28 mars 2025

Nantes manque d’interpellants notoires

À l’ordre du jour du conseil municipal de Nantes, ce 28 mars 2025, il aurait dû y avoir les « interpellations citoyennes ». Une noble initiative, annoncée par Johanna Rolland en 2020, censée permettre aux Nantais de causer à leurs édiles. Une usine à gaz, surtout, garantissant que les interpellations trop marginales ou indésirables seront écartées. La Maire choisit celles qui seront présentées au conseil municipal, et y répond. 

Le travail de dialogue citoyen n’a pas été bien lourd : une seule interpellation en 2024, zéro en 2025. Un seul sujet a ainsi été abordé : l’admission des chiens dans les transports en commun. En guise de réponse, Johanna Rolland a évoqué une future et éventuelle charte de l’animal en ville… 

Tout de même, 24 interpellations avaient été proposées en première saison, et 19 en deuxième saison. Aucune d’elles n’a reçu le nombre minimum de soutiens attendus des résidents nantais (300). Même celle des chiens n’a été admise qu’au rattrapage, avec 295 soutiens.

Pour quels communicants se prend-on ?

Nantes n’est pas seule dans son malheur. D’autres villes ont essayé la formule avec un résultat pas meilleur. Le site ad hoc de la Ville de Rennes fait état de 20 contributions, qui ont obtenu 6 votes. Celui de Rennes Métropole, de 7 contributions et 1 vote. Celui de la Ville de Bordeaux, de 3 interpellations et 56 signatures. Il y a encore pire : le droit d’interpellation instauré en 2022 par le département de Loire-Atlantique a suscité 0 (zéro) interpellation.

Les Nantais s’expriment. Sur les réseaux sociaux, sur Facebook notamment, dans les lieux publics, en famille, entre amis. Sur les murs, aussi, hélas… Johanna Rolland et ses confrères ont-ils vraiment cru que le site municipal serait le lieu d’expression auquel les citoyens pensent spontanément ? Ce serait un gros excès de vanité de leur part ! En tout cas, ils ont pu mesurer à quel point ils sont déconnectés des citoyens. Ils sont devenus quantité négligeable.

Et puis, certains Nantais se souviennent sûrement du temps où Jean-Marc Ayrault demandait aux militants socialistes de ficher les « opposants notoires ». Une interpellation un peu énergique ne serait-elle pas un excellent moyen de s’autodéclarer opposant ? D’autant plus que, comme l’interpellation est réservée aux résidents, l’interpellateur doit indiquer son adresse !

Voir article détaillé sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/interpellation/

L’interpellation citoyenne à la nantaise reste sans voix

20 mars 2025

Nantes, ville révoltée : note de lecture depuis un autre trottoir

Dans Nantes, ville révoltée, Contre Attaque entend « revisiter les révoltes nantaises d’hier et d’aujourd’hui [voire d’avant-hier, parfois] en parcourant une série de lieux emblématiques ». Dédié « aux rêveurs, rêveuses et aux révoltés d’hier et de demain, de Nantes et d’ailleurs », l’ouvrage ne prétend pas à l’objectivité : la rébellion, c’est bien, l’ordre non. De mai 68 aux Gilets jaunes en passant par Notre-Dame-des-Landes et Chantelle, tout est bon pourvu qu'il y ait manif'. La plume collective est tenue par une narratrice engagée, Claude, qui « dit avoir 90 ans » et conserve néanmoins une belle énergie.

Rêvés ou pas, ses souvenirs au présent narratif défilent à un rythme rapide. Elle ne se contente pas de recenser des révoltes. Le livre est organisé non par dates ou par thèmes mais par sites. Ce découpage fonctionne bien : l’âme des « lieux emblématiques » (« Cours des 50 émeutes », « place Royale, place au peuple », etc.), dont le décor est décrit brièvement, est aussi faite des événements qui s’y sont déroulés. Contre attaque propose d’ailleurs une carte de la ville révoltée dessinée par Le Chant du cygne.

