15 août 2025

Foulques Chombart de Lauwe a pour Nantes les yeux de Chimène

Aimez-vous Nantes ? Depuis quelques années, certains trouvent que ça devient difficile… Foulques Chombart de Lauwe, candidat déclaré à l’élection municipale de 2026, affiche des sentiments plus résilients. Il a publié au début de l’été un Abécédaire d’un amoureux de Nantes.

Sa notice à la Bibliothèque nationale assure que « cet abécédaire vous donnera envie d'explorer de nouveaux endroits pour flâner,vous cultiver ou vous distraire ». Mais aussi, faudrait-il ajouter, pour rouspéter, vous agacer ou vous indigner. Car les pages d’amour déçu ne manquent pas non plus dans ce livre : allez donc voir un peu aux articles CHU, Circulation ou Sécurité (« le gros boulet de l’équipe municipale », p. 147)…


De bons sentiments font du bien par les temps qui courent – même si l’on peut les trouver consommés avec trop de modération aux articles Vins et Culture. Quant à l’article Bretagne, il prouve au moins la sincérité d’un auteur capable de nuire par amour à son propre intérêt électoral. « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour », comme disait le poète surréaliste Pierre Reverdy (1889-1960).

Foulques Chombart de Lauwe, Abécédaire d’un amoureux de Nantes, ISBN 979-10-976432-0-1, 178 pages 20,8 x 14,8 cm, 10 €. Disponible entre autres à la librairie Coiffard

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« Abécédaire d’un amoureux de Nantes » : l’amour est parfois aveugle

09 août 2025

Nantes Métropole s'empresse de régler la sécurité des Roms deux ans à l’avance

La défection de Coallia, qui avait obtenu début 2024 un fabuleux marché à 80 millions d'euros pour l’exfiltration en douceur des Roms de la prairie de Mauves, a fait prendre du retard au projet du Pôle d’écologie urbaine (PEU) de Nantes Métropole. Mais peu à peu, ça avance quand même. Nantes Métropole recherche en ce moment un chargé de maîtrise d’œuvre pour « l’aménagement d’un terrain de transition n°1 pour la résorption des bidonvilles ». Ledit terrain pourrait recevoir entre 250 et 275 habitants relocalisés depuis la prairie de Mauves.

Manifestation de Roms en instance d'évacuation des Gohards
devant la mairie de Nantes le 28 juillet 2025
Aménager un terrain pour caravanes ne paraît pas si compliqué ? Pourtant ça l'est, car Nantes Métropole multiplie les exigences sortant de l’ordinaire. Le maître d’œuvre devra créer une zone tampon pour séparer le terrain du voisinage, limiter les risques de dépotoir, installer des éclairages non vulnérables à la casse, mettre en place une centrale d’alarme anti-intrusion, installer des sanitaires « très résistants, anti-vandalisme », etc. Les tubes de chasse d’eau eux-mêmes devront être inaccessibles ! Est-ce un terrain d’accueil qu’on aménage ou un centre de rétention administrative (CRA) ? Ou bien Nantes Métropole fait-elle en sorte de stigmatiser ses hôtes tout en leur déroulant un tapis rouge ? Les travaux pourraient coûter 4,7 millions d’euros.

Ce terrain n°1, sis 34 rue des Bateliers, n’ouvrira pas avant le 1er semestre 2027 (avec un peu de chance, car il est menacé de divers aléas administratifs). Il sera suivi d’un, deux ou trois autres. On ne sait ni où ils se trouveront, ni comment ils seront aménagés. Or, dès la fin mai 2025, Nantes Métropole a tenu à désigner un prestataire chargé de leur sécurité future : la police municipale ne peut pas tout faire. Le marché (jusqu’à 14 millions d’euros sur quatre ans, ce qui représenterait plus d'une année du coût de fonctionnement de la police municipale !) a été attribué à une petite entreprise de Bouguenais. Voilà déjà une tâche épargnée à une nouvelle municipalité, au cas où l’équipe actuelle ne serait pas reconduite lors de l’élection de l’an prochain.

