13 novembre 2025

Tourisme à Nantes (4) : les Machines de l’île implicitement condamnées

« Dire non à l'Arbre aux Hérons, ce serait dire non à la pérennité des Machines », avaient prévenu Pierre Orefice et François Delarozière dès 2013. « Ce serait stopper une belle aventure et condamner la dynamique des Machines dans les dix ans à venir. » Tout parc d’attraction doit évoluer régulièrement pour inciter le public à revenir. Même si elles n’étaient pas très spectaculaires – un « paresseux », des « colibris »… ‑ les nouveautés destinées in fine à l’Arbre aux Hérons permettaient aux Machines de stimuler leur fréquentation grâce à une communication ardemment relayée par la presse locale. De plus, le succès de la Galerie des Machines repose sur le talent de ses animateurs, qui ont besoin de perspectives pour maintenir leur motivation. Plus d’Arbre, plus de nouveautés. Voilà pourquoi les Machines de l’île sont en danger.

Johanna Rolland s’est donné le temps de réfléchir à la question. Le 7 juillet 2016, elle annonce la construction de l’Arbre aux Hérons puis lance une longue et coûteuse série d’études préalables. Il y en a au total pour 8,6 millions d’euros de dépenses préliminaires ‑ et même 9,2 millions en comptant la branche prototype construite dès 2007 devant les Nefs des Chantiers. Le 9 juillet 2021 enfin, entourée de Fabrice Roussel, Pierre Orefice, Yann Trichard et Ben Barbaud, patron du Hellfest, Johanna Rolland déclare : «  Le projet entre dans une phase décisive ». Mais au lieu de faire voter un feu vert formel par le conseil métropolitain, elle remet le sujet à plus tard, de séance en séance, pendant plus d’un an. Puis, soudain, le 15 septembre 2022, elle annonce l’abandon du projet pour des raisons économiques fort peu convaincantes.


L’Arbre aux Hérons est un projet mal fichu à plusieurs égards : il est raisonnable d’y renoncer et déraisonnable d’avoir tergiversé si longtemps. Mais il faut en assumer les conséquences. Johanna Rolland sait que, conformément à la prophétie de MM. Delarozière et Orefice, elle risque de tuer les Machines en abandonnant l’Arbre aux Hérons. Elle le sait si bien qu’elle avance un plan B. L’abandon de l’Arbre aux Hérons « ne marque pas la fin des Machines de l’île », assure expressément Nantes Métropole (c’est nous qui soulignons), « puisque Johanna Rolland et Fabrice Roussel ont confirmé aux mécènes que les fonds collectés par le fonds de dotation financeront la mise en exploitation du Grand Héron […] dès la saison touristique 2024/2025 ».

Un plan B peu convaincant

Autrement dit, cette mise en exploitation est le fil qui relie les Machines à la vie. C’est un plan B au rabais, mais il a le mérite d’exister. Il est confirmé début 2024 quand Fabrice Roussel, alors premier vice-président de Nantes Métropole, déclare : « Ce que nous voulons et nous nous y sommes engagés par rapport aux mécènes, c’est [mettre le Grand Héron] en exploitation comme le Grand Éléphant à partir de 2025 ». L’engagement initial pris « par rapport aux mécènes » est même la construction de l’Arbre aux Hérons tout entier, mais passons… Cette première promesse n’ayant pas été tenue, la seconde le sera-t-elle ? Elle figure encore à ce jour sur le site web de Nantes Métropole

Plusieurs mois passent encore avant qu’un bureau d’études soit chargé, en octobre 2024, pour un montant pouvant atteindre 220 000 euros HT, d’établir un diagnostic de la santé du Héron, puis de piloter son éventuelle réparation. Il semble que le diagnostic n’ait pas encore été livré. Même si ce n’est pas en 2025, la promesse de Nantes Métropole sera-t-elle tenue un jour ?

Il suffit de regarder la machine abandonnée à côté des Nefs pour en douter. En trois ans et demi de présence, utilisée une seule fois à l’automne 2022, elle semble devenue une épave. Elle a subi des intempéries, certes. Mais tel était son destin ‑ et à 40 mètres de hauteur ! ‑ si l’Arbre avait vu le jour. Et puis, on imagine mal sa proposition commerciale : qui aurait envie d’acheter un billet pour s’installer dans un de ses paniers d’osier afin de tourner en rond pendant quelques minutes à quatre ou cinq mètres du sol.

Le plan C oublié

Puisque la survie des Machines dépend de ce Héron, faut-il en conclure, corrélativement, que Nantes Métropole s’est résignée à la « fin des Machines de l’île » ? Le soupçon est d’autant plus légitime que, tout le monde semble l’avoir oublié, il a existé un plan C dont Johanna Rolland n’a pas voulu.

En novembre 2022, Yann Trichard, président de la Chambre de commerce et d’industrie, propose une solution privée pour réaliser l’Arbre aux Hérons malgré le renoncement de Nantes Métropole. Il va même jusqu’à évoquer un investissement rentable, et Nantes Métropole admettra que la « faisabilité économique du projet » est démontrée. Ce qui revient à reconnaître entre les lignes que Johanna Rolland s’est trompée en affirmant le contraire deux mois plus tôt !

Nantes Métropole annonce néanmoins, le 15 septembre 2023, que « Johanna Rolland confirme l’arrêt de l’Arbre aux hérons ». Elle justifie cette fois sa décision par des insécurités juridiques aussi peu convaincantes que les arguments économiques avancés un an plus tôt. À tout le moins, si vraiment la « faisabilité économique » est démontrée, Nantes Métropole devrait reprendre sa copie, qui ne comporte pas, elle, ces « insécurités juridiques ».

Et puis non, l’emplacement prévu dans le Jardin extraordinaire sert à autre chose, la page est définitivement tournée. Et l’on en revient à la prophétie de départ : « Dire non à l'Arbre aux Hérons, ce serait dire non à la pérennité des Machines »… (À suivre)

 

Précédents billets :

Tourisme à Nantes (1) : Le Voyage à Nantes 2025 a changé de patron mais a gardé ses compteurs (enfin, pas tous…)

Tourisme à Nantes (2) Le Voyage à Nantes ne fait pas mieux que vivoter depuis vingt ans

Tourisme à Nantes (3) : Les Machines de l’île en danger

 

02 novembre 2025

La mairie de Nantes mal tuyautée sur René Martin

« Éteindre l’incendie avant qu’il ne se propage et devienne hors de contrôle », ainsi Médiacités décrit-il les réactions officielles à ses révélations sur René Martin, créateur de La Folle Journée. La Ville de Nantes a annoncé qu’elle cessait toute collaboration avec l’intéressé et, pour faire bonne mesure, qu’elle le dénonçait à la justice. Elle n’avait pourtant aucune raison juridique de se couvrir la tête de cendres et René Martin est présumé innocent. Mais il faut croire qu’elle se sentait tout de même responsable quelque part.