Le style est enlevé et néanmoins soigné, le vocabulaire est choisi et la syntaxe irréprochable. On ne s’encombre pas des Nantaizeuzédénantais, du point médian, du langage épicène et autres tics de langages « militants ».

Ce livre est « générationnel ». La Forme d’une ville, de Julien Gracq, était au fond l’autoportrait d’un lycéen établi par le vieil écrivain qu’il était devenu. Nantes, ville révoltée évoque à bien des égards un autoportrait de la fraction soixante-huitarde des boomers et restera à ce titre un témoignage intéressant autant qu'un manifeste un peu nostalgique : avec le temps qui passe, les engagements deviennent engouements.

Consciente de n’avoir pas épuisé son sujet, Claude voit sûrement que le monde change mais n’ose pas trop envisager que les révoltes d’hier ne puissent plus être celles d’aujourd’hui quand il n’y a plus guère d’industrie lourde en ville, quand les capitalistes de l’immobilier et de la grande distribution cultivent leurs relations avec la gauche municipale, quand on saccage la nature pour bâtir des HLM plus que des aéroports, quand les bandits romantiques à la Courtois laissent place aux narcotrafiquants… Le livre s’achève sur « une ébauche de programme pour le jour où la Commune de Nantes serait de nouveau proclamée » qui semble inspirée du Gorafi (« des fontaines de Muscadet et des banquets dans la rue »…). C’est une queue de poisson, pas une ouverture sur l’avenir. La suite appartiendra à une nouvelle génération.

Contre attaque, Nantes, ville révoltée ‑ Une contre-visite de la Cité des Ducs, Éditions Divergences, 2024, ISBN 979-10-97088-70-5, 192 pages, 13 €.

Voir une critique plus complète sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/ville-revoltee/

Nantes, ville révoltée : la forme d’une ville avec un filtre rouge

14 mars 2025

Femmes au bord de la crise d’imaginaire

Pour installer une Cité des Imaginaires dans le bas-Chantenay, Nantes Métropole a choisi de conserver le bâtiment Cap 44. Motif : c’était l’une des premières applications du béton armé par l’ingénieur Hennebique. On sait à présent à quoi ressemblera la Cité : du verre en bas, du métal en haut. De béton, pas grand-chose, sauf quelques piliers et poutrelles conservés à l’intérieur du bâtiment. Ainsi va le « narratif » métropolitain…


Il ne s’arrête pas là : le même bâtiment hébergera la Cité des Imaginaires et le Musée Jules Verne. Ce double nom devrait conduire à un narratif bifidus, avec un risque de cannibalisation mutuelle ‑ plus de dépenses de communication pour moins d’efficacité commerciale. Or que contiendra le bâtiment ? Le Musée Jules Verne agrandi (1 150 m²), un espace d’exposition (850 m²), une médiathèque/ludothèque, un bar et un restaurant. À part la rime avec « Jardin extraordinaire », on voit mal à quoi sert l’appellation « Cité des Imaginaires ». 

Pour diriger l’ensemble, Johanna Rolland, après un faux départ avec Marie Masson, a néanmoins choisi une ancienne du Centre Pompidou-Metz, c’est-à-dire une professionnelle des expositions et non des musées littéraires. En 2023, les collectivités locales et autres mécènes du Centre Pompidou-Metz ont versé en moyenne 33,17 euros pour chacun de ses 301 449 visiteurs. Nantes Métropole espère que sa Cité des Imaginaires remplacera l’Arbre aux Hérons dont elle attendait un demi-million de visiteurs par an. Il serait démoralisant d’extrapoler, mais on aimerait voir la lettre de mission de la nouvelle directrice.