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https://nantesplus.org/nantes-metropole-et-les-roms/

Nantes Métropole rame pour les Roms

Précédennt épisode :

Plus de 80 millions d'euros pour déménager les Roms de la prairie de Mauves

07 août 2025

Un remonte-pente pour les bilans du Voyage à Nantes ?

Le running gag des bilans estivaux du Voyage à Nantes est-il voué à l’extinction ? Depuis l’origine, Jean Blaise et ses services ont eu à cœur de publier chaque année des résultats formidables qui auraient pu préfigurer les hallucinations de Chat GPT. Le bilan du Voyage à Nantes 2011 était douteux ? On s’était résolu l’année suivante à « un redressement significatif des résultats de l’étude menée sur l’été 2011 », sans lequel le bilan 2012 aurait eu une drôle de mine. Derechef, le bilan 2013, fondé sur des extrapolations, avait été carrément exfiltré en 2014. Etc. On dirait que c’est toujours le bilan de l’année d’avant qui a quelque chose à se reprocher.

Quant au Voyage en Hiver, il semblait affecté du même genre de malformation congénitale.

On a les montagnes qu'on peut :
Mont Royal(e), par Block Architectes,
pour Le Voyage à Nantes 2012 
Mais voilà : la nouvelle direction du Voyage à Nantes semble déterminée à produire des calculs crédibles en créant un « observatoire d'activités touristiques ». Il devrait être plus pérenne que celui concocté par l’Agence d’urbanisme de l’agglomération nantaise (AURAN) en 2014 puisque  un prestataire vient d’être choisi pour quatre ans

Il s’agit de G2A Consulting, un spécialiste reconnu du tourisme montagnard. Il ne trouvera pas grand-chose à escalader à Nantes, pas même un Arbre aux Hérons. Mais il devrait vite s’acclimater grâce à Hélène Madec, nouvelle directrice des Machines de l’île, qui avait déjà recours à ses services dans son poste précédent, comme D.G. de l’office de tourisme de Megève.

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https://nantesplus.org/un-observatoire-alpin-pour-le-voyage-a-nantes/

Un observatoire alpin pour Le Voyage à Nantes

21 juillet 2025

Le Voyage à Nantes 2025 : de plus en plus de mal à bien faire semblant

Le Voyage à Nantes 2025 consacre la couverture de son livret estival à Antipodos, d’Ivan Argote. On y voit un personnage aux pieds retournés gravir la colonne Louis XVI surmontée par… rien. Louis XVI a disparu « grâce à un jeu de miroirs [qui] reflète le ciel environnant ». Seule une petite nuance dans le bleu du ciel témoigne du stratagème.

Une légende en caractères minuscules, au dos, avoue : « d’après esquisse ». L’installation réelle est plus modeste, et même franchement ratée. Elle a pourtant dû coûter une fortune, vu le matériel mis en œuvre. Le boîtage réfléchissant censé donner « l’illusion de disparition » de Louis XVI est parfaitement visible, même sur un ciel uniformément bleu, tandis que le personnage « défiant toute logique gravitationnelle » est maintenu à la colonne par un double cerclage métallique bien costaud.


Cerise sur le gâteau, le photomontage du Voyage à Nantes montre le personnage 60 % plus grand qu’il n’est en réalité, et fixé plus haut sur la colonne. Pas grave ? Non, sauf que cela illustre une fois de plus un certain j’m’en-fichisme du Voyage à Nantes : c’est toujours bien assez bon comme ça. On a acheté un concept irréalisable, on fait comme si la promesse était tenue. Et après tout, puisqu’une bonne partie de la presse veut bien se contenter de reprendre le communiqué officiel…


L’étrangeté, thème du Voyage à Nantes 2025, n’est pas tant dans Antipodos que dans l’évaporation marketing du Voyage à Nantes. Sa mission initiale était de faire de Nantes une destination touristique internationale. Que pensera l'éventuel visiteur étranger de « l’illusion de disparition de la sculpture de Louis XVI » ? Rien, puisqu’il n’a jamais vu ce qui est censé avoir disparu. Antipodos se résume pour lui à une statue grossièrement fixée à une colonne surmontée d’un tronçon de colonne duodécagonale réfléchissante. Bof.