Ça peut se comprendre. Johanna Rolland se veut en pointe dans la protection des femmes contre les comportements sexistes. Lors de sa campagne électorale de 2020, par exemple, elle a promis de faire le ménage parmi les bars et discothèques nantais en constituant un « réseau de la ville non sexiste ».

Si Johanna Rolland surveille les bars et discothèques, elle devrait tout autant se méfier des milieux musicaux. Les scandales sexuels y sont nombreux. Le sujet a même donné matière à un article de Wikipedia ! Des chefs d’orchestre en vue ont carrément été accusés de viol. Et des bruits couraient depuis longtemps à propos de René Martin. Rien de très sulfureux, mais assez pour troubler ses collaboratrices à coups de « regards appuyés » et de « main  sur l’épaule ».


Personne ne tiendra Johanna Rolland comptable des comportements des bars et discothèques. René Martin, en revanche, était un interlocuteur régulier de La Cité des congrès, qui appartient majoritairement à Nantes Métropole. Le nom de La Folle Journée est même une marque déposée en commun par Nantes et par René Martin.

Comment Johanna Rolland pouvait-elle tenir à l’œil ce dernier ? Simple : elle avait nommé à la direction générale de la SEM La Folle Journée une experte en défense de la cause féministe, Joëlle Kerivin, directrice de l’Espace Simone de Beauvoir. À chaque inauguration d’une Folle Journée, la maire de Nantes remerciait rituellement René Martin et Joëlle Kerivin dans la même phrase. Jusqu’au jour où il a fallu se séparer d’urgence de la seconde pour avoir puisé dans la caisse. Et en plus, elle n’a rien vu en cinq ans de présence ?

Le risque était évidemment que l’affaire sorte juste avant les élections municipales de mars 2026. Heureusement, l’abcès a percé largement avant. On l’a échappée belle.

Illustration Gemini 2.5

29 octobre 2025

Tourisme à Nantes (3) : Les Machines de l’île en danger

 En 2024, Nantes Métropole a précipitamment ajouté plus de 2 millions d’euros aux subventions qu’elle verse à la SPL Le Voyage à Nantes. Sans cette manne financière, la SPL aurait été déficitaire d’environ 2 millions d’euros, après 1 million en 2023, et Jean Blaise serait parti en retraite en laissant une situation désastreuse.

À chaque euro de chiffre d’affaires réalisé par la SPL, il faut ajouter 1,82 euro de subventions. L’argent du contribuable n’est qu’un palliatif. La dépense publique nantaise en faveur du tourisme est inefficace.


Les Machines de l’île en sont la cause principale. Censées rapporter de l’argent à l’origine, elles en ont toujours coûté. En 2017, Nantes Métropole a admis que ses subventions augmenteraient parallèlement à la fréquentation attendue. C’était déjà contre nature, et ça n’a pas suffi : il a fallu en rajouter. Et alors que le tourisme est en pleine expansion dans le monde, il ne l’est pas sous les Nefs de l’île de Nantes, ou du moins il ne suffit pas à compenser la désaffection du public français. Il devrait manquer en 2025 près d’un cinquième des visiteurs prévus par la convention de 2017. Dans le même temps, la fréquentation du Puy du Fou aura augmenté d’environ 25 %. Année après année, un constat s’impose : le choix imposé en 2004 par Jean-Marc Ayrault, contre l’avis formel d’un cabinet-conseil en marketing touristique, était mauvais.

La stagnation actuelle serait-elle due aux travaux en cours sur le pont Anne-de-Bretagne ? Non : ils améliorent plutôt l’accès des piétons, et les Machines elles-mêmes ne s'en plaignent pas (ce qui ne les empêche pas de bénéficier d’une indemnisation). Elles incriminent en revanche la chaleur, les pannes des machines, l’absence de nouveautés et l’absence de « levier événementiel ». Les trois premières causes ne s’arrangeront pas de sitôt. Les conséquences pourraient vite devenir graves (à suivre).

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/ma/

Les Machines de l’île : le boulet du Voyage à Nantes


Précédents billets :

Tourisme à Nantes (1) : Le Voyage à Nantes 2025 a changé de patron mais a gardé ses compteurs (enfin, pas tous…)

Tourisme à Nantes (2) Le Voyage à Nantes ne fait pas mieux que vivoter depuis vingt ans


16 octobre 2025

Tourisme à Nantes (2) : Le Voyage à Nantes ne fait pas mieux que vivoter depuis quinze ans

Comme d’habitude, Le Voyage à Nantes prétend avoir cartonné cet été. Pourtant, malgré ses communiqués flatteurs, il est globalement en échec. Il progresse peu en fréquentation et en notoriété alors que le tourisme se développe partout. Et il maîtrise difficilement ses finances. Nantes Métropole peut-elle continuer ainsi ?

Le Voyage à Nantes rappelle pompeusement, dans sa  présentation institutionnelle, qu’il est une société publique locale (SPL) « née de la volonté politique de Nantes Métropole et la ville de Nantes de s’imposer dans le concert des villes françaises et européennes en se positionnant et s’affirmant comme une ville enviée d’art et de culture, leviers de son développement touristique. » Cette stratégie est poursuivie depuis le 18 juin 2004, date à laquelle Jean-Marc Ayrault a imposé la création ex nihilo des Machines de l’île. Elles bénéficieront de fonds européens en tant qu’équipement touristique.

L’année suivante est créée Nantes Culture & Patrimoine, une SEM chargée des sites culturels. Puis, début 2011, Jean-Marc Ayrault réunit cette SEM, le château des ducs de Bretagne, l’office de tourisme et les Machines de l’île dans une structure unique de droit privé mais à capitaux publics, la SPL Le Voyage à Nantes. Jean-Baptiste Desbois, Jean-Marc Devanne et Marie-Hélène Joly, respectivement dirigeants de Nantes Culture & Patrimoine, de l’office de tourisme et du château, sont poussés vers la sortie. Jean Blaise est nommé directeur général de la SPL.

Un choix étrange, a priori : alors dirigeant du CRDC, association culturelle créée dans les années 1980 avec une vocation ouvertement politique, Jean Blaise est normalement en fin de carrière : il aura 60 ans et 4 mois, âge légal de la retraite à l’époque, moins de six mois après la création de la SPL. L’unique vrai succès de sa vie professionnelle, le festival Les Allumées, remonte à une quinzaine d’années, et il vient d’essuyer un contrôle de la chambre régionale des comptes qui lui vaudra des remarques sévères sur sa gestion des biennales Estuaire (« incontestablement un projet de gauche », assure-t-il à Presse Océan). Mais c’est un proche de Jean-Marc Ayrault depuis près de trente ans.

Bilans à la Pyrrhus

Le Voyage à Nantes gère ses divers équipements dans le cadre de délégations de service public (DSP) mais « ce qui en fait son exemplarité » (sic) est son événement estival éponyme. Il doit faire boule de neige grâce à une collection d’œuvres « pérennes » accumulée d’année en année, conjecture-t-on.

