616 localisations à faire en même temps que donner le billet et rendre la monnaie ça doit bien mobiliser le personnel.


    TÉLÉRAMA – 20 juillet
    «[…] L'édition 2017 ne donne pas dans la facilité. Pour attirer le touriste, bien d’autres villes miseraient plutôt sur un parc d’attraction ou sur un bon petit festival de musique. Mais il faut reconnaitre à Jean Blaise une vraie exigence. L’exigence de troubler, de déconcerter, d’égarer."

    L'argumentation est calquée sur celle des prosélytes de "l'art contemporain" pour justifier tout et n'importe quoi. Coïncidence?

    Parce que pour ce qui est du parc d'attraction, le toboggan ou les Machines ça se positionne comment? Des œuvres? Mouarf!

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  3. Machines – Galerie (billetterie) 102 500 + Machines – Carrousel (billetterie) 96 242 +
    Machines- Voyage Grand Éléphant (billetterie) 32 775 = 231 517 visiteurs

    mais
    L’ORIGINE DES VISITEURS DE LA DESTINATION (HORS 44)
    (source : billetterie des Machines de l’île)

    donne lui 235 616 visiteurs, qui situe l'augmentation plutôt dans les 6% que les 8%.

    Encore un mystère des statistiques du VAN.

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  4. En effet cet article Télérama, non consulté auparavant, est collector; du 2nd degré, oui non, difficile par moment à savoir !? Quoiqu'il en soit, on s'est bien marré. Des pics de pensées jeanblaisiènes déjà cultes, "L’espace public est devenu un peu plus vivant et un peu moins technique".

    AM

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  5. Le bilan touristique des Pays de Loire aurait de quoi tempérer l'optimisme débordant des chiffres du VAN.

    "Mais, à partir du 20 juillet, patatras. La météo capricieuse a freiné les réservations de dernière minute et entraîné des annulations. En plein cœur de la saison, le littoral a le plus souffert de cette situation, les campings enregistrant même des résultats « très décevants ». Les villes, en revanche, Nantes et Angers en tête, ont bien tiré leur épingle du jeu."

    Et ce serait donc le VAA (Voyage à Angers) qui tire les chiffres de fréquentation de cette ville vers le haut, plus que les conditions météorologiques?

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  6. Tout à fait ! Déjà l'an dernier le bilan du tourisme départemental avait de quoi agacer le VAN. J'imaginerais volontiers que ça contribue à expliquer la précipitation avec laquelle le VAN a publié son bilan.

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  7. Entendu cours Cambronne devant l'une des cuvettes de WC présentée comme "une œuvre" :
    - Maman, on peut faire pipi dedans ?"

    Rigolade plus ou moins étouffée alentour...

    Le jeune enfant n'a pas parlé de "caca", il ne connait pas encore Cambronne !!

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  8. L'effet Blaise cartonne aussi en millions au Havre, dixit AFP :

    "Deux millions de personnes ont participé aux festivités organisées pour célébrer l'anniversaire des 500 ans du Havre (Seine-Maritime), a annoncé la mairie lundi au cours d'une conférence de presse.

    C'est un doublement de la fréquentation observée sur la même période de l'année 2016. C'est donc le signe d'une réussite absolue", s'est félicité Luc Lemonnier, maire LR de la cité océane.

    La déambulation des géants de la compagnie Royal de Luxe ainsi que la rassemblement de grands voiliers ont été les deux temps forts des festivités, organisées du 27 mai au 8 octobre,avec respectivement 600.000 et 400.000 visiteurs.

    Plus d'un visiteur sur deux était domicilié dans le territoire de la communauté d'agglomération du Havre tandis que 34% du public arrivait depuis l'extérieur du département.

    Les retombées économiques sont évaluées à 80 millions d'euros au total après un investissement de 20 millions d'euros. Outre l'impact économique, le maire du Havre a estimé que l'événement avait "réussi à changer l'image de la ville".

    Luc Lemonnier a d'ailleurs annoncé vouloir "poursuivre cette aventure de façon récurrente" afin "d'entretenir cette spirale positive". Le Nantais Jean Blaise, directeur artistique de l'événement, est d'ores et déjà reconduit dans ses fonctions pour l'édition 2018."

    Ne pourrait-on envisager un "mercato" où le directeur artistique serait cédé à une autre ville moyennant quelques millions pour renflouer les pertes et tracas enregistrés ces dernières trente années à Nantes?

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  9. Le "savoir-faire" apporté par Jean Blaise au Havre porte aussi sur la confection des bilans !
    Reste à voir si les Havrais seront aussi crédules que les Nantais devant ces chiffres sortis d'un chapeau ! A première vue oui puisque la municipalité du Havre ne tente même pas de fournir des sources dans le texte plus complet affiché sur son site (https://www.lehavre.fr/actualites/deux-millions-de-personnes-ont-celebre-un-ete-au-havre-2017). Il faut la croire sur parole !
    Je ne vais pas essayer de reconstituer les chiffres réels, mais des arrondis aussi grossiers que "600.000" et "400.000" visiteurs dénotent bien la mauvaise qualité du comptage. Sur le site de la ville, il est même dit que "presque toute la population" de la communauté d'agglomération était présente pour voir le scaphandrier de Royal de Luxe : d'un seul coup d'un seul, on engrange déjà la moitié des 600.000 spectateurs allégués ! Au passage, la photo choisie par Le Havre pour illustrer l'énormité des foules montre au grand maximum 5 à 6.000 personnes.
    Quant aux retombées économiques, le bilan de 80 millions d'euros est asséné sans autre forme de procès. Je soupçonne qu'il est calculé simplement en multipliant 2 millions de personnes par 40 euros de dépenses (combien dépense un visiteur ? Bah, 40 euros, à vu de nez), même si les 2 millions peuvent être bien être 200.000 personnes comptées chacune 10 fois, dont les 3/4 de Havrais (les 80 millions auraient alors été dépensés par 50.000 personnes, soit 1.600 euros par tête de pipe, nourrissons compris, ce qui "prouve" que Le Havre attire des touristes très haut de gamme !).
    A la décharge de la municipalité du Havre, il faut reconnaître que notre société est si habituée aux chiffres gonflés ("selon les organisateurs") que les "vrais" chiffres paraîtraient sans doute décevants.

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