On comprend que Sophie Lévy, nouvelle directrice du Voyage à Nantes, tienne à le faire savoir : l’édition estivale 2025 « a été conçue par Jean Blaise et les équipes projets ».

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Le Voyage à Nantes devenu simple balade dans Nantes : l’étrange retraité

17 juillet 2025

La culture, handicap de la nature à Nantes ?

 Le texte ci-dessous reprend un commentaire apporté au billet "Fini la culture, la nature c'est maintenant". Merci à son auteur, VertCocu, pour sa mise en perspective de la vocation « verte » de Nantes.

Il ne faut pas blâmer Johanna Rolland des manquements de Jean-Marc Ayrault.

Même du haut de mon adolescence, à la fin du siècle dernier, je remarquais que Nantes accordait au « vert » une place plus importante qu'ailleurs. Particulièrement en comparaison de ses « sœurs » Rennes et Bordeaux – et même de sa « cousine » Angers, qui a pourtant récupéré tout ce qui tourne autour de l'horticulture officielle au détriment de Nantes. Et triche avec son Lac de Maine.

Par « vert », j'entends un tilleul isolé et des carrés d'herbes de ci, de là. Pas forcément les parcs et squares, même si dans ces catégories, Nantes est tout à fait remarquable également.

L'épiphanie nantaise a eu lieu en 2006 quand Nicolas Hulot a fait un chantage écolo aux politiques, qui ont bien remarqué que cela plaisait aux citoyens. Jean-Marc Ayrault s'est rendu compte qu'artificialiser le moindre bout de pelouse pour faire plaisir à la CCI n'était peut-être pas si sage. Et il mettra beaucoup d'énergie, comme à son habitude, pour faire de Nantes la « capitale verte de l'Europe » en 2013.
Au temps de la Green Capital
Depuis, la municipalité est vigilante sur la question, sans malheureusement être innovante. Elle avait pris beaucoup trop de retard et n'est sauvée que par sa géographie de cours d'eau. Mais on peut tout de même regretter que, dans le sillage du tramway, même si l'écologie n'était pas forcémenten ligne de mire, Nantes ne soit pas devenue, toute proportion gardée, l'équivalent de Copenhague. Ou à défaut Strasbourg.

Elle a préféré se prendre pour Bilbao. Ce qui est d'autant plus imbécile que Jean-Marc Ayrault avait pourtant été mandaté par le Parti socialiste pour accompagner la disparition du caractère industriel de Nantes. Prendre le contre-pied en reincorporant du "naturel" n'était pas inimaginable dans les années 90.

À la décharge du Maugeois, Nantes est aussi la ville qui a comblé ses cours d'eau. Sous la pression de sa soi-disante élite, appâtée, comme tout bon chien de Pavlov, par la manne financière de l'Etat pour les travaux. On aura connu une quasi-répétition autour d'un aéroport.

"Fausse bonne idée : uriner sur les plantes
ne les fait pas pousser", rue Châteaubriand

Mais comme il est systématiquement impossible de dédouaner le professeur d'allemand (là encore, illusion d'une autre époque, déjà dans les années 80, les Allemands ne juraient que par l'anglais et délaissaient le français), on se souvient que dans les années 90, il y avait encore possibilité de décombler quelque peu. Volonté et idées citoyennes ne manquaient pas. L'argent sans doute. Mais on pourrait être curieux de savoir combien cela aurait réellement coûté au regard de l'argent jeté par les fenêtres dans le culturel qui, comme le disait un Nantais fameux « est à la Culture ce que le naturel est à la Nature, une pâle copie ».