Quinze ans et des centaines de millions d’euros après sa création, où en est Le Voyage à Nantes ? À l’été 2017, par exemple, Jean Blaise affichait 2 389 943 visites pour 800 000 visiteurs du parcours estival (soit trois sites visités en moyenne par personne, sur cinquante-deux proposés : on mesure l’enthousiasme). Sophie Lévy, qui l’a remplacé à la tête de la SPL, revendique 741266 visites en juillet-août 2025. Le nombre de visites a-t-il vraiment été divisé par trois ou le bilan de 2017 était-il faux ? Ou bien faut-il comparer les visiteurs de 2017 aux visites de 2025 et conclure que la fréquentation a baissé de 7,3 % par rapport à l’édition d’il y a huit ans alors que le nombre de stations numérotées au long de la ligne verte (79) a augmenté de moitié ? Avant la création de la SPL, Estuaire avait compté 764 125 visiteurs en 2007, ce que Ouest-France qualifiait de « bilan en demi-teinte ».

Les installations du Voyage à Nantes sont distrayantes pour les Nantais que nous sommes, mais les gros bataillons de touristes fréquentent surtout des sites permanents et autonomes, non spécifiques du Voyage à Nantes, qui existaient avant lui et n’ont pas forcément besoin de lui : le château des ducs de Bretagne, le Jardin des plantes, les Machines de l’île... Une exposition comme Hokusai tire les statistiques, mais ce n’est probablement pas sa concomitance avec le Voyage à Nantes qui fait son succès. D’autres manifestations de qualité, comme l’installation du cheval mécanique Zeus dans le cours Cambronne, action de mécénat privé du groupe Sanofi, réussissent très bien en dehors du Voyage à Nantes.

Une stratégie maintenue malgré son peu de résultats

Jean Blaise a opiniâtrement tracé son sillon dans une direction peu fructueuse, avec l’aval de Jean-Marc Ayrault puis de Johanna Rolland, qui avait pourtant paru hésiter brièvement en 2014. Après avoir semé ici et là des œuvres disparates et parfois médiocres, il est parti l’an dernier en laissant derrière lui un concept au bout du rouleau. Google Trends révèle que l’intérêt des internautes pour Le Voyage à Nantes va décroissant. Les requêtes en ligne ont atteint leur zénith (indice 100) dès la première année, en juin 2012. Jamais elles n’ont retrouvé ce niveau depuis lors. Elles ont plafonné à 26 % en août 2023, à 24 % en juillet 2024, à 20 % en juillet 2025.

Copie d'écran Google Trends

Dans le même temps, le tourisme a pourtant connu un développement énorme en France et dans le monde. Dynamisé par les compagnies low-cost, l’aéroport de Nantes Atlantique a vu passer 2,6 millions de passagers en 2007, 5,5 millions en 2017 et 7 millions en 2024. La mode des city-breaks s’est imposée. D’autres ont mieux profité que Nantes de ces facteurs exogènes. La ville de Bilbao, référence expresse de Jean-Marc Ayrault quand il a assigné une vocation touristique à Nantes en 2004, a doublé son nombre de visiteurs entre 2010 et 2024. Dans le marché dynamique du tourisme, qui n’avance pas recule. Nantes n’a pas réussi à « s’imposer dans le concert des villes françaises et européennes », etc.

Précédent billet : 

Le Voyage à Nantes 2025 a changé de patron mais a gardé ses compteurs (enfin, pas tous…)


01 octobre 2025

Tourisme à Nantes (1) : Le Voyage à Nantes 2025 a changé de patron mais a gardé ses compteurs (enfin, pas tous…)

Le Voyage à Nantes 2025 s’est achevé le 31 août en catimini, même si la fontaine de la place Royale joue les prolongations. Naguère, à peine les lumières éteintes, Jean Blaise s’empressait de publier des communiqués de victoire, en général largement « travaillés ». Cette année, il a fallu attendre presque un mois pour obtenir quelques données. 

La manifestation estivale a pourtant été, Sophie Lévy tient à le faire savoir, « conçue par Jean Blaise et les équipes projets ». On imagine donc que les modalités de comptage des visiteurs ont été les mêmes que les années précédentes. Les modalités de triturage des chiffres l’ont-elles aussi été ? 

Sophie Lévy annonce, selon Ouest-France, « une hausse de la fréquentation des sites de l’ordre de 8 % », et ActuNantes précise : 741266 visites en 2025 pour 685607 en 2024. Une source des plus fiables a pourtant compté 852 919 visiteurs en 2024. Autrement dit, la fréquentation aurait en réalité baissé de 13 %. Cette source des plus fiables, c’est Nantes Métropole elle-même

Le Voyage à Nantes 2025, Vie de bêtes,
d'Eléonore Saintagnan au Passage Sainte-Croix

Le Voyage à Nantes explique la différence par un « comptage à périmètre constant ». C’est un peu court ! Il faudrait au moins définir ce « périmètre », et révéler quels compteurs de l’an dernier ont enregistré la différence entre les 852 919 de 2024 en 2024 et les 685 607 de 2024 en 2025, soit pas moins de 167 312 visiteurs, ou 20% de la fréquentation 2024 ! Et tant qu’à faire, pourquoi Le Voyage à Nantes a-t-il renoncé à installer ces glorieux compteurs en 2025 ? On suppose qu’il ne les a pas posés ailleurs, puisqu’il ne livre pas d’autre statistique que celle du « périmètre constant » : ses moyens techniques se sont-ils à ce point dégradés ?

Un « compteur », ça paraît objectif et incontestable. Cependant, outre l’effet du « périmètre constant », un même visiteur pourra être compté pour un, deux, dix… cent selon les sites, avec compteur ou pas, qu’il choisit de visiter une ou plusieurs fois. Le choix des compteurs comptés permet de moduler les chiffres à volonté. La méthode de la comparaison avec un exercice antérieur minoré a posteriori avait déjà servi en 2016. Les progrès accomplis ne sont pas vraiment… comptables. 

Merci à Hokusai, pas à Zeus


Sophie Lévy mentionne comme site le plus visité cette année l’exposition Hokusai : 147 000 visiteurs. Mais l’exposition Hokusai a duré du 28 juin au 7 septembre, soit une semaine de plus que l’événement estival. Au moins 15 000 de ses visiteurs ne devraient pas figurer au bilan officiel ! Plus sérieusement, quelle est la locomotive de l’autre ? Hokusai n’a pas eu besoin du Voyage à Nantes pour remporter un grand succès. Or chaque visiteur de l’exposition en juillet-août a pu être compté pour plusieurs visiteurs du VAN à lui tout seul si, sorti du château des ducs de Bretagne, il a fait un tour en ville. Le surcroît de fréquentation dû spécifiquement aux millions d’euros investis dans les installations d’Ivan Argote et al. n’est probablement pas colossal.  