Voir article complet sur Nantes Plus

https://nantesplus.org/cite-des-imaginaires/

Avec un peu d’imagination, la Cité des Imaginaires s’appellerait… Musée Jules Verne

04 mars 2025

Le château des ducs de Bretagne cherche à ratisser trop large avec l’exposition Chevaliers

Le musée Stibbert de Florence a extrait de ses collections de quoi faire une belle exposition sur l’armement des chevaliers médiévaux – cuirasses, heaumes, épées, etc. Il l'a envoyée en tournée à travers le monde pour se faire connaître. Après les États-Unis et le Canada, elle est visible au château des ducs de Bretagne à Nantes jusqu’au 20 avril.

Le château a tenu à lui ajouter son grain de sel en l’élargissant à de « nouveaux thèmes, comme la chevalerie française et bretonne, la place des femmes dans cet univers masculin et le mythe du chevalier dans les arts, la littérature, le cinéma aux 19e et 20e siècles ». Bien entendu, il n’a pas d’objets aussi impressionnants que ceux du Stibbert à montrer pour illustrer ces « nouveaux thèmes » : hormis des enluminures et des affiches de cinéma, ses ajouts sont surtout des textes à vocation didactique.


D’une exposition homogène, il a ainsi fait une exposition disparate. À ratisser plus large, il ratisse moins droit. Il suffit de regarder les enfants : ils s’émerveillent devant les cuirasses et baillent devant les tartines de texte. Des explications qui auraient pu les intéresser dans d’autres circonstances les rebutent parce qu’elles dérangent l’admiration qu’ils portent aux objets, et peut-être l’imagination qu’ils leur inspirent.

On a ainsi introduit dans l’exposition Godefroi de Bouillon, Bertrand du Gesclin, Jeanne d’Arc et d’autres, fort bien. On a juste oublié le chevalier nantais Tirant le Blanc. Son nom a pourtant été donné à une petite place de Nantes, tout à côté du château des ducs, lors de la première édition des Allumées. C’est dire quelles traces celle-ci a laissé dans les mémoires…

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/chevaliers/

Chevaliers au château de Nantes : des armures venues d’Italie et un oubli bien local

21 février 2025

Dans la famille panneaux d’obligation, je veux le B22-a

Le réaménagement du pont Saint-Mihiel et du quai de Versailles a donné à Nantes Métropole l’occasion d’un exercice de signalisation remarquablement complexe. 

Dans le sens ouest-est, le pont forme une zone piétonne signalée par un panneau carré montrant deux piétons sur fond blanc. Dans le sens est-ouest, un grand écriteau sur fond jaune reproduit ce même panneau de zone piétonne, entouré par les mentions « Aire piétonne » et « Piétons prioritaires », les logos de Nantes et Nantes Métropole, le slogan « Ma rue, mon quartier, ma ville », les logos de Facebook, X, YouTube et Instagram, l’URL « metropole.nantes.fr », quatre pictogramme représentant respectivement un cycliste, une camionnette, un scooter et une trottinette montée, l’injonction « Roulez à l’allure du pas » et une référence aux « Articles R110-2 et R431-9 du code de la route ». 

Pied à terre, s’il vous plaît, pour analyser cette masse d’informations et consulter le code de la route. 


Sur le quai de Versailles, côté pont Morand, deux légos béton barrent le passage au niveau du monument aux 50 otages tout en indiquant, à l’aide de pas moins de cinq panneaux, comment y circuler néanmoins. Sur le premier, un disque bleu avec un pictogramme de vélo signale une piste cyclable obligatoire, interdite aux piétons. Son voisin, un panneau B21-2 selon la nomenclature officielle (flèche blanche vers la gauche sur disque bleu), impose cependant aux véhicules de tourner  à gauche vers la rue Paul-Bellamy au lieu d’emprunter la piste obligatoire. Un autre B21-2 apposé sur le petit côté du légo béton impose en revanche aux véhicules venant de la rue Paul-Bellamy… de tourner à gauche sur le quai de Versailles ! Ils rencontrent alors le second légo béton, qui signale, lui, une zone piétonne. 
Enfin, un panneau rectangulaire ocre placé en hauteur indique que « sur le quai de Versailles, la priorité est donnée aux piétons ». 