Tenez. Apparemment, le dernier Royal de luxe, proposé dans ce qui ressemble à une certaine indifférence sorti d'une campagne d'affichage, ne ferait pas l'unanimité d'après la presse locale. (Lu aux devantures des tabacs.) Les temps changent. Comme toujours. Mais bien tard.

08 juillet 2025

Grande vague et petite bise au château de Nantes

Hoku… hoku… hoku n’hésitation, il faut aller voir l’exposition Hokusai au château des ducs de Bretagne (jusqu’au 7 septembre). Oh ! pas tant pour La Grande Vague (tout le monde l’a déjà vue mille fois et l’on en connaît dans le monde plus de cent tirages originaux) que pour la présentation d’ensemble de l’œuvre du génial artiste nippon.


Le musée du château n’a pas fait dans l’excès de zèle. Toute l’exposition provient d’un même petit musée japonais. Il n’a pas tenu à y superposer ses propres réalisations comme il l’avait fait avec Chevaliers. Il n’épuise pas le visiteur avec une accumulation de centaines d’œuvres comme l’avait fait le Grand Palais à Paris en 2014. Il n’a pas eu recours à un accrochage savamment compliqué : les estampes sont alignées comme à la parade au rez-de-chaussée, les dernières œuvres réalisées à Obuse sont groupées à l’étage, etc. C’est très bien ainsi. 

Il n’y a presque rien en trop. Juste quelques commentaires hasardeux sur le caractère prophétique de La Grande Vague (« Faut-il lire autre chose dans cette image ? » Et pourquoi pas dans toutes les autres, alors ?). Mais il y a quelque chose en pas assez. Hokusai est aussi un maître des estampes érotiques. Elles ont beaucoup fait pour sa réputation dans la France de la fin du 19e siècle. Ne les cherchez pas au château de Nantes.

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Hokusai au château des ducs de Bretagne : la vague sans le vagin


Illustration : ChatGPT Image

27 juin 2025

Fini la culture, la nature c'est maintenant

Ce week-end, c’est à l’Ouest qu’il faut être ! Dès ce soir, même, au parc de Procé, avec l’inauguration de L’étoile verte, premiers pas, une rando jonglée et un spectacle « lumino-poétique ». Demain, ça se passe à Saint-Herblain, à Sautron et au val de Chézine, après-demain à Orvault et au parc de La Gaudinière. Vous avez dit Nuit du VAN ? Vous n’y êtes pas ! Ringard, le voyage à Nantes, l’heure est à la balade hors de Nantes.

La Goguette (à droite) n’est pas une petite gogue
(gros boudin additionné de légumes hachés)
mais le cœur itinérant des activités de plein-air de l’Étoile verte.

Avec  L’Étoile verte, premiers pas, l’Association culturelle de l’été fait profil bas, ou du moins pas trop haut. Malgré une profusion de manifestations, elle ne se pose pas en concurrente du Voyage à Nantes. Un peu de patience suffira. Toute longue route commence par un premier pas.

« Jean Blaise était un intuitif visuel, je suis plutôt une conteuse », avertit Sophie Lévy, qui lui a succédé. « J’aimerais approfondir le lien entre l’art et la nature, montrer que Nantes est une grande ville de nature, avec des fleuves, des rivières, une très belle lumière... » Ça tombe bien c’est ce que veut faire L’étoile verte. Fini la culture, au sens dégradé qu’elle a pris à Nantes, retour à la nature !

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L’Étoile verte : des balades en plus du Voyage à Nantes ?