Ce qui mène à s’interroger sur les retombées d’autres expositions à succès. Le musée d’arts ne dépend pas du Voyage à Nantes. Il ne semble donc pas que les 123 283 visiteurs de l’exposition Hypersensible en juillet-août voici deux ans aient été comptabilisés dans le bilan officiel du Voyage à Nantes 2023, soit 745 440 visiteurs. De quoi faire pâlir le bilan 2025 (741 266 visiteurs, donc) qui inclut, lui, l’exposition Hokusai puisque le château est géré par Le Voyage à Nantes. 

Le même constat s’impose ces jours-ci avec Zeus, le cheval mécanique des Jeux Olympiques exposé au cours Cambronne grâce au mécénat du groupe Sanofi – le VAN n’y est pour rien. L’an dernier, le champion du Voyage à Nantes avait été Le Sursaut des bois courbes, l’escalier de bois bâti sur le même site. Il avait attiré116 198 visites en deux mois de l’été 2024. Zeus, en a attiré 48 000 en seulement deux jours de septembre 2025. Il n’est pas dit que l’effet Voyage à Nantes dépasse l’épaisseur du trait par rapport à une exposition de qualité.

Sven Jelure

24 septembre 2025

La mairie de Nantes pavoise en l'honneur d'Emmanuel Macron (suite) : la Palestine au lieu de la Bretagne

Hisser le drapeau de l'État de Palestine devant la mairie de Nantes n'est pas en soi un acte d'une bien grande importance. Il salue la reconnaissance par Emmanuel Macron d’un État proclamé en 1988 et déjà reconnu par 152 États dans le monde. Le président de la République a cherché à mettre en scène son discours (alors qu’il aurait pu se contenter d’un simple tweet, comme le Premier ministre britannique), Johanna Rolland l’y a aidé. Quelle qu’en soit la raison (hommage d’une maire fragilisée à un président en difficulté ?), l’événement n’est pas majeur.


Le fait notable, en revanche, c’est que Johanna Rolland ne s’est pas contentée d’ajouter le drapeau de l’État de Palestine à ceux qui flottaient déjà devant la maire. Elle l’a hissé à la place du Gwenn-ha-du, le drapeau breton. La photo ci-dessus a été prise lundi dernier. La photo ci-dessous a été prise en janvier dernier. 


Ce remplacement vexillologique est-il une simple étourderie ou un geste délibéré ? Johanna Rolland ne pourra pas se dispenser d’une explication.


23 septembre 2025

La mairie de Nantes pavoise en l’honneur d’Emmanuel Macron

Johanna Rolland a fait hisser le drapeau palestinien sur la mairie de Nantes ce 22 septembre. Pourquoi ce jour-là et pas un autre ? Parce que le président de la République a prononcé ces paroles : « La France reconnaît l’État de Palestine ».

La position du président n’était pas originale : 152 États du monde entier avaient reconnu l’État de Palestine avant la France. La France a même voté en 2024 en faveur de son admission à l’ONU ; on peut supposer qu’elle considérait qu’il existait !


Mais Emmanuel Macron a voulu procéder de façon visible : il est allé faire un discours à New York, dans les locaux de l’ONU. Cela n’avait rien d’indispensable. Keith Starmer, Premier ministre britannique, s’était contenté la veille d’un message sur X ! 

Le président français, qui aurait pu devancer le Royaume-Uni en parlant au présent de l’indicatif toutes les fois où il a parlé de reconnaissance au futur, a simplement voulu se mettre en valeur. Avec succès : toute la presse en a parlé. C’est un peu grâce à Johanna Rolland.

Voir article complet sur Nantes Plus :
https://nantesplus.org/palestine/
Palestine : quand Johanna Rolland s’aligne sur Emmanuel Macron

15 août 2025

Foulques Chombart de Lauwe a pour Nantes les yeux de Chimène

Aimez-vous Nantes ? Depuis quelques années, certains trouvent que ça devient difficile… Foulques Chombart de Lauwe, candidat déclaré à l’élection municipale de 2026, affiche des sentiments plus résilients. Il a publié au début de l’été un Abécédaire d’un amoureux de Nantes.

Sa notice à la Bibliothèque nationale assure que « cet abécédaire vous donnera envie d'explorer de nouveaux endroits pour flâner,vous cultiver ou vous distraire ». Mais aussi, faudrait-il ajouter, pour rouspéter, vous agacer ou vous indigner. Car les pages d’amour déçu ne manquent pas non plus dans ce livre : allez donc voir un peu aux articles CHU, Circulation ou Sécurité (« le gros boulet de l’équipe municipale », p. 147)…


De bons sentiments font du bien par les temps qui courent – même si l’on peut les trouver consommés avec trop de modération aux articles Vins et Culture. Quant à l’article Bretagne, il prouve au moins la sincérité d’un auteur capable de nuire par amour à son propre intérêt électoral. « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour », comme disait le poète surréaliste Pierre Reverdy (1889-1960).

Foulques Chombart de Lauwe, Abécédaire d’un amoureux de Nantes, ISBN 979-10-976432-0-1, 178 pages 20,8 x 14,8 cm, 10 €. Disponible entre autres à la librairie Coiffard

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/abecedaire/

« Abécédaire d’un amoureux de Nantes » : l’amour est parfois aveugle

09 août 2025

Nantes Métropole s'empresse de régler la sécurité des Roms deux ans à l’avance

La défection de Coallia, qui avait obtenu début 2024 un fabuleux marché à 80 millions d'euros pour l’exfiltration en douceur des Roms de la prairie de Mauves, a fait prendre du retard au projet du Pôle d’écologie urbaine (PEU) de Nantes Métropole. Mais peu à peu, ça avance quand même. Nantes Métropole recherche en ce moment un chargé de maîtrise d’œuvre pour « l’aménagement d’un terrain de transition n°1 pour la résorption des bidonvilles ». Ledit terrain pourrait recevoir entre 250 et 275 habitants relocalisés depuis la prairie de Mauves.

Manifestation de Roms en instance d'évacuation des Gohards
devant la mairie de Nantes le 28 juillet 2025
Aménager un terrain pour caravanes ne paraît pas si compliqué ? Pourtant ça l'est, car Nantes Métropole multiplie les exigences sortant de l’ordinaire. Le maître d’œuvre devra créer une zone tampon pour séparer le terrain du voisinage, limiter les risques de dépotoir, installer des éclairages non vulnérables à la casse, mettre en place une centrale d’alarme anti-intrusion, installer des sanitaires « très résistants, anti-vandalisme », etc. Les tubes de chasse d’eau eux-mêmes devront être inaccessibles ! Est-ce un terrain d’accueil qu’on aménage ou un centre de rétention administrative (CRA) ? Ou bien Nantes Métropole fait-elle en sorte de stigmatiser ses hôtes tout en leur déroulant un tapis rouge ? Les travaux pourraient coûter 4,7 millions d’euros.