Moralité : chacun fait comme il lui plaît. Seuls les légos béton font loi -- et encore, j’ai vu des piétons sauter par-dessus.

 Voir l’article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/circuler/

Circuler à Nantes : non, vous n’hallucinez pas

Une œuvre du Voyage à Nantes derrière les barreaux

Parmi tous les achats d’œuvres contestables de Jean Blaise, The Humans, d’Olaf Breuning, se distingue. Cette série de six sculptures, conçue aux États-Unis et produite de manière semi-industrielle en Chine, était restée invendue pendant une quinzaine d'années avant d’être achetée par Le Voyage à Nantes en 2023.

Sûrement par hasard, son auteur, Suisse de naissance, bénéficiait du soutien actif d’un compatriote, Marc Olivier Wahler, qui se trouvait être un proche de Jean Blaise. Tout est bien qui finit bien ? 

Que non ! The Humans était destiné à devenir une œuvre « pérenne » du Voyage à Nantes, exposée en permanence quelque part dans la ville. Jean Blaise n’avait sans doute pas remarqué qu’une des six sculptures, en forme de croix, est intitulée Religion et représente « un "croisé" du Moyen-âge ». Autrement dit, la loi de 1905 lui interdit les emplacements publics, sauf dans le cadre d’expositions.

Après un an et demi de réflexion, Le Voyage à Nantes a trouvé un emplacement où The Humans les statues sont visibles sur un espace pas tout à fait public : la cour de la présidence de l’Université de Nantes, séparée de la rue par une grille. Dont il va sans doute falloir condamner la porte pour bien respecter la loi…

Voir l’article complet sur NantesPlus :

https://nantesplus.org/les-six-humans-de-breuning-incarceres-a-luniversite-de-nantes/

Les six Humans de Breuning incarcérés à l’université de Nantes

30 janvier 2025

Nantes en marche vers la ville post-sexiste

Nantes Métropole recherche en ce moment un prestataire chargé de rédiger ses « rapports annuels d’activité égalité ». « Ses » rapports, car la loi, c’est ballot, lui en impose deux  : un « rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes » (loi du 4 août 2014, article 61) et un « rapport relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » (loi du 12 mars 2012, article 51).

Les données chiffrées sont normalement disponibles dans les comptes des grandes collectivités. Néanmoins, la rédaction des rapports réclame un certain talent : il faut savoir raconter des histoires.


Pas de gaffe, hein ! La loi de 2014 porte sur l’égalité « réelle » entre les femmes et les hommes. Mais le réel nantais de la ville « non sexiste », selon la promesse faite par Johanna Rolland en 2014, pose un petit problème. La moitié des dirigeants mentionnés sur l’organigramme officiel en 2015 étaient des femmes. Aujourd’hui, les femmes trustent à peu près 60 % de l’organigramme actuel.

Globalement, 67,8 % des 4 116 agents municipaux de la ville de Nantes en 2023, étaient femmes : plus des deux tiers ! La proportion atteint même 74,5 %, près des trois quarts, pour les postes de catégorie A, les plus élevés. 

Parti comme c’est, il serait sans doute plus facile de se débarrasser des hommes résiduels que de chercher à rétablir une égalité artificielle…

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/johanna-rolland-3/

Johanna Rolland aurait besoin d’hommes incompétents

24 janvier 2025

Paquebots 1913-1942 au musée d’arts : Sophie Lévy embarque en première classe

    À un an près, l’exposition du musée d’arts de Nantes Paquebots 1913-1942 – Une esthétique transatlantique aurait pris un caractère tout différent. Si la date de début avait été fixée à 1912 au lieu de 1913, son « esthétique transatlantique » était pliée puisque le naufrage du Titanic a inspiré une foultitude d’œuvres : romans, films, poésies, comédie musicale, BD, peintures, pièces d’orfèvrerie et d’horlogerie, sculptures et même un spectacle de Royal de Luxe, La Géante du Titanic et le scaphandrier (2009).