 


26 juin 2025

Une histoire fichtrement ennuyeuse pour Le Voyage à Nantes et pour Fabrice Roussel, député de Loire-Atlantique

Voilà de quoi animer les coulisses du conseil métropolitain aujourd’hui et demain. La chambre régionale des comptes a publié cette semaine un rapport sur La Chapelle-sur-Erdre. À bien des égards, il n’est pas flatteur. Mais ce qui retiendra le plus l’attention est sa section 2.4.2 intitulée « Un projet mené avec le VAN source d’irrégularités et de dérives budgétaires ». Elle concerne la construction en 2021, au bord de l’Erdre, sur le site de La Gandonnière, d’une œuvre décrite comme « une construction de simples abris en bois et d’une rampe d’accès pour personnes à mobilité réduite ». Une réalisation en partenariat avec la SPL Le Voyage à Nantes.

Le maire de l’époque était Fabrice Roussel, et Fabrice Roussel était aussi président du Voyage à Nantes. Risque de conflit d’intérêt, note la Chambre, qui s’interroge aussi sur la nature du contrat entre la commune et la SPL. Mais le point le plus intéressant est la critique approfondie qu’elle fait de la commande de l’œuvre au collectif Fichtre – une commande effectuée sans mise en concurrence sous couvert de l’article R2122-3 du code de la commande publique (CCP). Cet article autorise les acheteurs publics à déroger au principe des appels d’offres quand les achats concernent une propriété intellectuelle. Pour la conception, d’accord, dit la Chambre ; pour la réalisation, en revanche, la construction des abris, ça ne fonctionne pas.

Rembrandt maçon (illustr. Bing créateur d'images)

Fabrice Roussel n’a pas dû être trop étonné par cette position. Président du Voyage à Nantes, donc, et aussi premier vice-président de Nantes Métropole chargé des grands équipements touristiques, avant son élection comme député de Loire-Atlantique l’an dernier, il avait pu lire avec intérêt en 2022 le rapport de la chambre régionale des comptes sur Saint-Sébastien-sur-Loire, en particulier sa section 6.4, « La réalisation de la Station Nuage a dérogé aux règles de la commande publique ». Même cause, mêmes remarques, qui avaient mené à une perquisition de la brigade financière à la mairie de Saint-Seb’ et au siège du Voyage à Nantes. L’enquête est en cours. On ne voit pas comment La Chapelle-sur-Erdre pourrait y couper.

« L’analyse ne doit pas consister en une analyse subjective de l’œuvre, elle doit consister plutôt dans l’analyse d’un processus qui a consisté à créer une œuvre d’art unique dans un lieu unique », plaide Fabrice Roussel dans sa réponse à la Chambre. Y croit-il lui-même ? Le 15 septembre 2022, Johanna Rolland et lui annonçaient l’abandon du projet d’Arbre aux Hérons pour deux raisons : l’augmentation du coût de l’acier et l’impossibilité de passer un marché unique en application de l’article R2122-3 du CCP.

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Les nuages sur Le Voyage à Nantes et sur un député s’épaississent

21 mai 2025

« Liberté, égalité, féminité », devise nantaise

La Ville de Nantes poursuit depuis quelques années « une politique de féminisation des dénominations de voies et d’équipements publics » : autrement dit, une politique de discrimination sexuelle. Le dire ainsi n’est pas politiquement correct, bien entendu, mais c’est l’évidence même. La municipalité nantaise, l’effectif de Nantes Métropole en est la preuve, n’est pas sexuellement égalitaire. 

Les noms de rue, à Nantes comme ailleurs, proviennent de lieux-dits (rue du Bois-Tortu…), de destinations géographiques (quai des Antilles…), de villes (rue de Strasbourg…), d’événements (esplanade des Victimes des bombardements des 16 et 23 septembre 1943…), de particularités géographiques (quai de la Fosse...), de professions (rue des Cap-Horniers…), d’industries (rue de la Brasserie…), d’institutions religieuses (rue du Chapeau-rouge…), de concepts pieux (boulevard de l’Égalité…), d’animaux (rue des Grenouilles…), de végétaux (rue des Clématites…), de lieux de batailles (rue de Valmy…), de nationalités (boulevard des Belges…), etc. 