Ce terrain n°1, sis 34 rue des Bateliers, n’ouvrira pas avant le 1er semestre 2027 (avec un peu de chance, car il est menacé de divers aléas administratifs). Il sera suivi d’un, deux ou trois autres. On ne sait ni où ils se trouveront, ni comment ils seront aménagés. Or, dès la fin mai 2025, Nantes Métropole a tenu à désigner un prestataire chargé de leur sécurité future : la police municipale ne peut pas tout faire. Le marché (jusqu’à 14 millions d’euros sur quatre ans, ce qui représenterait plus d'une année du coût de fonctionnement de la police municipale !) a été attribué à une petite entreprise de Bouguenais. Voilà déjà une tâche épargnée à une nouvelle municipalité, au cas où l’équipe actuelle ne serait pas reconduite lors de l’élection de l’an prochain.

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/nantes-metropole-et-les-roms/

Nantes Métropole rame pour les Roms

Précédennt épisode :

Plus de 80 millions d'euros pour déménager les Roms de la prairie de Mauves

07 août 2025

Un remonte-pente pour les bilans du Voyage à Nantes ?

Le running gag des bilans estivaux du Voyage à Nantes est-il voué à l’extinction ? Depuis l’origine, Jean Blaise et ses services ont eu à cœur de publier chaque année des résultats formidables qui auraient pu préfigurer les hallucinations de Chat GPT. Le bilan du Voyage à Nantes 2011 était douteux ? On s’était résolu l’année suivante à « un redressement significatif des résultats de l’étude menée sur l’été 2011 », sans lequel le bilan 2012 aurait eu une drôle de mine. Derechef, le bilan 2013, fondé sur des extrapolations, avait été carrément exfiltré en 2014. Etc. On dirait que c’est toujours le bilan de l’année d’avant qui a quelque chose à se reprocher.

Quant au Voyage en Hiver, il semblait affecté du même genre de malformation congénitale.

On a les montagnes qu'on peut :
Mont Royal(e), par Block Architectes,
pour Le Voyage à Nantes 2012 
Mais voilà : la nouvelle direction du Voyage à Nantes semble déterminée à produire des calculs crédibles en créant un « observatoire d'activités touristiques ». Il devrait être plus pérenne que celui concocté par l’Agence d’urbanisme de l’agglomération nantaise (AURAN) en 2014 puisque  un prestataire vient d’être choisi pour quatre ans

Il s’agit de G2A Consulting, un spécialiste reconnu du tourisme montagnard. Il ne trouvera pas grand-chose à escalader à Nantes, pas même un Arbre aux Hérons. Mais il devrait vite s’acclimater grâce à Hélène Madec, nouvelle directrice des Machines de l’île, qui avait déjà recours à ses services dans son poste précédent, comme D.G. de l’office de tourisme de Megève.

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/un-observatoire-alpin-pour-le-voyage-a-nantes/

Un observatoire alpin pour Le Voyage à Nantes

21 juillet 2025

Le Voyage à Nantes 2025 : de plus en plus de mal à bien faire semblant

Le Voyage à Nantes 2025 consacre la couverture de son livret estival à Antipodos, d’Ivan Argote. On y voit un personnage aux pieds retournés gravir la colonne Louis XVI surmontée par… rien. Louis XVI a disparu « grâce à un jeu de miroirs [qui] reflète le ciel environnant ». Seule une petite nuance dans le bleu du ciel témoigne du stratagème.

Une légende en caractères minuscules, au dos, avoue : « d’après esquisse ». L’installation réelle est plus modeste, et même franchement ratée. Elle a pourtant dû coûter une fortune, vu le matériel mis en œuvre. Le boîtage réfléchissant censé donner « l’illusion de disparition » de Louis XVI est parfaitement visible, même sur un ciel uniformément bleu, tandis que le personnage « défiant toute logique gravitationnelle » est maintenu à la colonne par un double cerclage métallique bien costaud.


Cerise sur le gâteau, le photomontage du Voyage à Nantes montre le personnage 60 % plus grand qu’il n’est en réalité, et fixé plus haut sur la colonne. Pas grave ? Non, sauf que cela illustre une fois de plus un certain j’m’en-fichisme du Voyage à Nantes : c’est toujours bien assez bon comme ça. On a acheté un concept irréalisable, on fait comme si la promesse était tenue. Et après tout, puisqu’une bonne partie de la presse veut bien se contenter de reprendre le communiqué officiel…


L’étrangeté, thème du Voyage à Nantes 2025, n’est pas tant dans Antipodos que dans l’évaporation marketing du Voyage à Nantes. Sa mission initiale était de faire de Nantes une destination touristique internationale. Que pensera l'éventuel visiteur étranger de « l’illusion de disparition de la sculpture de Louis XVI » ? Rien, puisqu’il n’a jamais vu ce qui est censé avoir disparu. Antipodos se résume pour lui à une statue grossièrement fixée à une colonne surmontée d’un tronçon de colonne duodécagonale réfléchissante. Bof.

On comprend que Sophie Lévy, nouvelle directrice du Voyage à Nantes, tienne à le faire savoir : l’édition estivale 2025 « a été conçue par Jean Blaise et les équipes projets ».

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/le-voyage-a-nantes-devenu-simple-balade-dans-nantes-letrange-retraite/

Le Voyage à Nantes devenu simple balade dans Nantes : l’étrange retraité

17 juillet 2025

La culture, handicap de la nature à Nantes ?

 Le texte ci-dessous reprend un commentaire apporté au billet "Fini la culture, la nature c'est maintenant". Merci à son auteur, VertCocu, pour sa mise en perspective de la vocation « verte » de Nantes.

Il ne faut pas blâmer Johanna Rolland des manquements de Jean-Marc Ayrault.

Même du haut de mon adolescence, à la fin du siècle dernier, je remarquais que Nantes accordait au « vert » une place plus importante qu'ailleurs. Particulièrement en comparaison de ses « sœurs » Rennes et Bordeaux – et même de sa « cousine » Angers, qui a pourtant récupéré tout ce qui tourne autour de l'horticulture officielle au détriment de Nantes. Et triche avec son Lac de Maine.

Par « vert », j'entends un tilleul isolé et des carrés d'herbes de ci, de là. Pas forcément les parcs et squares, même si dans ces catégories, Nantes est tout à fait remarquable également.

L'épiphanie nantaise a eu lieu en 2006 quand Nicolas Hulot a fait un chantage écolo aux politiques, qui ont bien remarqué que cela plaisait aux citoyens. Jean-Marc Ayrault s'est rendu compte qu'artificialiser le moindre bout de pelouse pour faire plaisir à la CCI n'était peut-être pas si sage. Et il mettra beaucoup d'énergie, comme à son habitude, pour faire de Nantes la « capitale verte de l'Europe » en 2013.
Au temps de la Green Capital
Depuis, la municipalité est vigilante sur la question, sans malheureusement être innovante. Elle avait pris beaucoup trop de retard et n'est sauvée que par sa géographie de cours d'eau. Mais on peut tout de même regretter que, dans le sillage du tramway, même si l'écologie n'était pas forcémenten ligne de mire, Nantes ne soit pas devenue, toute proportion gardée, l'équivalent de Copenhague. Ou à défaut Strasbourg.

