25 juin 2016

Lobbying pour NDDL (33) : Des sorcières aux zadistes

La campagne pour la consultation du 26 juin a au moins un mérite : elle a amené les partisans de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes à reparler du projet. Pendant de longs mois, ils n’avaient eu d’yeux que pour les « zadistes ». En particulier pendant la campagne pour les élections régionales. Aussi bien Bruno Retailleau que Christophe Clergeau se sont abstenus de faire campagne pour l’aéroport. En revanche, ils ont abondamment fait campagne contre les zadistes.

Quitte à exagérer les méfaits d’iceux. Une « pétition régionale de soutien aux riverains de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes » longtemps disponible en ligne sur le site web de la région recensait « plus de 200 exactions liées à la ZAD ». Le pillage d’un camion de marchandises, en particulier, a fait les gros titres de la presse et a souvent été cité par les partisans du projet d’aéroport. Ce qui dénote, au minimum, une concertation entre eux afin de monter certains faits en épingle. Car dans l’absolu, ce pillage est peanuts : pour un seul camion pillé sur la ZAD depuis 2008, la Loire-Atlantique enregistre en une seule année plus de 15.000 vols liés aux véhicules.

Communiquer sur les zadistes plutôt que sur l’aéroport a sûrement été pendant un temps une stratégie de communication habile. Elle faisait appel à des peurs irrationnelles justifiées par des faits ponctuels authentiques – les 200 exactions et les dégradations commises à Nantes lors de manifestations. Toutes proportions gardées, la peur des zadistes reposait sur le même mécanisme que la peur des sorcières.

Un amalgame entre trois populations

Le terme zadiste recouvre en réalité trois populations présentes sur la zone d’aménagement différé… ou sur la « zone à défendre » (ZAD). Les habitants, ruraux qui refusent d’abandonner leurs terres. Les militants, défenseurs de la nature et/ou adversaires du capitalisme qui s’opposent à la construction d’un grand équipement. Les délinquants, personnages en rupture avec la société attirés par une situation trouble.

Ce cocktail reproduit exactement celui que recouvrait le mot « sorcière » au Moyen-âge. La sorcière qui se cache au fond des bois est tantôt un être proche de la nature qui connaît les secrets des plantes, tantôt une fidèle du paganisme rebelle à la nouvelle foi monothéiste, tantôt un personnage maléfique qui concocte des envoûtements et se livre au sabbat. Les autorités (aujourd’hui le gouvernement et les partis, autrefois l’Église) tentent de compromettre radicalement les deux premières catégories par un amalgame avec la troisième. C’est le mécanisme de la diabolisation : une fois celle-ci acquise, tout ce que dit la sorcière (ou le zadiste) est présumé inspiré par une intention mauvaise.

Il n’y a en fait qu’une différence majeure entre sorcière et zadiste : la sorcière était une femme, circonstance aggravante pour l’église médiévale, alors que le zadiste est transgenre. D’ailleurs, il s’appelle Camille ! Qu’il ne soit plus question de brûler les zadistes en place publique n’est pas une vraie différence : notre société a renoncé à la peine de mort. De nos jours, les sorcières sauveraient leur peau. (Enfin… pas sûr, quand on lit certains commentaires sur les forums consacrés à NDDL.)

Habile pendant longtemps cette stratégie de com’ a soudain cessé de l’être quand François Hollande a décidé d’interroger les citoyens. Les adversaires de l’aéroport ont critiqué cette décision. Pourtant, elle menace beaucoup plus les partisans de l’aéroport, poignardés dans le dos par le président de la République. Car la consultation électorale suppose un minimum de réflexion sur le projet lui-même. Un raisonnement du genre « dire oui à l’aéroport c’est dire non aux zadistes » serait insuffisant (la loi Travail a montré que les trublions n’étaient pas exclusivement attachés à l’aéroport), voire dangereux (rien n’est plus vite fait que de confondre un bulletin « oui » avec un bulletin « non » !).

Dans ce genre de débat, d’ordinaire, les partisans arrivent armés d’un argumentaire rationnel qu’ils ont eu le temps de préparer. Ils fixent le cadre du débat. Les adversaires pris de court et mal documentés se rabattent sur des arguments irrationnels, jouant sur les sentiments et les peurs du public. Mais ici, partisans et adversaires de l’aéroport se battent en quelque sorte à fronts renversés. Ces dernières années, les opposants au projet se sont appliqués à peaufiner leurs argumentaires, y compris avec des arguments très techniques. En face, les partisans du « oui », habitués à cultiver l’argument irrationnel du zadiste, ont du mal à reprendre pied. Leur argument essentiel, l’aéroport comme locomotive économique régionale, reste de l’ordre de l’irrationnel. Les sorcières seront-elles vengées par cette consultation au solstice d'été ? Réponse demain soir.