Et aussi, pour un bon tiers, de personnages ‑ très majoritairement des hommes sans aucun doute. Cependant, aucun n’a été choisi en raison de son sexe. À tort ou à raison, on a retenu des artistes, des chefs d’État, des militaires, des savants, des médecins, etc. au titre d’œuvres, d’inventions, de victoires, de fonctions, etc. et pas parce qu’ils étaient des hommes. Nantes n’a même pas de rue Dieu le père. En fait, la seule voie de Nantes à porter un nom d’origine sexuée était autrefois la rue de la Rosière d’Artois.

Un peu de place aux femmes

Naguère, si l’on hésitait sur le choix d’un nom, c’était entre deux mérites, pas entre deux sexes. Nous sommes la ville d'Anne de Bretagne, quoi, et La Vie des femmes célèbres, écrit en 1504 à sa demande, est l'un des trésors du musée Dobrée. Les édiles nantais d'autrefois n’étaient pas hostiles aux femmes par principe. Ils en ont honorées qui n’étaient pas des « épouses de ». Qui sait que la dédicataire de la rue Bonne-Louise était une Madame Charrier ? Le mariage n’était d’ailleurs pas une condition. Une cour Moreau, dans la rue du Moulin, a porté le nom des sœurs Moreau, qui y tenaient une école maternelle, la rue Fanny-Peccot honore une généreuse célibataire qui légua sa fortune au bureau de bienfaisance, la rue Dudrézène, commémore l’auteure de Une vie manquée : souvenirs d’une vieille fille (j’avoue un peu de provoc’, là : l’œuvre de Sophie Ulliac-Tremadeure, alias Sophie Dudrézène, comprend surtout des romans pour la jeunesse et ses articles du Journal des jeunes personnes). 

Débaptiser des rues, déshabiller l’un pour habiller l’autre ? Refuser l’hommage d’une rue à un homme parce qu’il est homme pour le donner à une femme parce qu’elle est femme ? Ce serait courir le risque d’échanger une injustice contre une autre. Mais ce ne serait pas la première fois. À Nantes, la place Cincinnatus est devenue place de la Duchesse-Anne et la rue Montaigne est devenue rue Marie-Anne du Boccage. La rue Jeanne d’Arc a amputé la rue Moquechien en 1892. En sens inverse, on a aussi vu dans l’histoire de la Ville la rue des Bonnes-sœurs devenir rue de l’Union, le passage Sainte-Anne rue Brizeux, le pont Sainte-Catherine pont d’Orléans, la rue des Saintes-Claires rue Fénelon, la place Sainte-Elisabeth rue du Marchix, la rue des Ursules rue du Lycée, la rue de la Vierge rue Pérelle, etc. On soupçonne pourtant que c’était un signe de passion politique plutôt que de répression sexuelle.

Jules Ferry dans le collimateur ?

L’odonymie est un exercice délicat. En 1946, pour faire pendant à Roosevelt et Churchill, Nantes n’a pas honoré Staline mais… Stalingrad ! Chaque époque a ses propres pudeurs et ses propres engouements, que les suivantes doivent parfois traîner comme un boulet. Aujourd’hui, à quelles voies donnerions-nous un nom de général, un nom de saint(e), un nom d’aristocrate ? Honorerions-nous Colbert, rédacteur du Code Noir, Kléber, massacreur des Vendéens, Lamoricière, conquérant de l’Algérie, André Morice, maire rad’soc’ de Nantes mais constructeur de la ligne Morice pendant la guerre d’Algérie, l’amiral Courbet, qui guerroya contre la Chine pour garder à la France sa colonie du Tonkin ? Pour limiter les dégâts, nous en sommes réduits à apposer des déclarations de repentance à côté des noms d’armateurs du 18e siècle.