Elle a préféré se prendre pour Bilbao. Ce qui est d'autant plus imbécile que Jean-Marc Ayrault avait pourtant été mandaté par le Parti socialiste pour accompagner la disparition du caractère industriel de Nantes. Prendre le contre-pied en reincorporant du "naturel" n'était pas inimaginable dans les années 90.

À la décharge du Maugeois, Nantes est aussi la ville qui a comblé ses cours d'eau. Sous la pression de sa soi-disante élite, appâtée, comme tout bon chien de Pavlov, par la manne financière de l'Etat pour les travaux. On aura connu une quasi-répétition autour d'un aéroport.

"Fausse bonne idée : uriner sur les plantes
ne les fait pas pousser", rue Châteaubriand

Mais comme il est systématiquement impossible de dédouaner le professeur d'allemand (là encore, illusion d'une autre époque, déjà dans les années 80, les Allemands ne juraient que par l'anglais et délaissaient le français), on se souvient que dans les années 90, il y avait encore possibilité de décombler quelque peu. Volonté et idées citoyennes ne manquaient pas. L'argent sans doute. Mais on pourrait être curieux de savoir combien cela aurait réellement coûté au regard de l'argent jeté par les fenêtres dans le culturel qui, comme le disait un Nantais fameux « est à la Culture ce que le naturel est à la Nature, une pâle copie ».

Tenez. Apparemment, le dernier Royal de luxe, proposé dans ce qui ressemble à une certaine indifférence sorti d'une campagne d'affichage, ne ferait pas l'unanimité d'après la presse locale. (Lu aux devantures des tabacs.) Les temps changent. Comme toujours. Mais bien tard.

08 juillet 2025

Grande vague et petite bise au château de Nantes

Hoku… hoku… hoku n’hésitation, il faut aller voir l’exposition Hokusai au château des ducs de Bretagne (jusqu’au 7 septembre). Oh ! pas tant pour La Grande Vague (tout le monde l’a déjà vue mille fois et l’on en connaît dans le monde plus de cent tirages originaux) que pour la présentation d’ensemble de l’œuvre du génial artiste nippon.


Le musée du château n’a pas fait dans l’excès de zèle. Toute l’exposition provient d’un même petit musée japonais. Il n’a pas tenu à y superposer ses propres réalisations comme il l’avait fait avec Chevaliers. Il n’épuise pas le visiteur avec une accumulation de centaines d’œuvres comme l’avait fait le Grand Palais à Paris en 2014. Il n’a pas eu recours à un accrochage savamment compliqué : les estampes sont alignées comme à la parade au rez-de-chaussée, les dernières œuvres réalisées à Obuse sont groupées à l’étage, etc. C’est très bien ainsi. 

Il n’y a presque rien en trop. Juste quelques commentaires hasardeux sur le caractère prophétique de La Grande Vague (« Faut-il lire autre chose dans cette image ? » Et pourquoi pas dans toutes les autres, alors ?). Mais il y a quelque chose en pas assez. Hokusai est aussi un maître des estampes érotiques. Elles ont beaucoup fait pour sa réputation dans la France de la fin du 19e siècle. Ne les cherchez pas au château de Nantes.

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/hokusai-au-chateau-des-ducs-de-bretagne-la-vague-sans-le-vagin/

Hokusai au château des ducs de Bretagne : la vague sans le vagin


Illustration : ChatGPT Image

27 juin 2025

Fini la culture, la nature c'est maintenant

Ce week-end, c’est à l’Ouest qu’il faut être ! Dès ce soir, même, au parc de Procé, avec l’inauguration de L’étoile verte, premiers pas, une rando jonglée et un spectacle « lumino-poétique ». Demain, ça se passe à Saint-Herblain, à Sautron et au val de Chézine, après-demain à Orvault et au parc de La Gaudinière. Vous avez dit Nuit du VAN ? Vous n’y êtes pas ! Ringard, le voyage à Nantes, l’heure est à la balade hors de Nantes.

La Goguette (à droite) n’est pas une petite gogue
(gros boudin additionné de légumes hachés)
mais le cœur itinérant des activités de plein-air de l’Étoile verte.

Avec  L’Étoile verte, premiers pas, l’Association culturelle de l’été fait profil bas, ou du moins pas trop haut. Malgré une profusion de manifestations, elle ne se pose pas en concurrente du Voyage à Nantes. Un peu de patience suffira. Toute longue route commence par un premier pas.

« Jean Blaise était un intuitif visuel, je suis plutôt une conteuse », avertit Sophie Lévy, qui lui a succédé. « J’aimerais approfondir le lien entre l’art et la nature, montrer que Nantes est une grande ville de nature, avec des fleuves, des rivières, une très belle lumière... » Ça tombe bien c’est ce que veut faire L’étoile verte. Fini la culture, au sens dégradé qu’elle a pris à Nantes, retour à la nature !

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/letoile-verte/

L’Étoile verte : des balades en plus du Voyage à Nantes ?

 


26 juin 2025

Une histoire fichtrement ennuyeuse pour Le Voyage à Nantes et pour Fabrice Roussel, député de Loire-Atlantique

Voilà de quoi animer les coulisses du conseil métropolitain aujourd’hui et demain. La chambre régionale des comptes a publié cette semaine un rapport sur La Chapelle-sur-Erdre. À bien des égards, il n’est pas flatteur. Mais ce qui retiendra le plus l’attention est sa section 2.4.2 intitulée « Un projet mené avec le VAN source d’irrégularités et de dérives budgétaires ». Elle concerne la construction en 2021, au bord de l’Erdre, sur le site de La Gandonnière, d’une œuvre décrite comme « une construction de simples abris en bois et d’une rampe d’accès pour personnes à mobilité réduite ». Une réalisation en partenariat avec la SPL Le Voyage à Nantes.

Le maire de l’époque était Fabrice Roussel, et Fabrice Roussel était aussi président du Voyage à Nantes. Risque de conflit d’intérêt, note la Chambre, qui s’interroge aussi sur la nature du contrat entre la commune et la SPL. Mais le point le plus intéressant est la critique approfondie qu’elle fait de la commande de l’œuvre au collectif Fichtre – une commande effectuée sans mise en concurrence sous couvert de l’article R2122-3 du code de la commande publique (CCP). Cet article autorise les acheteurs publics à déroger au principe des appels d’offres quand les achats concernent une propriété intellectuelle. Pour la conception, d’accord, dit la Chambre ; pour la réalisation, en revanche, la construction des abris, ça ne fonctionne pas.