Résolument glorieuse et optimiste, l’exposition ignore jusqu’au naufrage du RMS Lancastria, qui date pourtant du 17 juin 1940. Une tragédie bien de chez nous, dans l’estuaire de la Loire, avec un bilan humain autrement plus lourd que celui du Titanic. L’« esthétique transatlantique » des habitants du pays de Retz a été irrémédiablement marquée par les cadavres retrouvés sur leurs plages pendant des semaines.


De minces prétextes sont allégués pour justifier l’insoucieuse fourchette 1913-1942. Ça se gâte quand même un peu vers la fin : comme le Normandie est très présent dans les salles du musée, à différents titres (photos, dessins de René-Yves Creston, objets du quotidien…), il était difficile de dissimuler son triste sort de 1942, à une époque ou d’ailleurs il n’était plus un paquebot et ne s’appelait plus Normandie.

Le Voyage à Nantes ne s’arrêtera pas au premier iceberg

Accusera-t-on les commissaires de l’exposition, Sophie Lévy et Géraldine Lefebvre, directrice du Musée d’art moderne André Malraux (MuMA) du Havre, d’avoir travesti la vérité ? Disons plutôt qu’elles ne l’ont regardée qu’avec l’œil de passagers de première classe sur un paquebot arrivé à bon port. Après tout, le musée d’arts est un musée d’arts, pas un musée historique.

On croirait même que Sophie Lévy avait pressenti sa nomination à la tête du Voyage à Nantes : pour attirer le public, et c’est ce qu’on lui demande, il faut po-si-ti-ver, quitte à raconter des histoires. Et, au fil des expositions, elle le fait avec beaucoup plus d’élégance que Jean Blaise, qui a souvent pédalé dans la choucroute. L’exposition est visible au musée d’arts jusqu’au 23 février.

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/paquebots/

Paquebots 1913-1942 au musée d’arts de Nantes : la commandante quitte le navire avec les honneurs

20 janvier 2025

Johanna Rolland fait vœux de tout bois

Sur les panneaux d’affichage commercial comme dans nos boîtes aux lettres, Johanna Rolland nous souhaite une « Bonne année 2025 », illustrée d’une photo du château des ducs de Bretagne encadré de verdure. Elle prend soin de préciser la localisation GPS du point de vue (47°12’53.526 N – 1°32’58.11 O) : chacun peut vérifier que le château est bien là. Quant à la verdure, évidemment, elle est beaucoup moins flatteuse en cette saison qu’en pleine floraison printanière.

Comme les prospectus distribués en boîtes aux lettres ont presque disparu (et avec eux des distributeurs comme Adrexo), un beau bristol 14x21, ça se remarque. L'abandon des prospectus, c’était pour épargner des arbres : réciproquement, on se demande combien Johanna Rolland en a fait couper pour nous souhaiter une bonne année. Ce qui ne l’empêche pas de proclamer : « La nature gagne du terrain. Demain n’attend pas. »

Demain n’attend pas ? Tiens, Johanna Rolland ressort son slogan de 2023, comme si 365+366 = 731 jours plus tard, demain, c’était encore demain, qui attend toujours. Elle ne promet d’ailleurs rien, sinon que demain, c’est pour bientôt. Elle ne peut même pas annoncer que demain on rasera gratuit, sauf pour ce qui est de raser des arbres, bien sûr. À « Demain n’attend pas »(1), Johanna Rolland adjoignait naguère « Inventons un autre futur ». Elle a sans doute renoncé à l’invention et/ou au futur.