Faudra-t-il systématiquement expliquer, chaque fois qu'un nom est contestable,
qu'on l'a gardé quand même afin de pouvoir "assumer" l'héritage de l'histoire nantaise ?
Et puis, à partir de quand des déclarations outrageantes doivent-elles oblitérer des mérites matériels ? Comment imaginer un dédicataire plus louable que le docteur Alexis Carrel, chirurgien de pointe et prix Nobel de médecine ? Hélas, personne sans doute dans la municipalité nantaise n’avait lu L’Homme cet inconnu, vendu pourtant à 400 000 exemplaires en France, où il faisait l’éloge de l’eugénisme… Si Alexis Carrel a été privé de son boulevard, Jules Ferry, chantre de la colonisation (« Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures »…), conserve sa rue. Pour le moment. 

Il n'est pas toujours nécessaire d’attendre longtemps pour se mordre les doigts. Johanna Rolland se félicitait voici trois ans d’inaugurer une place Abbé-Pierre. Les édiles nantais qui imposent aujourd’hui des noms de femmes sont-ils bien certains que leurs vertus resteront impérissables ? Dans les lotissements des banlieues-dortoirs, les nouvelles voies s’appellent plutôt rue des Mésanges ou allée des Glycines. C’est la sagesse même

12 mai 2025

Est-ce le stock de noms féminins qui s’épuise à Nantes, ou plutôt le « dialogue citoyen » ?

Nantes est une fois de plus en plein dialogue citoyen – vous le savez aussi bien que moi, naturellement. Le thème du moment est : « Noms de rues, place à l’Égalité ». Il s’agit de proposer de nouveaux noms à donner aux rues de la ville. On lit bien proposer : les citoyens proposent, la maire dispose – l’Égalité a des limites. La première partie du projet s’est déroulée du 24 mars au 21 avril. Tout un chacun a pu présenter ses propositions sur le site web dédié.

Ça sent un peu le réchauffé. Nantes avait déjà lancé une consultation sur le thème « Nom de rues, place aux femmes » début 2016. L’Égalité de cette année ratisse plus large, ou moins sexiste : si l’appel municipal porte d’abord sur des « noms de femmes qui ont marqué l’histoire locale, nationale ou internationale », il accepte aussi « des noms de personnalités, peu importe leur genre, engagées en faveur de la défense des droits humains » ‑ ou en tout cas de certains droits : « lutte contre le racisme, l’esclavage, les discriminations, en faveur des droits des minorités, etc. » Une Égalité à périmètre délimité, en somme, dont les Nantais ont compris le caractère rhétorique : ils ont proposé 359 noms pour la première catégorie, 119 seulement pour la seconde.

Comment féminiser un nom de rue à  Nantes : Acte I

En 2016, la catégorie « femmes » étant seule en lice, la Ville avait reçu 1 118 réponses ! On mesure la baisse d’enthousiasme des Nantais... D’autant plus que 28 % des propositions reçues cette année (132) proviennent en réalité d’un unique contributeur stakhanoviste. Il devance de très loin la numéro deux, à qui la Ville doit « seulement » 18 % des propositions (87). Le premier a écumé Wikipédia, la seconde a surtout recyclé en copier-coller les articles de son propre blog Médiapart. Cette dernière est aussi l’auteur de la plupart des rares commentaires (une vingtaine) déposés sur le site, sous forme de renvois vers son blog. On n’est jamais si bien servi que par soi-même.

Un contributeur a proposé une douzaine de patronymes ukrainiens. Un autre avance une vingtaine de noms parmi lesquels « La Séléné du Rocher », « La Cléopâtre de Jersey » et la « Rue des femmes du 12ème art ». Dix pour cent des contributions ont été déposées in extremis, le dernier jour de la consultation. Au total, 89 personnes ont répondu à l’appel à idées, soit environ 0,027 % de la population nantaise. Pour donner l’échelle, le conseil municipal de Nantes compte 69 élus. 