Rembrandt maçon (illustr. Bing créateur d'images)

Fabrice Roussel n’a pas dû être trop étonné par cette position. Président du Voyage à Nantes, donc, et aussi premier vice-président de Nantes Métropole chargé des grands équipements touristiques, avant son élection comme député de Loire-Atlantique l’an dernier, il avait pu lire avec intérêt en 2022 le rapport de la chambre régionale des comptes sur Saint-Sébastien-sur-Loire, en particulier sa section 6.4, « La réalisation de la Station Nuage a dérogé aux règles de la commande publique ». Même cause, mêmes remarques, qui avaient mené à une perquisition de la brigade financière à la mairie de Saint-Seb’ et au siège du Voyage à Nantes. L’enquête est en cours. On ne voit pas comment La Chapelle-sur-Erdre pourrait y couper.

« L’analyse ne doit pas consister en une analyse subjective de l’œuvre, elle doit consister plutôt dans l’analyse d’un processus qui a consisté à créer une œuvre d’art unique dans un lieu unique », plaide Fabrice Roussel dans sa réponse à la Chambre. Y croit-il lui-même ? Le 15 septembre 2022, Johanna Rolland et lui annonçaient l’abandon du projet d’Arbre aux Hérons pour deux raisons : l’augmentation du coût de l’acier et l’impossibilité de passer un marché unique en application de l’article R2122-3 du CCP.

Voir article complet sur Nantes Plus :

https://nantesplus.org/les-nuages-sur-le-voyage-a-nantes-et-sur-un-depute-sepaississent/

Les nuages sur Le Voyage à Nantes et sur un député s’épaississent

21 mai 2025

« Liberté, égalité, féminité », devise nantaise

La Ville de Nantes poursuit depuis quelques années « une politique de féminisation des dénominations de voies et d’équipements publics » : autrement dit, une politique de discrimination sexuelle. Le dire ainsi n’est pas politiquement correct, bien entendu, mais c’est l’évidence même. La municipalité nantaise, l’effectif de Nantes Métropole en est la preuve, n’est pas sexuellement égalitaire. 

Les noms de rue, à Nantes comme ailleurs, proviennent de lieux-dits (rue du Bois-Tortu…), de destinations géographiques (quai des Antilles…), de villes (rue de Strasbourg…), d’événements (esplanade des Victimes des bombardements des 16 et 23 septembre 1943…), de particularités géographiques (quai de la Fosse...), de professions (rue des Cap-Horniers…), d’industries (rue de la Brasserie…), d’institutions religieuses (rue du Chapeau-rouge…), de concepts pieux (boulevard de l’Égalité…), d’animaux (rue des Grenouilles…), de végétaux (rue des Clématites…), de lieux de batailles (rue de Valmy…), de nationalités (boulevard des Belges…), etc. 

Et aussi, pour un bon tiers, de personnages ‑ très majoritairement des hommes sans aucun doute. Cependant, aucun n’a été choisi en raison de son sexe. À tort ou à raison, on a retenu des artistes, des chefs d’État, des militaires, des savants, des médecins, etc. au titre d’œuvres, d’inventions, de victoires, de fonctions, etc. et pas parce qu’ils étaient des hommes. Nantes n’a même pas de rue Dieu le père. En fait, la seule voie de Nantes à porter un nom d’origine sexuée était autrefois la rue de la Rosière d’Artois.

Un peu de place aux femmes

Naguère, si l’on hésitait sur le choix d’un nom, c’était entre deux mérites, pas entre deux sexes. Nous sommes la ville d'Anne de Bretagne, quoi, et La Vie des femmes célèbres, écrit en 1504 à sa demande, est l'un des trésors du musée Dobrée. Les édiles nantais d'autrefois n’étaient pas hostiles aux femmes par principe. Ils en ont honorées qui n’étaient pas des « épouses de ». Qui sait que la dédicataire de la rue Bonne-Louise était une Madame Charrier ? Le mariage n’était d’ailleurs pas une condition. Une cour Moreau, dans la rue du Moulin, a porté le nom des sœurs Moreau, qui y tenaient une école maternelle, la rue Fanny-Peccot honore une généreuse célibataire qui légua sa fortune au bureau de bienfaisance, la rue Dudrézène, commémore l’auteure de Une vie manquée : souvenirs d’une vieille fille (j’avoue un peu de provoc’, là : l’œuvre de Sophie Ulliac-Tremadeure, alias Sophie Dudrézène, comprend surtout des romans pour la jeunesse et ses articles du Journal des jeunes personnes). 

Débaptiser des rues, déshabiller l’un pour habiller l’autre ? Refuser l’hommage d’une rue à un homme parce qu’il est homme pour le donner à une femme parce qu’elle est femme ? Ce serait courir le risque d’échanger une injustice contre une autre. Mais ce ne serait pas la première fois. À Nantes, la place Cincinnatus est devenue place de la Duchesse-Anne et la rue Montaigne est devenue rue Marie-Anne du Boccage. La rue Jeanne d’Arc a amputé la rue Moquechien en 1892. En sens inverse, on a aussi vu dans l’histoire de la Ville la rue des Bonnes-sœurs devenir rue de l’Union, le passage Sainte-Anne rue Brizeux, le pont Sainte-Catherine pont d’Orléans, la rue des Saintes-Claires rue Fénelon, la place Sainte-Elisabeth rue du Marchix, la rue des Ursules rue du Lycée, la rue de la Vierge rue Pérelle, etc. On soupçonne pourtant que c’était un signe de passion politique plutôt que de répression sexuelle.

Jules Ferry dans le collimateur ?

L’odonymie est un exercice délicat. En 1946, pour faire pendant à Roosevelt et Churchill, Nantes n’a pas honoré Staline mais… Stalingrad ! Chaque époque a ses propres pudeurs et ses propres engouements, que les suivantes doivent parfois traîner comme un boulet. Aujourd’hui, à quelles voies donnerions-nous un nom de général, un nom de saint(e), un nom d’aristocrate ? Honorerions-nous Colbert, rédacteur du Code Noir, Kléber, massacreur des Vendéens, Lamoricière, conquérant de l’Algérie, André Morice, maire rad’soc’ de Nantes mais constructeur de la ligne Morice pendant la guerre d’Algérie, l’amiral Courbet, qui guerroya contre la Chine pour garder à la France sa colonie du Tonkin ? Pour limiter les dégâts, nous en sommes réduits à apposer des déclarations de repentance à côté des noms d’armateurs du 18e siècle.

Faudra-t-il systématiquement expliquer, chaque fois qu'un nom est contestable,
qu'on l'a gardé quand même afin de pouvoir "assumer" l'héritage de l'histoire nantaise ?
Et puis, à partir de quand des déclarations outrageantes doivent-elles oblitérer des mérites matériels ? Comment imaginer un dédicataire plus louable que le docteur Alexis Carrel, chirurgien de pointe et prix Nobel de médecine ? Hélas, personne sans doute dans la municipalité nantaise n’avait lu L’Homme cet inconnu, vendu pourtant à 400 000 exemplaires en France, où il faisait l’éloge de l’eugénisme… Si Alexis Carrel a été privé de son boulevard, Jules Ferry, chantre de la colonisation (« Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures »…), conserve sa rue. Pour le moment. 