À la place, elle a opté pour : « La nature gagne du terrain ». C’est très bien, notez, mais il est étonnant qu’elle ait dû attendre l’avant-dernière année de son second mandat pour découvrir son état de grâce écologique. Ce souci semble être devenu pour elle une obsession : sa priorité n’est pas Nantes et les Nantais mais la nature. Elle fait vœux de tout bois et bois de tout feu. On ratiboise tous les arbres du boulevard Léon-Bureau pour assurer la desserte du CHU voulu par Jean-Marc Ayrault ? Ah ! mais on va en faire du compost pour les jardins publics, du petit bois pour les chaufferies municipales, du bois d’œuvre pour fabriquer des objets utiles. Comme le cercueil des ambitions municipales, par exemple ?

Johanna Rolland dit avoir doublé ses objectifs de « renaturation ». Ce qui est en même temps l’aveu d’une dénaturation antérieure – et qui donc a géré Nantes ces trente-cinq dernières années ? Sont en cours, par exemple, de « nouvelles plantations sur la promenade nantaise de la gare à la Loire ». Le superbe pavement de granit posé voici une dizaine d’années quai Flesselles et quai du Port-Maillard vient d’être défoncé ici et là au profit de chiches plantations.

Mouchoir de poche

De la gare à la Loire, on parle d’une superficie d’environ 5 hectares, soit 50 000 mètres carrés. On va officiellement y retrouver 390 m² de pleine terre ! La nouvelle place du Commerce comporte à elle seule, selon Nantes Métropole, 3 400 m² d’espaces végétalisés. La pleine terre retrouvée en cassant le granit sera donc neuf fois moins vaste que les espaces verts de la place du Commerce, qui déjà paraissent plutôt pauvrets.

Sur ces 390 m², on plantera, assure Nantes Métropole, 21 arbres, 1 600 vivaces et 1 700 bulbes de lys, glaïeuls et narcisses. Au total, 3 321 plantations, contre officiellement « plus de 30 000 plantations » sur la place du Commerce. Les arbres annoncés sont des copalmes de Formose et des virgiliers à bois jaune. Un arbre chinois, un arbre américain, pas de jaloux. Mais si le copalme peut atteindre 20 à 30 mètres de haut, le virgilier ne dépasse pas 8 à 10 mètres à pleine maturité : on est plus dans le registre de l’arbuste. Quant aux 1 700 bulbes, ils peuvent occuper, en fonction des plantes concernées (entre cinquante à cent bulbes au m² pour les narcisses et neuf à douze pour les lys), une centaine de mètres carrés.


C’est ridicule au regard du coût des travaux. Mais on dirait que, quoi qu’il en coûte, comme eût dit Emmanuel Macron, Johanna Rolland est prête à toutes les dépenses pour pouvoir dire qu’elle a planté.

Pourquoi une telle frénésie végétalisatrice ? Le Landerneau politique parle beaucoup de conspirations ourdies par LFI et les Écologistes dans les villes de province pour voler leur fauteuil aux maires socialistes. À la tête d’une agglomération qui a élu deux députés LFI et une écolo contre deux socialistes, Johanna Rolland, censément n° 2 d’un Parti socialiste qu’elle a contribué à rétrécir en dirigeant la campagne présidentielle d’Anne Hidalgo en 2022, est forcément dans ses petits souliers. Elle pourrait bien tâcher de les remplacer par des gros sabots en bois de copalme ou de virgilier.

Sven Jelure

(1) « Demain n’attend pas » est une marque déposée en 2020 par Mme Delphine Darmon dans les classes 38 (forums en ligne, émissions télévisées, etc.) et 41 (éducation, divertissement, éditions, etc.).

05 janvier 2025

Les Machines de l’île vouées à la privatisation ?