Ces inconnu.e.s qui ont déjà leur rue ou leur boulevard 

L’examen des 478 idées déposées est en cours dans les services de la ville jusqu’au 16 mai. Néanmoins, le résultat est apparemment acquis d’avance puisque, annonce déjà la Ville sur le site web du débat, « plus de 350 propositions sont recevables ». De 478 à 350, pourquoi un tel taux de chute ?

Un peu parce que certains noms sont proposés en double (Mahsa Armini, Catherine Bernheim, Hypathie d’Alexandrie, Alice Milliat, Cecilia Payne, Anne Sylvestre, Harriet Tubman, Élisabeth Vigée-Lebrun ; « La Séléné du Rocher » est aussi un doublon sophistiqué pour Claude Cahun), voire en triple (Frantz Fanon, Katherine Johnson). 

Et beaucoup parce que certains contributeurs n’ont pas pigé les règles fixées. Il n’y en a pourtant que deux. D’abord, les personnalités nommées doivent être décédées depuis au moins deux ans. Ce qui exclut par exemple « Roseline Bachelot (1964-2023), ancienne ministre de la culture », née Roselyne Narquin en 1946 et bien vivante à ce jour.

Comment féminiser un nom de rue à Nantes : Acte II
Ensuite, ces personnalités ne doivent pas être déjà honorées à Nantes. On s’imaginerait que le citoyen qui propose une allée Mme Untel ou un square Melle Duchmol s’intéresse assez aux susdites pour savoir si leur nom figure sur une plaque au coin d’une rue… Eh bien pas du tout. Parmi les personnalités proposées ces jours-ci, beaucoup ont déjà été honorées par Nantes, qui a donné leur nom à

  • une rue (Maya Angelou, Susan Brownell Anthony, Florence Arthaud, Barbara, Marcelle Baron, Anita Conti, Jeanne d’Arc, Jeanne de Belleville, Olympe de Gouges, Sophie Germain, Gisèle Giraudeau, Raymonde Guérif, Caroline Herschel, Miriam Makeba, Marie Marvingt, Louise Michel, Édith Piaf, Marie-Claude Vaillant-Couturier),
  • une allée (Madeleine Brès, Claude Cahun, Jacqueline de Romilly, Isabelle Eberhardt, Adélaïde Hautval, Françoise Héritier, Claire Lacombe, Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, Lise Meitner, Marie Pape-Carpentier),
  • une ruelle (Lilla Hansen),
  • une venelle (Alexandra David-Néel, Françoise d’Eaubonne),
  • une avenue (Christine de Pisan, Émilie du Châtelet, Alice Milliat, Joséphine Pencalet),
  • un cours (Bertie Albrecht),
  • une place (Marion Cahour, Edmée Chandon, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Paulette Nardal, Suzanne Noël, Charlotte Perriand),
  • un boulevard (Gisèle Halimi, Martin Luther King),
  • un square (Marion Cahour, Virginia Woolf),
  • un pont (Anne de Bretagne),
  • une école (Françoise Dolto, Pauline Kergomard, Louise Michel, Alice Milliat), 
  • une salle de sport (Alice Milliat).

Soit une bonne cinquantaine d’errements : la voirie n’apporte pas forcément la notoriété… (Pour être juste, l’avocat de Françoise d’Eaubonne n’ignore pas que celle-ci est déjà honorée à Nantes ; il trouve juste qu’une venelle n’est pas un hommage à sa mesure.) Ainsi, ce n’est pas seulement la quantité d’idées qui baisse, c’est aussi leur qualité. Comme on l’a déjà vu avec d’autres consultations, par exemple à propos du pôle d’écologie urbaine, les Nantais ne croient plus guère au dialogue municipal.


Prochain billet : Liberté, égalité, féminité, devise nantaise