Il n'est pas toujours nécessaire d’attendre longtemps pour se mordre les doigts. Johanna Rolland se félicitait voici trois ans d’inaugurer une place Abbé-Pierre. Les édiles nantais qui imposent aujourd’hui des noms de femmes sont-ils bien certains que leurs vertus resteront impérissables ? Dans les lotissements des banlieues-dortoirs, les nouvelles voies s’appellent plutôt rue des Mésanges ou allée des Glycines. C’est la sagesse même

12 mai 2025

Est-ce le stock de noms féminins qui s’épuise à Nantes, ou plutôt le « dialogue citoyen » ?

Nantes est une fois de plus en plein dialogue citoyen – vous le savez aussi bien que moi, naturellement. Le thème du moment est : « Noms de rues, place à l’Égalité ». Il s’agit de proposer de nouveaux noms à donner aux rues de la ville. On lit bien proposer : les citoyens proposent, la maire dispose – l’Égalité a des limites. La première partie du projet s’est déroulée du 24 mars au 21 avril. Tout un chacun a pu présenter ses propositions sur le site web dédié.

Ça sent un peu le réchauffé. Nantes avait déjà lancé une consultation sur le thème « Nom de rues, place aux femmes » début 2016. L’Égalité de cette année ratisse plus large, ou moins sexiste : si l’appel municipal porte d’abord sur des « noms de femmes qui ont marqué l’histoire locale, nationale ou internationale », il accepte aussi « des noms de personnalités, peu importe leur genre, engagées en faveur de la défense des droits humains » ‑ ou en tout cas de certains droits : « lutte contre le racisme, l’esclavage, les discriminations, en faveur des droits des minorités, etc. » Une Égalité à périmètre délimité, en somme, dont les Nantais ont compris le caractère rhétorique : ils ont proposé 359 noms pour la première catégorie, 119 seulement pour la seconde.

Comment féminiser un nom de rue à  Nantes : Acte I

En 2016, la catégorie « femmes » étant seule en lice, la Ville avait reçu 1 118 réponses ! On mesure la baisse d’enthousiasme des Nantais... D’autant plus que 28 % des propositions reçues cette année (132) proviennent en réalité d’un unique contributeur stakhanoviste. Il devance de très loin la numéro deux, à qui la Ville doit « seulement » 18 % des propositions (87). Le premier a écumé Wikipédia, la seconde a surtout recyclé en copier-coller les articles de son propre blog Médiapart. Cette dernière est aussi l’auteur de la plupart des rares commentaires (une vingtaine) déposés sur le site, sous forme de renvois vers son blog. On n’est jamais si bien servi que par soi-même.

Un contributeur a proposé une douzaine de patronymes ukrainiens. Un autre avance une vingtaine de noms parmi lesquels « La Séléné du Rocher », « La Cléopâtre de Jersey » et la « Rue des femmes du 12ème art ». Dix pour cent des contributions ont été déposées in extremis, le dernier jour de la consultation. Au total, 89 personnes ont répondu à l’appel à idées, soit environ 0,027 % de la population nantaise. Pour donner l’échelle, le conseil municipal de Nantes compte 69 élus. 

Ces inconnu.e.s qui ont déjà leur rue ou leur boulevard 

L’examen des 478 idées déposées est en cours dans les services de la ville jusqu’au 16 mai. Néanmoins, le résultat est apparemment acquis d’avance puisque, annonce déjà la Ville sur le site web du débat, « plus de 350 propositions sont recevables ». De 478 à 350, pourquoi un tel taux de chute ?

Un peu parce que certains noms sont proposés en double (Mahsa Armini, Catherine Bernheim, Hypathie d’Alexandrie, Alice Milliat, Cecilia Payne, Anne Sylvestre, Harriet Tubman, Élisabeth Vigée-Lebrun ; « La Séléné du Rocher » est aussi un doublon sophistiqué pour Claude Cahun), voire en triple (Frantz Fanon, Katherine Johnson). 

Et beaucoup parce que certains contributeurs n’ont pas pigé les règles fixées. Il n’y en a pourtant que deux. D’abord, les personnalités nommées doivent être décédées depuis au moins deux ans. Ce qui exclut par exemple « Roseline Bachelot (1964-2023), ancienne ministre de la culture », née Roselyne Narquin en 1946 et bien vivante à ce jour.

Comment féminiser un nom de rue à Nantes : Acte II
Ensuite, ces personnalités ne doivent pas être déjà honorées à Nantes. On s’imaginerait que le citoyen qui propose une allée Mme Untel ou un square Melle Duchmol s’intéresse assez aux susdites pour savoir si leur nom figure sur une plaque au coin d’une rue… Eh bien pas du tout. Parmi les personnalités proposées ces jours-ci, beaucoup ont déjà été honorées par Nantes, qui a donné leur nom à

  • une rue (Maya Angelou, Susan Brownell Anthony, Florence Arthaud, Barbara, Marcelle Baron, Anita Conti, Jeanne d’Arc, Jeanne de Belleville, Olympe de Gouges, Sophie Germain, Gisèle Giraudeau, Raymonde Guérif, Caroline Herschel, Miriam Makeba, Marie Marvingt, Louise Michel, Édith Piaf, Marie-Claude Vaillant-Couturier),
  • une allée (Madeleine Brès, Claude Cahun, Jacqueline de Romilly, Isabelle Eberhardt, Adélaïde Hautval, Françoise Héritier, Claire Lacombe, Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, Lise Meitner, Marie Pape-Carpentier),
  • une ruelle (Lilla Hansen),
  • une venelle (Alexandra David-Néel, Françoise d’Eaubonne),
  • une avenue (Christine de Pisan, Émilie du Châtelet, Alice Milliat, Joséphine Pencalet),
  • un cours (Bertie Albrecht),
  • une place (Marion Cahour, Edmée Chandon, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Paulette Nardal, Suzanne Noël, Charlotte Perriand),
  • un boulevard (Gisèle Halimi, Martin Luther King),
  • un square (Marion Cahour, Virginia Woolf),
  • un pont (Anne de Bretagne),
  • une école (Françoise Dolto, Pauline Kergomard, Louise Michel, Alice Milliat), 
  • une salle de sport (Alice Milliat).

Soit une bonne cinquantaine d’errements : la voirie n’apporte pas forcément la notoriété… (Pour être juste, l’avocat de Françoise d’Eaubonne n’ignore pas que celle-ci est déjà honorée à Nantes ; il trouve juste qu’une venelle n’est pas un hommage à sa mesure.) Ainsi, ce n’est pas seulement la quantité d’idées qui baisse, c’est aussi leur qualité. Comme on l’a déjà vu avec d’autres consultations, par exemple à propos du pôle d’écologie urbaine, les Nantais ne croient plus guère au dialogue municipal.


Prochain billet : Liberté, égalité, féminité, devise nantaise