Jean Blaise n’a pas eu un mot pour les Machines de l’île dans son entretien d’adieu donné à Presse Océan juste avant Noël. Elles sont pourtant, avec le château des ducs de Bretagne, l’une des deux grandes sources de chiffre d’affaires de la SPL Le Voyage à Nantes (mais aussi sa principale source de déficit). Son désintérêt contribue à expliquer la dérive de cet équipement avec lequel Jean-Marc Ayrault aurait voulu faire de Nantes une destination touristique internationale.

Les Machines de l’île ont été conçues au tout début du siècle ; les esquisses ont été déposées chez un notaire le 31 janvier 2002. Vingt-trois ans plus tard, où en est-on ? En 2004, Nantes Métropole passe une commande portant sur l’Éléphant, les premiers éléments de l’Arbre aux Hérons (alors dénommé l’Arbre aux Oiseaux), les premiers éléments du Carrousel des mondes marins  et la Galerie des Machines. Trois ans plus tard, les Machines de l’île ouvrent au public ; le Carrousel suit en 2012. Depuis douze ans, le seul événement majeur a été l’abandon de l’Arbre aux Hérons, sans rien pour le remplacer. Où sont l’imagination et la créativité dont se targuaient Le Voyage à Nantes et son patron ?

Les pannes fréquentes du Grand Eléphant contribuent
à plomber les comptes des Machines de l'île

Les résultats réels des Machines de l’île ont toujours été un peu mystérieux à cause de chiffres bidonnés (voir par exemple les articles sur le bilan 2014). Cette mauvaise habitude a pu contaminer Nantes Métropole. Selon son rapport annuel 2023, « 745 740 visiteurs ont été accueillis [aux Machines] en 2023, soit + 22 % par rapport à 2022 et + 5 % par rapport à 2019 ». Un calcul simple permet d'en déduire que les Machines ont accueilli 611 262 visiteurs en 2022 et 710 229 en 2019. Erreur ! Le rapport annuel 2022 de Nantes Métropole indiquait que « 677 826 visiteurs payants ont été accueillis en 2022 » ! Quant à 2019, le rapport de la DSP des Machines de l’île précisait de son côté que « la fréquentation totale des Machines de l’île en 2019 s’est élevée à 738 579 visiteurs ». On ne s’embêtera pas à déterminer lesquels de ces chiffres sont faux (a-t-on gonflé ceux de 2022 ou rogné a posteriori ceux de 2021 et 2019, à supposer qu'ils aient été vrais initialement ?), mais l’erreur de calcul aboutit à embellir le résultat affiché pour 2023.

Les Machines de l’île aux mains du secteur privé ?

Une chose est certaine en tout cas : la situation financière des Machines est très mauvaise. Hélène Madec, à leur tête, et Sophie Lévy, à la direction du Voyage à Nantes, vont avoir beaucoup à faire. À moins qu’elles ne se débarrassent de cet héritage de Jean-Marc Ayrault ? Nantes Métropole a mis en ordre l’an dernier le contrat qui la lie à Pierre Orefice et François Delarozière. Elle a relevé le pourcentage qui leur est versé sur les recettes de billetterie (plafonné à 23 700 euros par an et par personne, il augmentera selon l’indice des prix). Mais elle a aussi veillé à introduire la clause suivante :

Nantes Métropole pourra librement rétrocéder à tout tiers de son choix et notamment à un délégataire chargé de l'exploitation des Équipements, tout ou partie de ses droits et obligations tels que définis par le présent contrat, et notamment accorder toute licence d'exploitation de tout ou partie de ces droits à tout tiers de son choix, et ce, dans les limites et conditions définies par le présent contrat.

Cette disposition couvre aujourd’hui la délégation de service public (DSP) au nom de laquelle le Voyage à Nantes exploite les Machines. Mais ladite DSP s’achève à fin 2025. Le secteur privé mettra-t-il la main sur les Machines en 2026 ?

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/les-machines-de-lile-peuvent-elles-sauver-leur-peau/

Les Machines de l’île peuvent-elles sauver leur peau ?