3 commentaires:

  1. Et ça a marché... Il faut dire qu'il n'est pas trop difficile de manoeuvrer des casseurs.
    Je me console en me disant qu'il y a 40 ou 15 ans, si cette consultation avait été envisagée, le OUI l'emportait à 75%. Et qu'elle invalide la vision "on ne répond pas à la question d'un référendum mais juge celui qui la pose". Bien que le cadre référendaire reste très délicat à manier, c'est une bonne chose. Un peu moins la participation.
    Reste que le pays nantais rend légitime un projet ni fait, ni à faire et qu'un mélange de colère, envers les opposants, et de naïveté, envers les promesses, bien distillé fait facilement passer la médiocrité des promoteurs, qui en 45 ans en sont arrivé à une consultation bien tardive qui ne règle pas le problème de l'occupation du site.
    Si, comme je l'espère et l'imagine, les Zadistes résistent longtemps, le projet peut encore pourrir. Possible d'envoyer assez de forces de l'ordre en cette période d'état d'urgence ? De risquer des violences avant une Prez'? Bien que sur ce point, j'ai peur qu'aujourd'hui un mort fasse gagner des points dans les urnes. Quoi qu'il en soit, NDDL continuera quelque temps à cristalliser les errements étatiques en terme d'aménagement, de coopération avec le privé, d'institutions et de priorités dans l'utilisation de la force. A tort ou à raison sur le projet, un NON nantais aurait eu un certain panache, envoyant le Larzac à un épiphénomène de lutte écolo d'une autre époque. Nantes dort toujours, s'enfonce dans sa banalité et va continuer à grignoter ce qui est peut-être finalement la seule chose qu'elle ait jamais eu d'intéressant: son cadre.

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  2. "... il y aurait eu des faux titres de propriété mais le lac relève du domaine public [...] face à la volonté implacable des chargés d'affaires parisiens [...] Grand Lieu n'est qu'une source de profit, des hectares à mettre en prairie..."

    Extrait du rapport de Philippe de Celles, préfet de Loire Inférieure en 1808.

    Où l'on souhaitait le dessèchement du lac de Grandlieu depuis 1785 ! Projet fort heureusement avorté.

    En cette période post-consultataire(?) et notredame-délandaise, j'ai la désagréable impression que l'on va avoir enfin la p[eau] de cette merveille de bio-diversité ! Ai eu la chance, que dis-je le privilège de profiter de ce lieu unique durant une courte journée d'hiver, et n'en étais pas moins dépaysé qu'à Annecy, Clifden ou Puno...

    L'urbanisation à venir quoique envahissante autour du lac, seront pires les conséquences des balades dans les bois et sur les rives ou les canoës sur l'eau. Ce retour à la vie sauvage du sapiens namnetus entraînera la quasi disparition de la vie animale sur terre, dans la "mer" et dans le ciel du lac, même l'oiseau de fer va se raréfier ! Je ne dessinerai pas Mickey à mes petit-enfants mais je leur chanterai Mickey3D..."au printemps les oiseaux revenaient"

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  3. "Je ne crois jamais une statistique à moins de l'avoir moi-même falsifiée" disait Winston.

    Nous des déclinaisons locales, je ne crois jamais à une enquête publique à moins de l'avoir moi-même falsifiée, je ne crois jamais à une consultation à moins d'avoir moi-même choisi la formule alambiquée de "transfert" en lieu et place de "création d'un second aéroport", etc.

    Pour la postérité, souvenons-nous des tracts que le parti socialiste a fait déposer dans les boites à lettres incitant à voter oui avec des arguments "béton" (payés par qui d'ailleurs, il y en avait un second dont je ne me souviens pas) :
    http://ps44.fr/wp-content/uploads/2016/05/NDDL_TRACT_PS44.pdf

    Et tout ça pour quoi? Que M. Retailleau sorte des ponts de ses manches sans financement? Que JMA qui a réveillé jurassic aéroport ne puisse y aller couper le ruban?

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